La Nouvelle-Écosse, un exemple pour l’éducation en français en Ontario?

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OTTAWA – L’annonce du gouvernement néo-écossais de créer une loi distincte pour l’éducation de langue française est accueillie avec un mélange d’intérêt et de prudence dans le monde de l’éducation franco-ontarien.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« En Ontario, nous sommes bien servis. Nous avons un département du ministère de l’Éducation qui regroupe tous les intervenants francophones et qui comprend bien nos besoins. Mais si une loi pouvait garantir ça, ce serait bien », lance le président de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC), Jean Lemay.

Dans un projet de loi déposé le 1er mars, le gouvernement néo-écossais propose de rendre autonome la partie de l’actuelle Loi sur l’éducation de la province qui est consacrée à l’éducation de langue française pour en faire une loi distincte intitulée « Loi sur le Conseil scolaire acadien provincial ». Une première au Canada.

« C’est un grand pas pour les Acadiens de Nouvelle-Écosse et on peut espérer que les autres gouvernements, notamment dans les provinces voisines de l’Atlantique, y réfléchissent », espère le président de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Mario Pelletier.

L’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO) se montre moins enthousiaste.

« Il faut voir comment ce sera mis en œuvre et comment les francophones de la Nouvelle-Écosse vont pouvoir s’assurer d’avoir leur part du gâteau. Une loi spécifique ne garantit pas d’argent pour les écoles de langue française », souligne le président, Denis Chartrand.

Un constat qui rejoint celui de la directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), Marie-Claude Rioux, sur les réseaux sociaux.

« On demeure prudent. Les fonds suivront-ils?  Et quelle sera la réaction des anglophones de la province? Il faudra gérer la question avec doigté. »

Approche unique

Avocat dans de nombreuses causes linguistiques et pour plusieurs conseils scolaires francophones de l’extérieur du Québec, dont le Conseil scolaire acadien provincial (CSAP) de Nouvelle-Écosse, Mark Power rappelle que partout à l’extérieur du Québec, le système d’éducation n’a jamais été conçu pour les francophones en milieu minoritaire.

L’avocat Mark Power. Crédit image : Archives #ONfr

« Les provinces et territoires ont ajouté les obligations relatives aux droits à l’instruction dans la langue de la minorité à des régimes d’éducation existants, conçus pour la majorité, y compris au Nouveau-Brunswick. La Nouvelle-Écosse ouvre la voie à une structure unique en son genre qui montre son intention aux élus, aux fonctionnaires et aux juges d’avoir des pratiques différentes pour la minorité, afin d’atteindre une égalité réelle. »

Car, rappelle-t-il, ce qui est bon pour la majorité ne l’est peut-être pas pour la minorité.

« L’Ontario pourrait s’inspirer de la Nouvelle-Écosse pour revoir sa Loi sur l’éducation qui date de plusieurs années et arrêter de poser des pansements. »

Situation différente

Le président de l’ACÉPO estime toutefois que la situation de l’Ontario est peu comparable à celle de la Nouvelle-Écosse.

« Actuellement, le gouvernement reconnaît notre spécificité et nous donne des fonds additionnels pour nous en servir selon nos besoins, par exemple si on veut mettre l’accent sur l’aménagement linguistique ou sur la construction identitaire. »

Il concède toutefois que la situation actuelle reste soumise aux aléas politiques. Les différents litiges pour des constructions ou la modernisation d’écoles, ainsi que certaines directives du ministère de l’Éducation, démontrent que la situation n’est pas non plus idéale en Ontario.

« On ne peut pas comparer notre réalité, avec douze conseils scolaires francophones, avec celle des conseils scolaires anglophones qui sont bien plus nombreux. Quand on parle de transport scolaire, par exemple, nous n’avons pas les mêmes exigences ni besoins », illustre M. Lemay.

La pénurie d’enseignants francophones est également un autre exemple significatif, ajoute-t-il. Quand la province a décidé d’allonger à deux ans le programme de formation des enseignants, en 2015, pour contrer le manque de débouchés pour les enseignants anglophones, elle a oublié que les écoles de langue française manquaient, quant à elle,  de main-d’œuvre.

Le porte-parole de la ministre de l’Éducation de l’Ontario Indira Naidoo-Harris, Richard Francella n’a pas répondu directement à l’idée de s’inspirer de la Nouvelle-Écosse, mais a assuré que « la ministre reste déterminée à renforcer le système d’éducation de la province, ce qui passe par un système d’éducation en français fort, que nous allons continuer à défendre. »

Solidarité avec les anglophones

L’ACÉPO, son homologue catholique de l’AFOCSC, et la FNCSF, sont en revanche unanimes pour dénoncer l’abolition des sept conseils régionaux anglophones de Nouvelle-Écosse, tel que le prévoit la réforme du gouvernement de Stephen McNeil.

« On ne veut pas que cette nouvelle loi se fasse sur le dos de nos collègues anglophones. Nous croyons fermement que les conseils scolaires ont un rôle à jouer pour faire avancer le dossier de l’éducation », insiste le directeur général de la FNCSF, Roger Paul.

Une telle réforme peut même nuire aux francophones, ajoute M. Pelletier.

« On le voit sur le terrain à l’Île-du-Prince-Édouard où il est arrivé la même chose. Ça n’a pas amélioré la situation de la Commission scolaire de langue française. Souvent, les conseils scolaires anglophones nous permettent de savoir ce qui s’en vient. »

Reste qu’une loi spécifique, explique M. Paul, aurait pu permettre d’éviter que le gouvernement manitobain décide que la Division scolaire franco-manitobaine relève désormais du même sous-ministre adjoint que ses homologues anglophones et de l’immersion, qui ne parle pas le français.


POUR EN SAVOIR PLUS :

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