Politique

La Ford Fest : politique à la sauce barbecue

Doug Ford sur scène lors de son discours de la Ford fest. Photo : Rudy Chabannes/ONFR

ETOBICOKE – L’annuelle Ford Fest, ou barbecue géant à ciel ouvert, du premier ministre ontarien Doug Ford était de retour ce vendredi pour la première fois depuis sa réélection en février dernier. Véritable institution déjà sous Ford père, ONFR s’est fondu dans la masse à la rencontre du public très hétéroclite d’un « rassemblement populiste unique », selon des experts et politologues francophones, « une autre façon de faire de la politique ».

Hamburgers, hotdogs, T-shirts, spectacles et manèges gratuits… Le parc Centennial d’Etobicoke avait des airs de fête foraine ce vendredi en fin d’après-midi, non loin du Stade Rob-Ford, du nom du frère du premier ministre.

Doug Ford est arrivé sur scène entouré d’une grande partie de son caucus, devant des milliers de partisans agitant des drapeaux à son effigie et venus prendre part à la Ford Fest, une tradition familiale de longue date au sein de son fief.

Tunnel sous la 401, vignettes automobiles gratuites, chèques de 200 dollars… dans un discours rythmé, il a martelé ses messages clés, sur fond de souveraineté canadienne : « Le Canada ne deviendra jamais le 51e État américain. »

Légende : « Capitaine Canada », un slogan phare sur tous les drapeaux. Photo : Rudy Chabannes/ONFR

Photo : Rudy Chabannes/ONFR

Photo : Rudy Chabannes/ONFR

Photo : Sandra Padovani/ONFR

D’un simple petit rassemblement communautaire, la Ford Fest est devenue une célébration attirant des milliers de sympathisants de tous horizons.

« C’était un barbecue qui a commencé avec Douglas Ford senior (le père de Doug Ford), alors qu’il était député provincial pour Etobicoke-Humber au sein du gouvernement de Mike Harris dans les années 1990. Il a ensuite été repris par Rob Ford lorsqu’il était conseiller municipal, puis maire de Toronto, et se poursuit aujourd’hui avec Doug Ford », narre Peter Turkington, directeur des communications du Parti progressiste-conservateur.

On y retrouve des participants aux profils variés qui vont « du pro MAGA (Slogan de Donald Trump Make America great again) jusqu’aux personnes les plus syndiquées », s’amuse Joël Etienne, avocat, militant conservateur et ancien candidat pour le Parti conservateur du Canada.

La famille Ford est issue du monde de l’entrepreneuriat et du commerce avec l’idée que l’électeur est un client qu’on veut satisfaire, analyse celui-ci : « C’est la formule politique à succès de la famille Ford, une façon unique d’être proche des gens. »


Un populisme « ni de gauche ni de droite »

« Ce genre d’événement serait plutôt de nature d’un populisme de gauche, contrairement à l’idée de rencontres élitistes dans des clubs privés », pense M. Etienne

Populisme, un terme chargé que Doug Ford redéfinirait à sa façon selon ce dernier : « Ni de gauche ni de droite. Sa vision n’est pas idéologique. »

Photo : Sandra Padovani/ONFR

Pour Gilles Vandal, professeur et politologue à l’Université de Sherbrooke, expert en politique américaine, dans tout populisme réside un paradoxe intrinsèque : « celui d’adresser son message pour le peuple, mais de vouloir se faire aimer des élites. »

« Il est très pragmatique et beaucoup moins idéologue, soulève-t-il. Pour des sujets sociétaux sensibles, il essaye de rester neutre, de répondre à ce que son électorat attend de lui sans brusquer les autres, contrairement à Donald Trump, avec qui il a su prendre ses distances quand il le fallait, à l’inverse de Pierre Poilièvre, qui n’a pas su ajuster son tir à temps. » 

Doug Ford se distinguerait également en parlant aux immigrants, par un discours inclusif face aux minorités, qui représente une manne d’électeurs sur laquelle il peut compter.

« Ce brunch annuel reflète cette vision multiculturelle. Un aspect fédérateur et rassembleur qui lui assure une certaine adhésion populaire », observe l’universitaire.

« Dans le discours, le premier ministre ontarien promet des possibilités économiques de prospérer. Que ça soit vrai ou non sur le terrain c’est autre chose… Mais la communication est là », ajoute-t-il.

« Une façon différente de faire de la politique »

« Et c’est un barbecue, pas un séminaire! C’est une façon différente de faire de la politique. Hors campagne électorale c’est un peu moins conventionnel. C’est une façon d’asseoir sa popularité en plus de lever des fonds »

Célébrer le bon vivre, autour des grillades et des bières pression, une façon pour M. Ford de s’ériger en personnage très sympathique, bon vivant, en somme, populaire pour parler au plus grand nombre.

La festivité ambiante n’a pas empêché à certains contestataires de rappeler un climat politique controversé, notamment autour du fameux projet de loi 5, adopté ce début juin.

Une banderole « Kill bill 5 », « Supprimez le projet de loi 5 » en français, flottait en arrière-plan, tandis qu’un protestataire a déboulé sur la scène devant Doug Ford avant de se faire expulser par la sécurité.

Une image d’autant plus contrastante au milieu d’une foule en faveur des politiques du Parti progressiste-conservateur de Doug Ford.

Photo : Rudy Chabannes/ONFR