Liberté académique : l’U d’O appelée à ne pas bannir des mots en classe
OTTAWA – Un rapport sur la liberté académique à l’Université d’Ottawa (U d’O) demande à l’institution de ne plus bannir à l’avenir l’utilisation de certains mots ou ouvrages dans les salles de classe.
« Le Comité est de ce fait en désaccord avec l’exclusion de termes, d’ouvrages ou d’idées dans le contexte d’une présentation ou d’une discussion respectueuse de nature universitaire et dans un but pédagogique et de diffusion des savoirs. »
C’est ce qui est écrit dans un rapport du Comité sur la liberté académique de l’ancien juge Michel Bastarache et de cinq professeurs de l’établissement qu’avait commandé le recteur de l’U’ d’O Jacques Frémont au printemps dernier.
Le groupe de travail demande à ce que l’ U d’O « protège la liberté académique et la liberté d’expression ».
« Les membres de la communauté universitaire doivent être assurés de l’appui de l’Université lorsque leurs droits à la libre d’expression sont en cause. »
Le groupe dit avoir reçu près de 102 mémoires, soit d’une soixantaine de professeurs et d’une quarantaine d’étudiants. Au total, sept recommandations ressortent de cet exercice. Parmi celles-ci, une révision de la politique sur la liberté d’expression de l’établissement inscrite dans le Règlement 121. L’administration est invitée à mettre en place un « processus d’évaluation » pour pouvoir concilier la liberté académique et « l’obligation de l’Université de gérer son établissement ».
« Le Comité est d’avis qu’il faut un mécanisme indépendant, représentatif et compétent pour traiter les plaintes de façon uniforme et dans un délai raisonnable de manière à fournir à la communauté universitaire un moyen d’agir en lequel elle peut avoir confiance. Il faut aussi que le processus puisse être utilisé sans la nécessité du dépôt d’une plainte quand les circonstances l’exigent. »
Ce processus pourrait ainsi permettre de « recevoir les plaintes et préoccupations portant sur la liberté académique de la part des professeurs ainsi que sur la liberté d’expression de la part de tout membre de l’Université qui se juge lésé dans l’exercice de ses fonctions ».
Il y aurait aussi un « besoin d’établir des normes de conduite applicables aux étudiants, aux professeurs et aux autres membres du personnel de l’Université ».
« Les nombreux incidents qui ont créé l’insécurité chez les professeurs et parfois les étudiants ont fait connaître le besoin d’établir des normes de conduite applicables aux étudiants, aux professeurs et aux autres membres du personnel de l’Université, notamment en ce qui concerne l’interdiction de la cyberintimidation; le dialogue et la recherche de la vérité ne sont pas possibles si les différences d’opinions donnent lieu à l’invective et à l’insulte, au manque de respect envers la diversité et à l’atteinte à la dignité des personnes », peut-on lire.
Des professeurs francophones avaient notamment affirmé s’être fait insulter en ligne à la suite d’une lettre en soutien à Mme Lieutenant-Duval. Ce rapport fait suite aux événements avec les professeurs Verushka Lieutenant-Duval et Amir Attaran. Mme Lieutenant-Duval avait été suspendue par l’institution pour avoir utilisé le « mot en N » dans une salle de classe. Celle-ci et une quarantaine de collègues s’étaient défendus en affirmant que le tout avait été dit dans un contexte scolaire où elle expliquait la réappropriation du mot par la communauté noire aux États-Unis.
Pas d’intervention de l’Université
Si le groupe recommande la mise en place d’un tel processus, c’est pour éviter que l’institution ait à se mêler elle-même de ces questions.
« Plusieurs intervenants ont demandé que l’Université intervienne lorsqu’il est question de sujets délicats, le Comité n’est pas favorable à la censure institutionnelle ni à l’autocensure quand elle est susceptible de compromettre la diffusion des savoirs et qu’elle est motivée par la peur de réprobation publique. Le Comité est d’avis que les étudiants et les membres de la communauté universitaire doivent être disposés à traiter d’un sujet délicat dans un contexte académique. »
Ce document de 39 pages évoque aussi la mise en place d’un service de consultation pour les professeurs ainsi qu’une formation sur la diversité et l’inclusion.
« Il a été bien établi dans les consultations que le corps professoral se dit souvent mal préparé pour faire face au défi soulevé et qu’il est urgent de lui donner l’information et les ressources pour y répondre. Ces moyens peuvent être collectifs, mais ils devront aussi être présents pour conseiller les professeurs individuellement. »