La COVID- 19 plus meurtrière que jamais?

L'Ontario fait tomber le masque
Trois ans après que l’Ontario ait déclaré l’état d’urgence sanitaire dans la province, la COVID-19 a tué plus de personnes en 2022 qu'en 2021. Source: Canva

Alors que le médecin-hygiéniste en chef de la province a rendu public son rapport 2022 portant sur le plan préparatoire au vu des pandémies futures, un autre rapport sorti tout droit des tiroirs de Santé publique Ontario vient rappeler qu’on n’est toujours pas sorti de celle de la COVID-19. Pire que cela, la situation est plus funeste en 2022 qu’en 2021. Décryptage.

Trois ans tout juste après que l’Ontario ait déclaré l’état d’urgence sanitaire dans la province, le sujet ne fait plus la Une des journaux. Et pourtant, la COVID- 19 tue encore, et elle tue plus que jamais.

En effet, selon un rapport publié le 6 mars dernier par Santé publique Ontario et intitulé Comparaison des hospitalisations et des décès liés à la COVID-19 en 2022 et 2021, la province a enregistré 7 625 décès liés à la COVID-19, contre seulement 5 485 en 2021, soit une augmentation de 39 %.

Même constat concernant le taux d’hospitalisation qui, lui, a bondi de 31 % entre 2021 qui a enregistré 22 559 hospitalisations et 2022 qui en a connu 29 524.  

« C’est vrai qu’on peut trouver cela contre-intuitif, parce qu’on a plutôt l’impression que ça va beaucoup mieux aujourd’hui, que l’on a récupéré notre vie normale d’avant la pandémie, et voilà qu’on a ce rapport qui nous dit que la situation est pire », confirme le Dr Santiago Perez Patrigeon, spécialiste des maladies infectieuses au Centre des sciences de la santé de Kingston.

Le docteur Santiago Perez Patrigeon est spécialiste des maladies infectieuses au Centre des sciences de la santé de Kingston. Archives ONFR+

Omicron, principal responsable, mais pas que…

Toutefois, d’après cet expert, il faut regarder ces données de plus près avant d’en tirer de quelconques hâtives conclusions.

 « Si on regarde le graphique relatif aux taux d’hospitalisation et de décès, on s’aperçoit que la période qui tire à la hausse ces taux se situe essentiellement entre décembre 2021 et janvier 2022, ce qui correspond à l’énorme vague d’Omicron qui a fait exploser les hospitalisations et, par conséquent, les décès. C’est Omicron qui a changé la donne, c’était comme un retour en arrière à l’époque », explique-t-il.

En outre et au-delà du variant Omicron, l’autre facteur sous-jacent avancé par le Dr Patrigeon et qui participe à cette hausse significative des taux d’hospitalisation et de mortalité est imputable aux effets indirects et pervers des restrictions inhérentes à la COVID-19.

Source : Santé publique Ontario

« On a beaucoup de personnes avec des maladies chroniques qui ont attendu longtemps pendant la pandémie avant de recevoir des soins, soit parce qu’ils n’en avaient pas l’accès, soit parce qu’ils ne voulaient pas aller à l’hôpital parce qu’ils avaient peur. Ce qui fait qu’on se retrouve aujourd’hui avec des maladies chroniques qui ont empiré, puisque ces personnes s’étaient beaucoup fragilisées pendant la pandémie. Si on corrèle ce constat avec le fait que, pendant 2022, il y a eu beaucoup de cas de contamination dans les hôpitaux, ça peut expliquer, en partie, les données dans ce rapport », déchiffre le spécialiste.

Quatre fois plus de décès chez les jeunes

Une autre donnée qui suscite l’intérêt dans ce rapport réside dans le fait qu’il y a eu quatre fois plus de décès en 2022 chez les jeunes de moins de 20 ans qu’en 2021. En effet, ils étaient sept en 2021 à y avoir laissé la vie, contre 28 en 2022.

Le phénomène se reflète également dans les hospitalisations concernant cette tranche d’âge. En 2022, ils étaient 1 727 jeunes Ontariens de moins de 20 ans à avoir été admis à l’hôpital pour cause de COVID-19, alors qu’ils n’étaient que 556 en 2021, soit une hausse de 211 %.  

Source : Santé publique Ontario

« Il n’y a plus de restriction de santé publique en 2022. Pratiquement plus personne ne porte de masque aujourd’hui, par exemple. La vaccination a également décéléré. Après la levée des restrictions, il y a eu une espèce de retour à la vie normale de façon un peu exagérée, les gens avaient envie de voyager, de se rencontrer, et cela concerne beaucoup les jeunes. D’ailleurs, la pandémie de la variole simienne qu’on a eue résultait directement de cette volonté absolue de revenir à la normale », élucide le spécialiste des maladies infectieuses.

Un futur meilleur

Quant à savoir si cette tendance va se poursuivre pour 2023, le Dr Patrigeon est plutôt confiant. Et pour cause, la vague Omicron est aujourd’hui derrière nous et, à y regarder de plus près, les courbes de la mortalité et d’hospitalisation se stabilisent à un niveau « acceptable », et cela sans aucune restriction, ce qui est plutôt bon signe pour les jours à venir.

« De plus, on le voit bien sur le graphique. En décembre 2022 et janvier 2023, on n’a pas eu cette poussée énorme survenue à la même période en 2021, ce qui est très rassurant. Le taux de positivité continue aussi de baisser d’après les données recueillies à partir des eaux usées », ajoute le docteur.  

Pour rappel, selon Santé publique Ontario, les dernières données pour la semaine allant du 26 février au 4 mars 2023 indiquent 3 914 cas de contaminations, avec 255 hospitalisations et 34 décès, soit environ cinq morts par jour. Des chiffres « sous-évalués pour ce qui est de l’activité de la COVID-19 dans la province », comme on peut le lire sur le site de l’organisme, puisque « le dépistage ainsi que la gestion des cas, des contacts et des éclosions en Ontario ont été limités aux populations et milieux à risque élevé en janvier 2022 ».  

À l’heure de la mise sous presse, le ministère de la Santé de l’Ontario n’avait pas donné suite à nos sollicitations.