L’ambition olympique au bout des skis de Valérie Grenier
[LA RENCONTRE D’ONFR+]
KRONPLATZ (Italie) – La skieuse franco-ontarienne de L’Orignal vise un podium olympique à Pékin dans l’épreuve du slalom géant. Malgré une terrible chute en 2019, puis une autre quelques semaines avant la compétition, elle est parvenue à se qualifier. Depuis l’Italie où elle vient de signer une 11e place en Coupe du monde et où elle effectue ses derniers réglages avant de s’envoler, lundi, pour la capitale chinoise, elle confie à ONFR+ ses espoirs de médaille.
« Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques jours des Jeux olympiques?
Je suis extrêmement excitée. J’ai vraiment hâte. Le mental va bien, mieux que jamais même. Le fait d’avoir été capable de surmonter tous ces défis démontre que tout est possible dans ma tête.
Par défis, vous faites référence à vos multiples fractures en 2019 en Suède et 2021 en Italie. Avez-vous connu des moments de doute ou même eu peur de ne pas pouvoir aller à Pékin à ce moment-là?
Après ma grosse blessure en 2019, je ne savais plus à quoi m’attendre, ni comment les choses aller se passer pour que je sois capable de me rendre aux Olympiques. Ça a été une période difficile mais me revoilà. Je suis fière de moi. J’ai vraiment travaillé sur ça avec un préparateur mental. Depuis, je n’ai pas vraiment refait de descente et je me concentre sur le slalom géant, donc c’est difficile de dire si je suis « passée par-dessus ». On verra lors de la prochaine fois que j’en ferai, mais je me sens vraiment bien.
Pourquoi vous concentrer sur le slalom géant et non le combiné qui vous avez rapporté une 6e place lors des derniers Jeux?
En décembre dernier, après ma blessure, je n’avais plus vraiment envie de descendre une piste à 130km/heure. J’ai préféré recommencer tranquillement en slalom géant (une discipline moins rapide mais plus technique). J’ai ensuite recommencé à prendre de la vitesse en super G, qui un mix entre slalom géant et descente. J’ai connu des journées où ça se passait bien et d’autres où j’avais un blocage mental, sans pouvoir bien faire ma descente d’entraînement. Alors j’ai décidé de me concentrer sur le slalom géant. N’ayant plus fait de descente depuis ma blessure, ça n’aurait pas été raisonnable pour moi de m’aligner sur ça.
Que représentent ces Jeux à vos yeux et quelles sont vos ambitions?
Aller aux Jeux olympiques a toujours été mon rêve, depuis que je suis toute petite. Ce sont mes deuxièmes. Je me sens en bonne place. J’y vais pour la médaille. On ne sait jamais ce qui peut se passer mais après ma quatrième place à Kranjska Gora (slalom géant de la Coupe du monde de ski alpin en Slovénie, le 8 janvier dernier), je suis rendue vraiment proche donc c’est totalement atteignable pour moi.
Comment faire la différence le Jour J, dans cette féroce compétition internationale?
Plusieurs facteurs entreront en ligne de compte en même temps : la piste, la neige, les conditions météo mais aussi les autres athlètes qui seront plus ou moins performants. Il peut se passer n’importe quoi. Si j’amène mon meilleur ski, que je reste calme, que j’arrive à dominer mon stress, je crois que ça peut tout changer sur une épreuve. Si tu te sens bien, et que t’es prêt à y aller à 100 %, à attaquer aux bons endroits, à savoir exactement où tu t’en vas, c’est possible. Mon ski est bon en ce moment. Si je skie comme je sais le faire, avec le moins d’erreurs possible, j’ai mes chances.
Connaissez-vous cette piste chinoise ou allez-vous la découvrir au dernier moment?
Je ne la connais pas du tout et je ne sais pas si on pourra faire deux descentes de ski libre. Je verrai une fois rendue là-bas. On part pour Pékin le 31 janvier (l’épreuve de slalom géant féminin se déroulera le 7 février).
Participer à des Jeux olympiques dans un contexte de COVID-19 vous inquiète-t-il? De manière générale, la pandémie a-t-elle eu des conséquences sur votre préparation et vos performances?
C’est la situation telle qu’elle est. On ne peut pas la changer. Alors j’essaye de ne pas penser à ça. On verra comment ça se passera là-bas. Non, ça n’a rien changé à ma préparation. C’est certain que les consignes sanitaires compliquent toujours un peu les choses mais ça fait maintenant partie de la base de toute chose. On a été capable de faire tous les camps d’entraînement planifiés et tout s’est bien passé.
À quoi pense-t-on au moment de s’élancer à 130 km/h sur une piste et pendant les 2 minutes qui nous séparent de l’arrivée?
Je suis habituellement très calme au départ. J’occupe mes pensées en me concentrant sur une chose technique qui peut m’aider. Je me pense à des détails importants par rapport au parcours. Je visualise dans ma tête où ça tourne et où ça devient raide, pour anticiper mes enchaînements, positionner mes skis…
À quel âge avez-vous chaussé vos premiers skis?
J’avais deux ans. Je suis tombée en amour avec ce sport et j’en fais depuis tout ce temps-là.
Vous avez étudié à l’École secondaire Le Sommet, à Hawkesbury. Quels souvenirs gardez-vous de cette école?
J’ai de beaux souvenirs de l’école, même si je n’étais pas souvent là, entre les camps d’entraînement et les courses. C’est une école incroyable avec des enseignants qui te soutiennent et comprennent ta situation. Ils m’ont beaucoup aidé à faire mon chemin. C’est à ce moment-là que j’ai rejoint l’équipe du Québec, puis l’équipe du développement national.
Vous résidez à L’Orignal et avez grandi à St-Isidore. Ressentez-vous le soutien de vos partisans et de vos proches de l’Est ontarien?
Mes parents et mon frère y résident toujours à St-Isidore. Je retourne les voir régulièrement. Ce n’est vraiment pas loin. Une de mes plus grandes fiertés est d’être Franco-Ontarienne. Je sens vraiment le support de tout le monde autour de moi. Je reçois des messages de gens qui me suivent et sont fiers de moi. Ça m’encourage à donner le meilleur de moi-même.
D’où vient cette fièvre pour le ski?
Ça vient de ma famille qui a toujours aimé faire du ski pour s’amuser. Même s’ils n’ont jamais fait de compétition, mes parents étaient en amour avec le sport. On allait à Tremblant chaque fin de semaine et on skier avec mon frère. On restait avec nos grands-parents qui avaient un condo là-bas. C’était vraiment un sport de famille, du fun ensemble.
Mont-Tremblant (Québec) est devenu, en quelque sorte, votre quartier général, votre club aussi. En quoi est-ce un endroit privilégié pour le ski de haut niveau?
C’est là où j’ai skié durant toute ma jeunesse jusqu’à ce que j’intègre l’équipe du Québec et que je ski partout. C’est sûrement la meilleure montage dans les Laurentides, voire dans tout le Québec, avec un bon programme de ski de compétition. Je trouve tout simplement que c’est le meilleur endroit où je puisse skier.
Existe-t-il une complicité entre athlètes francophones au sein de la délégation canadienne aux Jeux olympiques?
J’ai beaucoup d’affinités avec les autres athlètes mais c’est sûr qu’avec les francophones comme mon amie Laurence Saint-Germain (slalomeuse québécoise qualifiée également), parler français est plus naturel, vu que c’est ma première langue. La plupart de nos coachs sont Européens : on parle anglais et français avec eux.
Quelle a été votre victoire ou performance sportive la plus intense de votre carrière jusqu’à présent?
Quand j’ai gagné les championnats du monde junior (Sotchi, 2016), c’était vraiment cool. C’était gros. J’ai gagné en descente et fini deuxième en super G. C’était un moment incroyable. C’était encourageant de savoir que j’étais la meilleure de mon âge à travers le monde. Plus récemment, la quatrième place à Kranjska Gora m’a fortement marquée. J’étais comme wow, surtout après la blessure que j’ai eue et les courses que j’avais manquées. C’était à la fois inattendu et beau. Je suis fière et reconnaissante envers mon équipe d’être revenue à ce niveau.
Au-delà des Jeux olympiques, une autre échéance vous attend, juste après : la Coupe du Monde. Comment enchaîne-t-on, dans la tête et dans les jambes, deux compétitions aussi majeures?
Les Jeux olympiques sont plus prestigieux aux yeux du public mais pour nous, athlètes, la Coupe du monde, c’est ce qu’on fait tout au long de l’année. C’est donc aussi important que les Jeux, voire même plus. Un globe en ski, c’est ce que tout athlète rêve de gagner. Aussitôt les jeux terminés, je vais prendre une petite pause, puis m’entraîner tout de suite après préparer la fin de la saison. Je vais voir si je m’aligne sur le Super G. Ce serait bon pour moi mentalement de reprendre la vitesse. »
LES DATES-CLÉS DE VALÉRIE GRENIER :
1996 : Naissance à Ottawa
2016 : Sacrée championne du monde junior de descente
2018 : Se classe 6e en combiné aux Jeux olympiques de Pyeongchang
2019 : Grave chute et quadruple fracture à la jambe en Suède
2022 : Participe à ses deuxièmes Olympiades, à Pékin
Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.