Une femme examine les décombres d'un bâtiment effondré le 10 septembre 2023 à Moulay Brahim, au Maroc. Un séisme d'une magnitude de 6,8 sur l'échelle de Richter a frappé le Maroc central. Bien que l'épicentre se trouvait dans une zone peu peuplée des montagnes du Haut Atlas, ses effets se sont fait sentir jusqu'à Marrakech. Crédit photo: Carl Court/Getty Images

Au moment d’écrire ces lignes, le Maroc recense près de 2 800 morts et 2 500 personnes blessées suite au tremblement de terre ayant frappé la région de Marrakech le 8 septembre. En Ontario, la communauté marocaine est en peine. Bien qu’il y ait de l’espoir et de la solidarité, c’est une période de deuil que traversent les Marocains canadiens.

Najat Ghannou, la présidente de l’Association canadienne des Marocains d’Ottawa et de Gatineau, a très vite ouvert une plateforme de financement en ligne pour aider ses concitoyens démunis. 

« La communauté marocaine dans la région d’Ottawa est très bouleversée », estime la présidente au micro d’ONFR.

« Nous essayons de nous ressaisir pour aider les gens qui ont de la famille là-bas et ceux qui ont tout perdu, notamment dans la partie du sud de Marrakech, Al-Haouz. »

Mme Ghannou a ouvert un GoFundMe afin d’envoyer de l’argent aux familles dans le besoin. Elle suit les chiffres chaque jour et s’informe auprès des services d’urgence sur place. 

Heureusement, dit-elle, elle n’a perdu aucun membre de sa famille. Mais la peine est immense. « Je suis ici, mais mon cœur est là-bas. »

Plusieurs initiatives en cours 

La blogueuse et travailleuse en éducation inclusive à Ottawa Layla Saligane se sert de ses réseaux pour organiser de l’aide. Lorsqu’elle a appris la tragédie qui se déroulait dans son pays, la jeune femme a tout de suite contacté sa famille et sa communauté. 

Stories de Layla Saligane sur son compte Instagram. Capture d’écran/ONFR

« Il faut agir vite, parce que ces gens-là se trouvent dans les montagnes et, bientôt, il fera froid. C’est sans parler du temps qu’il faudra pour reconstruire », alerte-t-elle.

En trois jours, Mme Saligane a récolté plus 23 000 $. Elle a déjà organisé l’envoi de vêtements, de tentes et sacs de couchage qui partiront d’Ottawa cette fin de semaine. En parallèle, elle s’est associée avec des personnes sur place pour acheter le nécessaire, dont deux camions de 20 tonnes de nourriture livrés ce mercredi dans les coins difficiles d’accès et durement touchés par cette catastrophe. 

« Nous avons reçu des dons de partout au Canada et de toutes les communautés », s’émeut-elle. « Cette solidarité est nécessaire. »

Layla Saligane est bloggeuse. Sa communauté a réagi en masse, sous forme de dons d’argent, mais aussi de vêtements chauds. Gracieuseté

Layla Saligane a monté une véritable équipe de bénévoles au Maroc, qui lui transmet les besoins réels. D’après la jeune femme, le défi reste l’accès aux villages. 

Najat Ghannou admet ne pas beaucoup dormir depuis le tremblement de terre, du fait de l’ampleur du désastre. « Ma famille va bien et elle se mobilise. En fait, la solidarité marocaine est exemplaire », se rassure-t-elle.

Selon les membres de sa famille, des « kilomètres de personnes » se sont déplacés pour donner leur sang à la Croix rouge. 

« Dans tout le pays, des camions convergent vers les zones sinistrées pour apporter des couvertures, des médicaments, de l’eau et même héberger des gens. »

À Ottawa, les communautés s’agitent. Entre autres, la communauté judéo-marocaine et l’école publique secondaire Gisèle Lalonde à Orléans font des levées de fonds pour remplir la cagnotte de Mme Ghannou. 

Malgré le soutien, le sentiment d’impuissance

Des trémolos dans la voix, la présidente de l’association marocaine explique que les Marocains s’occupent même d’enterrer leurs proches. « Le bilan n’est pas terminé. C’est catastrophique, quand on sait que de nombreuses personnes sous les décombres ou qui ont tout perdu n’ont pas encore été rejointes. »

Najat Ghannou est présidente de l’Association canadienne des Marocains d’Ottawa et de Gatineau. Gracieuseté

Les militaires marocains et des pays voisins constatent eux-mêmes les difficultés sur le terrain. D’après Mme Ghannou, les animaux tels que les ânes et les chevaux sont utilisés pour porter le matériel là où les hélicoptères ne peuvent pas se rendre. 

À Toronto, Hassan El Hadi se sent impuissant, lui qui est originaire de Chichaoua, une des régions les plus touchées par le séisme. 

« Je connais tous les villages. Certains ont disparu, rasés de la carte », affirme-t-il. 

Hassan El Hadi vit à Toronto. Sa région fut l’une des plus touchées au Maroc. Source : Facebook

M. El Hadi aimerait aider son peuple. Il se dit malade d’être si loin de sa famille dans ce moment si particulier. 

« Les gens n’ont rien, ma famille a fui sa maison en pleine nuit, c’était dangereux de rester proche des immeubles et des maisons. »

« C’est catastrophique, il y a des enfants dehors, des bébés même », s’emporte-t-il. « C’est inquiétant, je me sens démuni. »

De l’aide internationale qui pourrait être contre-productive

Mme Ghannou ne croit pas aux rumeurs de refus d’aide de la part du Royaume. « Le Maroc ne ferme pas ses portes, il y a déjà beaucoup de pays sur place. »

En effet, le Qatar, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Turquie et les Émirats arabes unis seraient déjà sur le terrain. Le Royaume du Maroc n’aurait pas « encore » répondu à la demande de la France et des États-Unis pour intervenir. 

Les Marocains fouillent les décombres à la suite du séisme. Crédit photo : Carl Court/Getty Images

Pour certains, ce serait une façon de garder une coordination sur place, fluide et ordonnée. Pour d’autres, cette absence de réponse sous-entend un froid entre la France et le Maroc. Depuis que l’ancienne puissance coloniale se rapproche de l’Algérie, qui a rompu en 2021 ces rapports diplomatiques avec Rabat, les relations entre la France et le Maroc seraient tendues.

Pour Hassan El Hadi, « il faut se concentrer sur les gens qui souffrent et qui sont déjà pauvres. C’est de la politique et ça n’aide personne ».

À ce jour, le bilan est lourd et ne cesse d’augmenter. Plus les jours passent, plus les chances de retrouver des survivants s’amoindrissent.