Le Dr Moore prône un effort durable dans la préparation aux pandémies

Le Dr Kieran Moore, médecin-hygiéniste en chef de l'Ontario.
Le Dr Kieran Moore, médecin-hygiéniste en chef de l'Ontario. Crédit image: Rudy Chabannes

TORONTO – Afin de prévenir de nouvelles tragédies sanitaires, le médecin-hygiéniste en chef de l’Ontario, Kieran Moore, prône la fin du yo-yo du financement en santé publique. Voici ce qu’il faut retenir de son rapport annuel publié ce mercredi.

« Si un autre agent pathogène infectieux émerge dans un avenir proche, l’Ontario sera-t-il prêt? » questionne le premier médecin de la province. Si l’Ontario veut répondre par l’affirmative, il devra d’abord commencer par ne plus serrer le robinet des financements au fil des années.

« L’histoire nous apprend qu’une fois qu’un événement comme le SRAS, la grippe H1N1 ou la COVID-19 est derrière nous, la complaisance s’installe souvent, les fonds sont réorientés et l’état de préparation diminue », regrette le Dr Moore qui martèle, au gré des 58 pages que contient le document, le caractère continu que doit revêtir l’effort de santé publique.

Face au risque croissant de pandémies dû à une connectivité humaine globale, « la préparation doit être « un processus continu, et non un état final », croit-il, appelant à « tirer des leçons de cette expérience » car « les coûts humains et économiques de l’impréparation sont trop élevés ».

Au cours des trois dernières années, plus de 55 000 Ontariens ont été hospitalisés, plus de 14 000 sont morts et des milliers ont souffert de la COVID longue ou de séquelles post-COVID-19, sans compter les dommages collatéraux liés à la santé mentale.

Muscler la capacité d’intervention

Pour être prêt, l’Ontario a besoin d’un secteur de la santé publique soutenu, adaptable et résilient, plaide le médecin-hygiéniste, qui émet plusieurs recommandations, notamment sur l’importance de professionnels de santé formés, alors que la province connaît une alarmante pénurie de main-d’œuvre.

« Si le secteur de la santé publique a été en mesure de lutter contre l’épidémie COVID-19, il est clair que, face à une pandémie, le personnel de santé publique ne dispose pas d’une capacité d’intervention adéquate », tance-t-il

Principales recommandations

– Poursuivre le renforcement d’un personnel de santé compétent, adaptable et résilient, et l’investissement dans l’expertise scientifique.

– Veiller à ce que toutes les collectivités et milieux, en particulier ceux confrontés à des inégalités sanitaires et sociales, soient soutenus.

– Continuer à renforcer la confiance sociale, contrer la désinformation et aider les gens à comprendre comment/pourquoi les décisions sont prises.

– Assurer la collecte systématique de données sociodémographiques et les efforts communautaires pour réduire les inégalités en santé.

– Faire l’évaluation de façon continue de l’état de préparation de l’Ontario en cas de pandémie, dans de futurs rapports du médecin hygiéniste en chef.

Le rapport insiste en outre sur le renforcement de l’infrastructure provinciale de dépistage et de surveillance, mais aussi des laboratoires afin de pouvoir effectuer un grand nombre de tests à l’échelle de la province en cas de pandémie, tout en conservant la capacité d’effectuer des tests de routine.

Kieran Moore croit par ailleurs que la province doit aller plus en profondeur sur l’intégration des données utilisées par les hôpitaux, des bureaux de santé publique et les médecins. « Le manque d’intégration des systèmes d’information entraîne une duplication inutile de la collecte de données ainsi que des informations manquantes », a-t-il constaté.

En cas de nouvelle épidémie, la province devra aussi veiller à un accès équitable aux soins et aux vaccins. « Le plan devrait inclure des stratégies  visant à assurer une prise de décision éthique sur la façon de prioriser les groupes à traiter, des conseils d’experts pour élaborer et mettre à jour les directives de traitement clinique, et des recherches sur l’impact des nouvelles thérapies », ajoute l’expert.

Relative satisfaction linguistique

Une communication claire et efficace sur les risques est un facteur déterminant dans la confiance et la préparation du public, mais le Dr Moore prévient qu’il faudra aussi, à l’avenir, lutter activement contre la désinformation » qui vient brouiller le message sanitaire.

Sur le plan linguistique, le document n’identifie en revanche pas d’amélioration particulière. « Des efforts particuliers ont été déployés pour atteindre des communautés culturellement et linguistiquement diverses », se satisfait-on.

Et de prendre pour exemple « les agences locales de santé publique situées dans les régions désignées en vertu de la Loi sur les services en français qui ont tiré parti des mécanismes et des relations existants pour faire participer les communautés francophones à la planification et à la prestation de services qui atteindraient et répondraient aux besoins des Ontariens francophones. »

Tout n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille pour les patients franco-ontariens, notamment dans les communications des villes et bureaux locaux de santé publique ou encore les cliniques de vaccination réticentes dans certaines régions désignées à déployer des accueils dans les deux langues.

Le médecin-hygiéniste qui avait affirmé à ONFR+ prendre très au sérieux l’information en français s’était alors contenté d’envoyer une lettre aux bureaux de santé publique locaux pour les inciter à faire mieux.