« Le début d’une nouvelle relation » : les deux gouvernements veulent verser 10 G$ aux peuples autochtones

La somme a été négociée avec les 21 Premières Nations habitant sur le territoire du Traité Robinson-Huron. Crédit image : Inès Rebei

SUDBURY – Le fédéral et l’Ontario ont fait l’annonce, samedi après-midi, d’une entente potentielle sur la compensation rétroactive des redevances territoriales de 21 Premières Nations du nord de l’Ontario. Il s’agit pour certains membres des communautés autochtones concernées d’un pas important vers la réconciliation et qui survient en plein milieu du Mois national de l’histoire autochtone.

C’est à l’Université Laurentienne devant de nombreux membres des Premières Nations et autres personnalités politiques que la nouvelle fut présentée, suscitant une vive émotion.

Le règlement proposé pourrait indemniser rétroactivement les premiers peuples jusqu’à 10 milliards de dollars pour « pour les pertes antérieures », divisés équitablement entre le gouvernement ontarien et fédéral.

Cette entente est liée à la signature du Traité Robinson Huron datant de 1850 et selon lequel la couronne britannique doit verser une somme annuelle aux Anichinabés vivant autour du lac Huron en échange de l’exploitation de ressources de leurs terres.

Une cérémonie rituelle a suivi l’annonce dans le Centre d’apprentissage et de partage autochtone. Crédit image : Inès Rebei

Cependant, les annuités, comme sont appelées ces redevances, n’ont augmenté qu’une seule fois lorsqu’en 1875, celles-ci sont passées de 1,70$ à 4$ par personne.

Une situation qui a amené 21 communautés autochtones situées sur le territoire visé à vouloir demander des comptes aux deux gouvernements par l’entremise des tribunaux en 2012 avec un litige intenté en 2014.

En 2018, la Cour supérieure de l’Ontario a conclu que la Couronne est tenue d’augmenter les annuités versées en vertu du Traité Robinson-Huron afin de refléter les recettes nettes que la Couronne reçoit des ressources extraites du territoire visé par le Traité.

C’est en réalité en dehors de procédures judiciaires que les deux parties se sont assises à la table des négociations depuis avril 2022.

Des réactions positives

Pour le porte-parole du Territoire non cédé de Wiikwemkoong, Duke Peltier, présent lors de l’annonce, « la réconciliation n’était pas possible dans une salle d’audience », laquelle aurait lourdement retardé le processus.

Duke Peltier voit cette annonce comme une vraie potentielle réconciliation. Crédit image : Inès Rebei

Le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, en entrevue avec ONFR+, se réjouit d’avoir pu résoudre ce litige en dehors des tribunaux.

« C’est le début d’une nouvelle relation », estime-t-il avant de regretter que « ce qui a pris 5 ans à négocier en 1850 a pris 173 ans à résoudre. »

« Même un livre de bibliothèque impayé pendant 170 ans, ce serait une fortune aujourd’hui » – Marc Miller

« Nous sommes très contents, c’est un départ, c’est quelque chose qui sera plus grand à l’avenir », se félicite de son côté Gerry Duquette, Chef de la Première Nation de Dokis, réserve située non loin de Rivière-des-Français.

« C’est quelque chose dont nos membres peuvent être vraiment fiers », ajoute-t-il au micro d’ONFR+ au sujet du fait que les deux gouvernements aient écouté les demandes des populations autochtones.

Interrogé sur la négociation de la somme injectée, M. Miller ironise : « Même un livre de bibliothèque impayé pendant 170 ans, ce serait une fortune aujourd’hui. »

Pour Marc Miller, le calcul de la somme de compensation n’est pas une science exacte. Crédit image : Inès Rebei

Il explique que les Premières Nations situées sur le territoire du Traité Robinson-Huron Supérieur ont refusé de faire partie de l’entente, jugeant le montant insuffisant.

La discussion avec le provincial n’a pas non plus été de tout repos : « On se lance la balle parfois sur le dos des autochtones, mais cette fois-ci on a pu s’assoir et décider d’une somme. »

Encore du chemin à faire

Pour les membres présents, l’annonce est aussi le signal qu’il est nécessaire de continuer le combat pour la reconnaissance des peuples autochtones. « Nous avons une obligation politique de regarder vers l’avenir » a tenu à rappeler M. Peltier en conférence de presse.

« Ce n’est pas une solution unique pour chaque Première Nation » – Gerry Duquette

Il reste encore à l’ensemble de ces Premières Nations de donner lieu à des consultations communautaires auprès de leurs membres avec les détails de ce projet de règlement. Ces séances seront dirigées par Harry S. LaForme, un des premiers juges autochtones de l’Ontario.

S’exprimant dans un très bon français, Gerry Duquette pense qu’il faudra plusieurs années avant que les membres ne puissent toucher l’annuité négociée. Crédit image : Inès Rebei

Un rapport et des recommandations seront ensuite adressés aux chefs et à des administrateurs des Premières Nations signataires du Traité Robinson-Huron dans les six à huit prochains mois.

« Nous avons beaucoup d’enjeux difficiles à résoudre et des visions différentes à même la communauté », considère M. Peltier.

Une opinion que partage M. Duquette : « Ce n’est pas une solution unique pour chaque Première Nation, chacune va décider comment poursuivre cette somme. »

La somme étant globale, celle-ci sera distribuée à travers les 21 Premières Nations, le montant alloué à chaque personne est encore inconnu.

Les gouvernements du Canada et de l’Ontario devront également terminer leurs propres processus d’examen internes pour obtenir l’approbation nécessaire pour signer le projet de règlement.