Le grand blocage entre les enseignants et le gouvernement

Le ministre de l'Éducation Stephen Lecce. Crédit image: Rudy Chabannes

[ANALYSE]

TORONTO – Le bras de fer continue entre le ministère de l’Éducation de l’Ontario et les enseignants. Mercredi de la semaine dernière, la grève déclenchée par la Fédération des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (FEÉSO) a de nouveau démontré l’impasse des négociations entre les deux partis. 

À entendre le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, parlant de « moyens de pression aux dépens des élèves » de la part de la FEÉSO, le principal syndicat provincial, on comprend que le ton s’est même durcit.

Voilà plus de trois mois que les conventions collectives des syndicats d’enseignants, d’une durée de deux ans, sont échues. Et pour l’instant, les différentes rondes de négociations n’ont pas permis de dégager un accord. Une différence notable avec 2017 où les syndicats avaient rapidement obtenu satisfaction.

Tout indique que les discussions coincent sur deux aspects. D’abord, la décision récente du gouvernement de limiter les augmentations de salaires annuelles de tous les travailleurs du secteur public à 1 % ne fait pas les affaires de la FEÉSO, laquelle exige une hausse de 2 %. Une demande jugée en adéquation avec le coût de la vie toujours plus cher.

Par ailleurs, la volte-face du gouvernement, il y a quelques semaines, sur le projet d’augmenter le nombre d’élèves par classe au secondaire à 25, contre 28 initialement, n’a pas rassuré les enseignants. Beaucoup jugent cette concession insuffisante. Avant la grande réforme sur l’Éducation, lancée au printemps, on parlait d’une moyenne de 22 élèves par classe.

Si ces négociations constituent un test difficile pour le ministre Stephen Lecce, nommé à son poste au mois de juin, c’est aussi parce que la plupart des syndicats regardent le gouvernement de Doug Ford en chien de faïence. Réputé pour son idéologie basée sur l’austérité, quitte à couper dans les services publics, le premier ministre n’instaure pas vraiment un climat de confiance.

Méthode ferme au temps des libéraux

Toujours est-il qu’avant le règne des progressistes-conservateurs, les libéraux n’y étaient pas allés non plus de main morte avec les enseignants. En 2012, le premier ministre de l’époque, Dalton McGuinty, avait décrété un gel de salaires des enseignants tout en leur retirant leur droit de grève pour deux ans.

Trois ans plus tard, sa successeure, Kathleen Wynne, utilisait une loi spéciale pour forcer certains enseignants à revenir dans les salles de classe au plus fort de la grève. Un ton somme toute belliqueux.

Pour le moment, Stephen Lecce se contente de tirer la corde émotionnelle en sous-entendant que les élèves sont pris en otage par le déclenchement des grèves. Le but : ranger de son côté l’opinion publique jusqu’à maintenant assez acquise aux syndicats.

Rebondissements à prévoir

Les prochains jours seront décisifs, pour le FEÉSO, mais aussi les autres syndicats, incluant l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO). Cette dernière tiendra même prochainement un vote sur un mandat de grève du 18 au 20 décembre.

Soucieux d’assainir les finances publiques, tout en atténuant son image « brute de décoffrage », l’équipe Ford possède une marge de manœuvre assez mince dans le dossier du renouvellement des conventions collectives avec les syndicats d’enseignants. Handicapé par une faible popularité, le gouvernement sait qu’il marche sur des œufs.

Le Parti progressiste-conservateur n’a donc pas le choix que de s’entendre avec le monde des enseignants. La clé d’une réélection au printemps 2022 passe par là.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 9 décembre.