L’Est de l’Ontario est une vaste région du Canada qui englobe diverses communautés, industries et paysages naturels. Source: Canva

Plusieurs partenaires en immigration de six comtés de l’Est ontarien se sont réunis lors d’un sommet virtuel intitulé : Stratégie d’attraction et de rétention des immigrants de l’Est de l’Ontario, cette semaine. C’est là que les chercheures Luisa Veronis, Jainaína Nazzari Gomes et Shannon Leitch ont présenté les résultats préliminaires de leurs enquêtes sur l’importance du paysage linguistique et les expériences des francophones immigrants de l’Est de l’Ontario. 

«  La francophonie en Ontario passe par un moment de transformation démographique important, d’une part, par la fragilité de son poids démographique, le vieillissement, l’assimilation, l’exode des francophones et, en même temps, le fait que l’immigration francophone est devenue la stratégie prioritaire pour stabiliser sa vitalité  », a indiqué ce jeudi Luisa Veronis, durant sa conférence.

«  L’Ontario a non seulement la communauté francophone la plus grande en situation minoritaire du pays, mais ses immigrants proviennent surtout de l’Afrique du Nord, de l’Afrique subsaharienne, de l’Europe, mais aussi s’élargissent à d’autres régions comme l’Amérique latine ou l’Asie.  »

Titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes à l’Université d’Ottawa, Luisa Veronis, estime que «  la francophonie ontarienne passe par un moment de diversification, mais qui est inégale selon les régions  ».

Son objectif est de documenter les expériences quotidiennes vécues par les francophones par rapport à l’accès et l’utilisation des services en français dans différentes régions de l’Ontario.

Les francophones ne sont pas répartis de manière égale

Pour maintenir une croissance économique constante, l’Est ontarien veut garantir un réservoir de talents capable de répondre aux exigences de la main-d’œuvre locale. 

Dans un rapport financé par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et publié en août dernier, des partenaires en immigrations ont dévoilé des visions communes et objectifs pour attirer de nouveaux arrivants et les retenir.

Luisa Veronis est professeure titulaire au département de géographie, environnement et géomatique et titulaire de la chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes à l’Université d’Ottawa. Gracieuseté

D’après cette enquête, l’immigration francophone dans l’Est de l’Ontario augmente de manière encourageante. Il reste, cependant, des possibilités d’amélioration dans la répartition de la population francophone. 

L’Est de l’Ontario devient de plus en plus un moteur de la croissance dans la province, «  grâce à ses abondantes ressources naturelles, à l’expansion de son secteur manufacturier et à l’essor de son industrie touristique  », est-il possible de lire dans le rapport Stratégie d’attraction et de maintien des immigrants dans l’Est de l’Ontario

A contrario de l’Est, les données collectées par Mme Veronis, démontrent qu’à Toronto, les francophones représentent moins de 2 % de toute la population de la région métropolitaine. 

Pour la chercheure, il faut aussi imaginer et prendre en compte que les distances y sont énormes. Les zones scolaires sont un bon exemple : «  Les enfants doivent être dans l’autobus pendant une heure pour arriver à l’école, contrairement à Ottawa ou Sudbury  », affirme Luisa Veronis. 

«  Peut-être que les gens préfèrent envoyer leur enfant à l’école en anglais, dans leur quartier  », ajoute-t-elle.

La population francophone de Toronto ne représente que 2%, alors que celle de Sudbury représente 30% de la population. Capture d’écran/ONFR

«  Pour une personne nouvellement arrivée, comprendre tout ça, en pensant qu’on allait pouvoir vivre en français, c’est une réalité complexe.  »

Comprendre la linguistique par la géographie

«  La complétude institutionnelle, ce concept important pour dire que les communautés ont accès à toute la gamme de services ou d’institutions dont ils ont besoin, est une réalité qui est très inégale à travers l’Ontario  », assène la chercheure. 

Pour comprendre si le profil démographique joue un rôle dans l’accès ou l’utilisation des services, les chercheures ont ciblé des facteurs «  structuraux  », soit qui ne sont pas sous le contrôle des personnes. 

Parmi les premiers résultats, sur un premier groupe de 700 personnes, l’étude montre qu’une majorité des migrants indiquent faire partie de la catégorie de l’immigration économique. Dans l’Est de la province, cette catégorie représente 65 % des migrants.

Les chercheures souhaitent rencontrer encore 800 personnes pour cette enquête. En effet, les données concernant la population du Nord de la province sont encore peu fournies. 

C’est pourquoi, dans l’analyse préliminaire, les résultats combinent les réponses de la région du Centre-Sud-Ouest et du Nord. Ce qui offre un résultat intéressant là aussi. 

Par exemple, pour ce qui est de l’accès à l’utilisation des services de santé, l’usage du français est supérieur à l’Est. Parmi les sondés, 23 % des gens accèdent uniquement au français pour leurs soins de santé dans la région de l’Est et seulement 16 %, dans la région du Centre-Sud-Ouest et du Nord, utilisent le français. 

Par contre, nous trouvons une nette différence dans l’usage de l’anglais. En effet, 45 % des personnes dans la région du Centre-Sud-Ouest et du Nord ont indiqué avoir accès à des services de santé exclusivement en anglais, alors que seulement 21 % dans l’Est de la province reçoivent leurs soins en anglais uniquement. 

Ces résultats serviront à croiser des données qui, selon Mme Veronis, «  vont contribuer à mieux comprendre les divers profils des francophones en Ontario ».

D’après elle, ces recherches pourront offrir une meilleure compréhension des pratiques linguistiques, «  surtout face à des défis pour accéder aux services  ».

Avec cette étude, Luisa Veronis espère déterminer si certains profils démographiques ont des besoins qui ne sont pas comblés. «  On espère aussi que nos résultats pourront servir à améliorer l’accessibilité, l’utilisation des services ou venir combler des besoins par rapport à l’accès des services  », conclut-elle.