Malgré les défis, Hosni Zaouali reste enthousiaste quant au potentiel du programme IDENO pour le Nord. Crédit image : Inès Rebei

Hosni Zaouali est un entrepreneur franco-ontarien et le président-directeur général de Voilà Community Help, une plateforme de tutorat en ligne.

L’initiative IDENO (Innovation de développement économique dans le Nord de l’Ontario), dirigée par M. Zaouali, est un projet dédié à la croissance et à la prospérité de l’écosystème entrepreneurial du Nord.

Trois ans après son implantation, l’heure est au bilan pour ce programme qui prend fin et dont la pérennisation reste incertaine.

« Quel bilan tirez-vous, en quelques mots, de ce projet pilote?

Le bilan est très positif, on a réussi à créer un métavers (monde virtuel) pour l’entrepreneuriat dans le Nord de l’Ontario. Cette technologie a permis de multiplier les interactions spontanées entre les entrepreneurs, les investisseurs, les fournisseurs de services comme le gouvernement. Il y a eu 18 postes créés en trois ans, dont 14, à temps partiel, et dix nouvelles entreprises ont vu le jour.

Comment définiriez-vous cet entrepreneuriat du Nord aujourd’hui?

Il y a un entrepreneuriat super dynamique, caractérisé par l’enthousiasme de la communauté à apprendre et sa capacité à construire des entreprises financièrement, mais aussi opérationnellement viables. Il y a un énorme appétit des jeunes francophones à créer des entreprises. Nous avons remarqué une demande particulièrement grande chez les jeunes issus de l’immigration.

Quels ont été les principaux défis rencontrés?

Un des premiers défis est que les structures gouvernementales dans le Nord ne sont pas nécessairement adaptées aux projets de haute technologie et d’innovation. Le deuxième problème, c’est que les organismes à but non lucratif, notamment francophones, en nous voyant créer de l’enthousiasme autour de l’entrepreneuriat, nous voient comme une menace pour leurs sources de financement. Au départ, tout le monde était partenaire et, très rapidement, ils ont vu qu’ils allaient être submergés par la technologie et ont essayé de nous savonner la planche et ça, c’est dommage parce que ça fait qu’il y a une espèce de cannibalisme francophone dans cette région.

Un autre enjeu de taille, c’est qu’on a fait face à des micro-agressions d’autres acteurs dans le Nord qui ne sont pas habitués à voir des Canadiens d’origine africaine exceller en termes de technologie et de création d’entreprise. On a eu, par exemple, quelqu’un qui nous a dit littéralement : ‘’Nous ne comprenons pas pourquoi FEDNOR (l’Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario) donne de l’argent à quelqu’un comme vous’’. Cette perspective de voir des Canadiens d’origine africaine exceller n’est pas encore installée dans le Nord de l’Ontario, ce qui fait qu’il y a beaucoup de Canadiens d’origine africaine qui ont du mal à s’exprimer, à s’épanouir.

Avez-vous constaté des défis particuliers pour les entrepreneurs francophones?

Les francophones sont aussi capables que les autres entrepreneurs, voire encore plus grâce à leur pluralité linguistique et culturelle. Cependant, il y a eu plusieurs acteurs francophones qui ne sont pas prêts à voir des francophones d’origine africaine s’établir en tant que chef d’entreprise. Et ça, je trouve que c’est vraiment un énorme problème. Toutes les données montrent que, en fin de compte, un francophone d’origine africaine aura plus de mal à ouvrir et à garder son entreprise dans le Nord de l’Ontario.

Allez-vous tout de même pérenniser ce programme?

Nous sommes décidés, malgré les défis que l’on a rencontrés, à rester et à continuer notre travail dans le Nord. Après, ça ne dépend pas que de nous non plus. Si FEDNOR désire que nous continuions à investir nos ressources, notre argent, notre temps, notre technologie dans le Nord, nous le ferons volontiers avec grand plaisir.

Pensez-vous que le Nord est prêt pour l’arrivée des différents outils permis par l’intelligence artificielle?

Que ce soit dans le Nord, dans le sud de l’Ontario, ou en Europe, personne n’est prêt. Il y a une révolution technologique qui est en train de se passer devant nous, qui est bien plus brutale que la création de l’électricité. Personne ne comprend l’impact que ça va avoir sur les jeunes, l’entrepreneuriat, le travail, le l’éducation, et donc dans le Nord c’est encore plus flagrant.

Mon message pour les jeunes, les entrepreneurs et les travailleurs dans le Nord de l’Ontario, c’est que vous n’allez pas être remplacés par l’intelligence artificielle, mais vous serez sûrement remplacés par quelqu’un d’autre qui utilise l’intelligence artificielle. Il y a énormément de travail à faire de ce côté-là, pour ne pas rater le train et ça c’est important de le souligner. »