Le Conseil culturel fransaskois, un pilier depuis 50 ans
REGINA – Au cœur des prairies canadiennes, dans une province où 4,7 % de la population peut soutenir une conversation en français*, se trouve un organisme qui travaille sans relâche à la vitalité de la culture francophone. Depuis 50 ans, le Conseil culturel fransaskois (CCF) est un pilier, tant pour les artistes que pour les organismes diffuseurs. ONFR a profité d’un passage en Saskatchewan cet été pour en savoir plus sur le CCF.
« J’aime bien dire que le CCF est un organisme qui a un mandat très ambitieux, et qui prend son mandat très au sérieux », lance Anne Brochu-Lambert, artiste visuelle et présidente du conseil d’administration.
En plus d’être large, le mandat de l’organisme provincial est triple. D’abord, il faut épauler le développement d’activités culturelles au sein des communautés, en soutenant les organismes membres.
Ensuite, il faut épauler les membres individuels : les artistes, toutes disciplines confondues, émergents ou établis. Le CCF les aide dans toutes les étapes : recherche, création, promotion, rédaction de demandes de subventions ou financement direct.
Finalement, il y a le volet scolaire. Le CCF élabore des guides pédagogiques, organise des ateliers et des spectacles dans les écoles. Récemment, l’organisme a commencé à fournir des partitions de chansons fransaskoises pour les cours de musique.
C’est justement lorsque le CCF a visité son école secondaire que tout a commencé pour Alexis Normand, autrice-compositrice-interprète et réalisatrice. Remarquée par les intervenants, elle a été invitée à enregistrer un premier démo. Lorsque ONFR lui demande ce que le CCF lui a apporté dans sa carrière, elle répond en riant : « Tout! »
Même son de cloche du côté de Mario Lepage, connu partout au pays pour son projet Ponteix mais omniprésent comme collaborateur dans les autres œuvres musicales fransaskoises. « Le CCF m’a offert des opportunités à toutes les étapes de ma carrière. C’est un grand cadeau de les avoir », affirme-t-il dans une vidéo promouvant le gala du 50e anniversaire.
L’autrice-compositrice-interprète Sylvie Walker, dont le premier extrait Cimetière vient d’être dévoilé, raconte qu’elle a eu accès à toutes sortes d’ateliers, de formations et d’activités de mentorat dès qu’elle a atteint l’âge de la majorité. « Sans le CCF, ce ne serait pas possible », affirme-t-elle à ONFR.
Un anniversaire dynamique
Le CCF a souligné son demi-siècle avec plusieurs initiatives au cours de l’année. Nouvelle image de marque, création d’une résidence artistique avec un organisme québécois, le traditionnel Festival fransaskois , un café littéraire qui soulignait aussi les 40 ans des Éditions de la nouvelle plume ont fait partie de ce menu chargé.
Une autre victoire est l’obtention d’une exposition solo de Laura St. Pierre à la galerie d’art MacKenzie de Regina, une première pour une femme fransaskoise, selon Anne Brochu-Lambert.
Autre signe de l’engagement envers les artistes visuels, un projet de murales a été déployé pour afficher les Couleurs de la fransaskoisie. Les communautés de Saskatoon, Regina, Prince Albert, Zénon Park et Gravelbourg se sont donc embellies, respectivement peintes ou dirigées par Michel St.Hilaire (pour les deux premières), Diana Ntibandetse, Mackenzy Vida et Julien Hamon-Fafard.
Cet été, le CCF a reçu une nouvelle enveloppe de 55 000 $ de la part du bureau des affaires francophones de la Saskatchewan. Ce budget servira à « mettre l’accent sur l’aspect entrepreneur des artistes », la majorité étant des travailleurs autonomes. « Certains ont tellement de collaborateurs que ce sont littéralement des PME », indique la présidente, qui y voit une reconnaissance de la mission qu’accomplit déjà le CCF.
En octobre, le CCF a accueilli à Regina l’événement de vitrines du Réseau des grands espaces, Contact Ouest. Plus récemment, l’Assemblée communautaire fransaskoise lui a confié la programmation de son Rendez-vous fransaskois. L’événement, habituellement politique, a adopté le thème des arts et de la culture pour son édition 2024, qui s’est tenue du 1er au 3 novembre à Saskatoon.
L’événement le plus significatif fut un gala organisé le 19 octobre. Des artistes de différentes disciplines se sont unis sous la direction artistique du Réginois Francis Marchildon, aussi membre du groupe bien connu en Saskatchewan, La raquette à claquettes.
Musique, danse, arts visuels et vidéos ont offert sur scène un spectacle émouvant, relatant les collaborations essentielles de l’organisme avec ses artistes et sa communauté.
Au téléphone après le spectacle, Alexis Normand prononce la même phrase qu’ONFR a entendue de plusieurs bouches lors de son passage au Festival fransaskois : « Ça rappelle qu’on est comme une grande famille. »
La coordination des projets du 50e anniversaire a été confiée à celle qui a longtemps été directrice générale du CCF, Suzanne Campagne. Immensément respectée, elle a contribué à l’essor de nombreuses carrières.
« Son calibre et sa réputation en tant qu’artiste de la scène lui ont permis à son tour de repérer les talents, de savoir comment développer des initiatives pour (les soutenir) jusqu’au moment où ils vont aller briller dans des galas comme le Trille or, en Ontario, ou le Festival international de la chanson de Granby, par exemple », reconnaît Anne Brochu-Lambert, qui croit que le CCF profite « de la vision et du flair du passé ».
Depuis le départ de Suzanne Campagne, c’est Elma Bos et Dany Rousseau qui assurent conjointement la direction générale du CCF, dans les bureaux de Regina et de Saskatoon.
Pour la petite histoire
Les années 1970 sont marquées par une recherche identitaire dans les communautés franco-canadiennes. Suite à l’émancipation culturelle québécoise, il faut redéfinir le « canadien-français ». C’est dans ce contexte que le mot « fransaskois » a émergé, popularisé par l’Association jeunesse fransaskoise.
Anne Brochu-Lambert raconte la genèse du CCF. « Au départ, c’était une étincelle dans le giron d’un organisme politique, l’ancêtre de l’Assemblée communautaire fransaskoise, explique-t-elle. Rapidement, ils se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient pas gérer ça comme un dossier parmi tant d’autres. »
Plus tard, devant les difficultés de pérennité d’une jeune association d’artistes, le mandat d’appuyer les individus a également été confié au CCF. L’organisation, alors menée par Suzanne Campagne, a plaidé sa cause devant le Conseil des arts du Canada.
« Nous avions un vrai mandat de développement en art et nous étions les seuls à le faire en français. La communauté méritait d’avoir l’appui du Conseil des arts du Canada. Et c’est accompli, maintenant », se rappelle Anne Brochu-Lambert.
Éventuellement, le CCF a développé son propre réseau de diffusion, un projet mené par le responsable du développement artistique de l’époque, Laurier Gareau.
50 ans après sa création, le CCF est toujours un incontournable. Son omniprésence est un avantage, affirme Alexis Normand. « C’est la beauté du CCF et l’une des forces du secteur culturel francophone en Saskatchewan, c’est qu’on a juste un organisme qui travaille toutes les dimensions culturelles. »
*Selon le recensement 2021 de Statistique Canada