L'hôpital de Sensenbrenner lance un appel au financement auprès du gouvernement ontarien sous peine de devoir interrompre son service d'obstétrique. Source : Hôpital Sensenbrenner

KAPUSKASING – L’hôpital Sensenbrenner de Kapuskasing lance un appel au gouvernement ontarien afin de demander un soutien financier immédiat pour éviter des fermetures intermittentes de son programme d’obstétrique couvrant un territoire de 800 km dans le nord ontarien.

« Depuis la fermeture du programme obstétrique à Hearst en 2023, Sensenbrenner a dû faire face à des demandes accrues sur ses ressources limitées en obstétrique, ce qui a entraîné des risques graves pour les femmes enceintes et les nouveau-nés dans le nord de l’Ontario », peut-on lire dans une déclaration de l’hôpital parue en fin d’après-midi vendredi.

On apprend également que depuis le départ à la retraite, en juin 2023, du Dr Richard Claveau, dernier médecin de famille et obstétricien à Hearst, sept femmes ont dû accoucher dans des conditions dangereuses comme dans des taxis, dans des ambulances et même dans les toilettes d’une salle d’urgence.

Présentement, l’hôpital Sensenbrenner ne compte aucun gynécologue-obstétricien, mais trois médecins généralistes ayant reçu une formation spécialisée en obstétrique. L’un d’entre eux a soumis sa démission pour le début du mois de décembre. Ces derniers ne travaillent pas à temps plein.

L’hôpital a besoin de fonds urgents du gouvernement sous peine de devoir interrompre ses services d’obstétrique : « Si cela ne se produit pas, à partir du 1er décembre, il y aura des périodes – ça pourrait être un jour ici ou là, une fin de semaine ou même une semaine à la fois – où il n’y aura personne dans toute cette région de 800 kilomètres qui est disponible pour faire naître un bébé », prévient Jessica Kwapis, chirurgienne et chef d’équipe des médecins à l’hôpital Sensenbrenner.

Deux demandes au ministère de la Santé

Les modèles actuels de financement des suppléances en obstétrique et gynécologie ne s’étendant pas aux généralistes-obstétriciens, l’hôpital se retrouve devant un enjeu de taille pour payer des médecins qui viendraient en appui à l’établissement.

L’hôpital de Kapuskasing a soumis deux demandes au ministère de la Santé, le premier est l’approbation accélérée de la proposition de plan de paiement alternatif (PPA) pour les omnipraticiens.

En bref, cette proposition vise à établir un modèle de paiement similaire à celui utilisé pour l’anesthésie générale dans le nord de l’Ontario, lequel a permis de stabiliser les services d’anesthésie générale dans plusieurs communautés.

Jessica Kwapis s’inquiète pour les femmes enceintes de la région. Source : Hôpital Sensenbrennerr

La seconde proposition vise à accorder un financement provisoire pour la couverture d’omnipraticiens de 400 000$ sur deux ans en attendant l’approbation du PPA afin de maintenir les services d’obstétrique.

« Idéalement le recrutement d’un ou deux médecins généralistes-obstétriciens supplémentaires au sein de l’équipe permettrait d’assurer une couverture obstétricale plus durable dans la région, mais une suppléance immédiate est essentielle pour combler les lacunes actuelles en matière de services », estime l’établissement.

Mme Kwapis ajoute que certains parents ont revu leur choix d’avoir des enfants en raison de la situation dans le Nord et que ces propositions peuvent servir de modèle pour des hôpitaux confrontés à des défis similaires en Ontario.

Urgence d’agir maintenant

« Le ministère de la Santé a pris connaissance de la demande de Kapuskasing et de Hearst. Comme il s’agit d’une toute nouvelle proposition, il faut l’examiner et travailler en collaboration avec l’Association médicale de l’Ontario pour analyser la demande », a indiqué dans un courriel à ONFR, Hannah Jensen, porte-parole de la ministre de la Santé, Sylvia Jones.

« Est-ce que la ministre attend le décès d’une femme enceinte ou d’un enfant avant d’agir? »
— France Gélinas

Et d’ajouter : « Depuis 2018, nous avons ajouté 80 000 nouveaux infirmiers et 12 500 nouveaux médecins à notre effectif de soins de santé, ce qui comprend une augmentation du nombre de spécialistes en obstétrique et gynécologie (OBGYN) en Ontario, qui a augmenté de 6,3 % (de 2018 à 2021), et nous ne nous arrêtons pas là. »

De son côté, Jessica Kwapis juge que bien que les perspectives d’avenir sont possiblement réjouissantes avec les programmes de l’École de Médecine du Nord de l’Ontario, il ne faut pas attendre que les étudiants graduent.

« Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre des années pour le processus d’approbation, des fonds de transition immédiats et une évaluation accélérée de notre proposition sont essentiels pour que ces services vitaux restent disponibles dans notre communauté. »

« Est-ce que la ministre attend le décès d’une femme enceinte ou d’un enfant avant d’agir? » se demande France Gélinas, porte-parole officielle de l’opposition en matière de santé avant d’ajouter que « ça ne la dérange pas du tout de demander à une femme enceinte de voyager 700 kilomètres pour accoucher, ça n’a pas de bon sens. »

« On a des solutions sur la table en ce moment mais la ministre de la Santé ne veut même pas admettre qu’il y a une crise dans le Nord », continue la députée néodémocrate qui estime que cette situation serait vue comme inacceptable dans le sud de la province.

L’hôpital Sensenbrenner conseille, par ailleurs, aux femmes enceintes qui vivent dans la région de Hearst de déménager à partir de 38 semaines de grossesse pour assurer leur sécurité et celle du bébé, à fortiori à l’approche des conditions hivernales.