Le fédéral promet plus d’argent pour les écoles francophones minoritaires
OTTAWA – À la veille de la conférence ministérielle sur la francophonie canadienne, la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, met cartes sur table et chiffre l’augmentation de financement proposée aux provinces et territoires pour appuyer l’éducation dans la langue de la minorité. Mais elle fixe aussi ses conditions.
En mars dernier, le ministre des Finances Bill Morneau avait annoncé dans son budget des fonds supplémentaires, hors du Plan d’action pour les langues officielles, afin d’accroître le soutien du fédéral à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde. Il s’était toutefois gardé d’en détailler le montant.
Ce mardi, la ministre Joly dévoile le chiffre proposé. Ottawa propose une augmentation de 15 millions de dollars par année, pour quatre ans, qui viendront s’ajouter aux plus de 235 millions versés annuellement par Ottawa, via le Plan d’action pour les langues officielles, pour appuyer l’éducation en français hors Québec et l’éducation en anglais dans la Belle province. Il s’agit d’une augmentation de 6,4 % par année.
Première hausse depuis 10 ans
Le Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde qui régit ces transferts d’Ottawa vers les provinces et territoires est arrivé à échéance en mars 2018. Ces transferts fédéraux, qui doivent les aider à s’acquitter de leurs obligations en matière d’enseignement de la langue de la minorité et de la langue seconde, sont gelés depuis dix ans.
« Le financement supplémentaire contribuera à combler les besoins grandissants dans les établissements scolaires minoritaires. L’accès à l’éducation dans sa langue joue un rôle essentiel dans la vitalité des communautés de langue officielle en milieu minoritaire et la promotion du bilinguisme », a expliqué la ministre Joly par voie de communiqué.
Chaque année, l’Ontario reçoit 79 millions de dollars du gouvernement fédéral, dont 55 millions de dollars pour l’éducation de langue française et 24 millions de dollars pour soutenir l’apprentissage du français langue seconde. La province se place juste devant le Québec, qui reçoit 64 millions de dollars, bien loin devant le Yukon qui touche 2,2 millions dollars.
Le président de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Mario Pelletier juge la proposition fédérale comme un bon début.
« C’est clair que c’est une petite majoration, mais c’est un bon début et un pas dans la bonne direction. Pour plusieurs de nos conseils scolaires, chaque surplus fait une différence, car il y a des besoins urgents. Cela va permettre de discuter avec les provinces, dont certaines ont changé de gouvernement et font de la résistance. »
Du côté du gouvernement ontarien, la porte-parole du ministre de la Formation et des Collèges et Universités, Stephanie Rea, juge qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais attend mieux du fédéral.
« Depuis 2009, le nombre de nos étudiants dans les programmes d’immersion en français a augmenté de 62 %. (…) La proposition d’ajouter 4,1 millions de dollars par année, annoncée dans le budget fédéral pour l’éducation dans la langue de la minorité, est un pas dans la bonne direction. Cependant, cette hausse ne reflète pas les besoins et priorités des Ontariens. Nous sommes particulièrement préoccupés par le manque de financement pour soutenir les étudiants qui choisissent les programmes de français langue seconde pour devenir bilingues. De plus, les étudiants de langue française en Ontario reçoivent aujourd’hui significativement moins d’aide du fédéral qu’en 2009. »
Ottawa impose ses conditions
L’augmentation proposée par Ottawa ne vient pas sans condition, comme l’avait déjà indiqué le gouvernement fédéral lors du dépôt du budget.
Pour que les fonds soient disponibles dès 2019-2020, les provinces devront conclure un nouveau Protocole d’entente ou des ententes bilatérales en éducation dans lesquels seront prévues des consultations avec les intervenants en éducation et une plus grande transparence dans la reddition de comptes.
« Pour nous, c’est une très bonne nouvelle. Dans certaines provinces, tout se passe bien, mais dans d’autres, c’est plus difficile. L’argent est utilisé pour autre chose que ce qu’il devrait et nos conseils scolaires ne sont même pas consultés. »
Ces dernières années, plusieurs irrégularités ont été constatées. En 2011, la FNCSF avait eu la surprise d’entendre, devant la Cour suprême du Yukon, que ces fonds fédéraux avaient été dirigés vers les programmes d’immersion au lieu d’être consacrés à la Commission scolaire francophone du Yukon.
En avril 2018, la Commission scolaire de langue française (CSLF) de l’Île-du-Prince-Édouard avait menacé d’attaquer sa province devant les tribunaux pour une utilisation jugée inadéquate. Sur le 1,5 million de dollars par année reçus du fédéral pour l’éducation en français, un million de dollars auraient été utilisés pour payer des salaires, alors que selon la CSLF, ces fonds auraient plutôt dû servir à financer une portion des frais encourus pour des activités de soutien et d’administration de l’enseignement ou encore, pour le développement de programmes, la formation et le perfectionnement des enseignants et du personnel professionnel.