La semaine très « santé » de Kathleen Wynne
[ANALYSE]
TORONTO – La pré-campagne des élections commencée, Kathleen Wynne tente de marquer les esprits. La semaine dernière, c’est la chef du Parti libéral de l’Ontario qui a incontestablement occupé le plus la scène médiatique.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
La raison? Les libéraux ont multiplié les promesses d’investissements en santé. Le tout, à coup de milliards de dollars. Des investissements promis dans le discours du Trône, en début de semaine dernière.
Premier acte, mardi dernier, avec l’élargissement du programme d’assurance médicaments aux 65 ans et plus, suivi le lendemain d’une promesse de 2,1 milliards de dollars pour les soins en santé mentale. Plus tard, la première ministre s’engageait à rehausser l’enveloppe annuelle des hôpitaux provinciaux à 822 millions de dollars.
Du côté d’Ottawa, les investissements vont dans ce sens. En fin de semaine, on a appris que l’Hôpital d’Ottawa recevra 12,7 millions de dollars en financement de fonctionnement pour 2018-2019.
Ces cadeaux sont-ils électoralistes? Même si l’on conteste une telle formule au sein du parti au pouvoir, il ne fait aucun doute que Kathleen Wynne veut séduire les électeurs en vue du 7 juin prochain.
Des annonces « réannoncées »
Il faut toutefois bien différencier ce qui est nouveau, comme le programme d’assurance médicaments aux plus de 65 ans, et ce qui tombe dans le domaine du « réannoncé ».
La bonification de l’enveloppe des hôpitaux provinciaux va dans ce sens. En réalité, c’était jusqu’alors un peu moins de 500 millions de dollars que la province dépensait annuellement pour les fonctionnements des hôpitaux.
En promettant 822 millions pour 2018-2019, le gouvernement fait un pas louable… mais qui reste à relativiser au regard du financement annuel énorme de plus de 50 milliards de dollars du ministère de la Santé et des Soins de longue durée.
Lorsque le gouvernement parle d’une annonce de 19 milliards de dollars sur dix ans pour les hôpitaux, il faut comprendre que tout ceci n’est qu’un « réchauffé » en mieux, certes, de la somme de 12 milliards sur dix ans déjà annoncée… en 2016.
En matière de santé, l’allongement des dépenses demeure une obligation. Entre une démographie toujours croissante et le vieillissement de la population, le gouvernement n’a guère le choix. Même l’économiste Don Drummond, auteur d’un rapport remarqué en 2012 qui préconisait des coups de sabre dans tous les ministères, épargnait malgré tout la santé.
Les dépenses de ce ministère sont de plus en plus nombreuses et nécessaires. En comparaison, seuls 29,2 milliards de dollars étaient dépensés en 2003-2004, moment de l’arrivée des libéraux au pouvoir.
Ford flou sur la santé
Reste qu’un gouvernement progressiste-conservateur dirigé par Doug Ford devrait, somme toute, ne pas mettre en œuvre ces propositions libérales. Les investissements promis la semaine dernière deviendraient nul et non avenu. Surtout que Doug Ford n’a, par exemple, pas clarifié sa position sur le 1,9 milliards de dollars pour la santé mentale promis par son prédécesseur, Patrick Brown.
Reste aussi l’inconnue Andrea Horwath. L’idée de la chef néo-démocrate d’un programme d’assurance dentaire de 1,2 milliards de dollars n’est pas rien. Mais le projet a paru se perdre dans le flot d’annonces de Mme Wynne.
Le gouvernement libéral a en tout cas d’ores et déjà annoncé que le budget provincial, présenté ce mercredi, aura un déficit de 8 milliards de dollars. Signe que les promesses électorales n’ont aujourd’hui plus de prix. Quitte à ne plus parler d’équilibre.
Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 26 mars.