« Le français n’a pas reculé à l’Université d’Ottawa », clame le recteur Frémont

Le recteur de l'Université d'Ottawa, Jacques Frémont. Archives ONFR+

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Jacques Frémont est le recteur de l’Université d’Ottawa depuis 2016.

LE CONTEXTE :

L’Université d’Ottawa est sous les feux de la rampe depuis un an, en raison d’événements reliés à la liberté académique qui ont fait le tour du globe. Hier, l’établissement a rendu public son rapport sur la liberté académique qui émet des recommandations pour encadrer la liberté d’expression sur le campus.

L’ENJEU :

Récemment un rapport a fait état de « discrimination et d’hostilité » par rapport à la place du français sur le campus. On parle aussi d’embauches d’anglophones à des postes bilingues et de l’impossibilité pour les étudiants de remettre des travaux en français. Le recteur revient sur ces deux plus récents rapports et les mesures qui seront prises dans le futur.

« Le rapport du Comité sur la liberté académique émet sept recommandations, dont la création d’un « mécanisme indépendant, représentatif et compétent pour traiter les plaintes » en lien avec la liberté académique. Est-ce que vous vous engagez à toutes les appliquer?

On s’engage à les mettre en œuvre. Certaines sont plus difficiles que d’autres, mais on prend l’engagement. Celle du comité est très importante, car ça nous donne un véhicule très spécialisé, mais, il y a des dispositions dans les conventions collectives des professeurs à temps plein et à temps partiel. Alors il va falloir s’asseoir avec les partenaires syndicaux pour trouver une façon de simplifier les choses et non de les compliquer. Ceci étant dit, on a l’intention d’y donner suite, à moins que le Sénat nous dise que le rapport est dans le champ, nous, on a une lecture très positive.

Le rapport ne fait pas mention de l’événement avec la professeure Verushka Lieutenant-Duval, mais est-ce que sa liberté académique de professeure a été respectée?

Je ne peux pas parler de l’affaire Lieutenant-Duval, car c’est devant un grief et c’est en pleine procédure, mais je pense que l’avenir va montrer qu’on a protégé la liberté académique des professeurs. Ceci dit, si on était dotés des outils que propose le rapport, je ne suis pas sûr qu’on aurait le même problème. Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’on serait beaucoup plus équipé pour y faire face et traiter cela de façon beaucoup plus fluide.

En quoi ce rapport va-t-il faire changer les choses?

Ça fait cinq ans je suis à l’Université d’Ottawa et je vous donne le défi de nommer un seul rapport qui n’a pas donné suite à des changements. C’est vrai qu’en milieu universitaire on a la réputation de ne pas donner suite, mais je peux dire que quand moi, mon administration et les doyens ont dit quelque chose, on le fait. On bouge et il n’est pas question de ne rien faire. Pour rebâtir la confiance pour ceux et celles qui l’ont perdu, il faut de la transparence et des conversations honnêtes et ouvertes. La transparence, on l’a toujours eue. Ce n’est plus l’heure d’ergoter. C’est l’heure de passer à l’action.

Le recteur de l’Université d’Ottawa, Jacques Frémont. Archives ONFR+

Des professeurs disent ne plus se sentir à l’aise dans les salles de classe, de dire certains mots ou de parler de certains ouvrages. Qu’est-ce que vous leur dites?

On est d’accord avec le rapport qui répète ce qui vient avec la liberté académique. Il répète aussi à quel point on est appelé à un changement de culture qui passe par plus de sensibilité par rapport aux questions de diversités et d’inclusion. Le rapport recommande qu’il y ait des formations et des suivis individuels qui soient faits.

Mais est-il encore possible de dire ces termes qui pourraient être jugés offensants?

Je donne toujours cet exemple : si vous enseignez les agressions sexuelles en droit, le cours que vous donnez maintenant n’est plus le même cours qu’il y a 30 ans, pas parce que le droit a changé, mais parce que les gens se sont rendu compte que probablement dans une classe, il y a plusieurs étudiantes qui sont des victimes d’agression sexuelle ou qui connaissent des survivantes. On ne peut plus traiter les choses de la même façon et ça appelle à des changements et des ajustements. Le rapport nous l’indique très clairement et ça fait partie du changement de culture.

Un récent rapport sur la francophonie sur le campus met en relief la présence d’hostilité et de discrimination envers le français. Est-ce que la place du français est en chute libre à l’U d’O?

90 % de mon travail se fait en français. Mon équipe se réunit entièrement en français. Le bureau des gouverneurs se déroule à 95 % en français. Le Sénat se passe probablement à 100 % en français. Les doyens et les vice-recteurs sont tous parfaitement bilingues, normalement les vice-doyens devraient l’être, est-ce que ça se peut qu’il y en ait certains qui ne le soit pas, c’est possible, mais je ne le sais pas…. En moyenne, le français n’a certainement pas reculé à l’Université d’Ottawa. Il y en a plus qu’avant. Là, où il faut faire attention, c’est sur les postes dits actifs en français, à savoir s’il ne devrait pas y avoir plus de postes tagués billingues.

Plusieurs autres choses ont été dénoncées comme l’impossibilité de remettre des travaux en français et le fait de ne pas avoir accès à des cours en français. N’est-ce pas là l’essence même du bilinguisme à l’université qui est remise en question?

Ce rapport-là en est un rapport d’écoute… Ces paroles-là ont été dites et on ne peut pas faire comme si elles n’existaient pas et comme si ce n’était pas la situation. Si j’ai nommé un vice-recteur à la francophonie, ce n’est pas pour qu’il ne se passe rien. C’est pour qu’on bouge. Il existe sans doute des problèmes, mais là, ce qu’on essaie de voir, c’est si les problèmes sont généralisés, s’ils sont particuliers à certains secteurs et quelle est leur étendue (…). Là, on vérifie, mais je peux vous garantir que les problèmes vont se régler.

Le rapport parle d’embauche de professeurs unilingues anglophones à des postes bilingues. Est-ce que l’université engage de moins en moins de personnel de langue française?

Je peux vous dire que personne n’obtient sa permanence à l’Université d’Ottawa sans avoir un certificat de bilinguisme au moins passif. Il y a des postes passifs et actifs, mais il n’y a personne qui passe à travers ces règles-là. Le professeur unilingue anglophone qui ne comprend rien au français n’est pas chez nous. »