Le lever du drapeau franco-ontarien a frôlé le fiasco à Hamilton

Lever du drapeau franco-ontarien le 22 septembre dernier sur l'esplanade de l'hôtel de ville de Hamilton. Gracieuseté ACFO Régionale Hamilton
Lever du drapeau franco-ontarien le 22 septembre dernier sur l'esplanade de l'hôtel de ville de Hamilton. Gracieuseté ACFO Régionale Hamilton

HAMILTON – Le traditionnel de lever du drapeau vert et blanc a failli tourner au vinaigre dans la ville de l’acier suite à une mésentente entre les organisateurs et la municipalité. La ville a avancé de 24 heures la cérémonie et gelé les discussions autour d’un drapeau permanent. Retour sur un incident qui laisse un goût amer à la communauté.

Si au final, tout s’est bien déroulé, le 22 septembre dernier, un refus de la Ville de Hamilton d’utiliser son parvis le vendredi précédant le 25 septembre, comme le fait chaque année la communauté depuis près d’une décennie, a bien failli tout faire déraper.

En quelques jours, l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) Régionale Hamilton, qui coordonne l’événement, a dû réviser de fond en comble son dispositif et alerter du changement de date ses partenaires, dont les conseils scolaires. Ces derniers faisaient revenir en autobus les élèves pour la première fois depuis trois ans à cause de la pandémie, un déploiement lourd qui demandait plusieurs jours de préparation.

Le président de l’ACFO Régionale Hamilton, Jérôme Pommier, qualifie le comportement de la Ville d’« action injustifiée » en dépit d’un « permis soumis avec trois mois d’anticipation et de planification ».

Il soutient avoir fait une demande officielle à la fin du mois de juin. Sans nouvelle par la suite, son organisation a fait un suivi en juillet, août et septembre, avant de recevoir une réponse lui indiquant de remplir un autre formulaire, puis que la date était réservée pour un autre événement, un couperet tombé le 13 septembre dernier.

Jérôme Pommier (au centre), président de l’ACFO Régionale Hamilton au moment du lever de drapeau à Hamilton. Gracieuseté : ACFO Régionale Hamilton

« Ça nous a obligés à prendre la décision difficile d’avancer d’un jour la cérémonie et cela a créé des défis logistiques dont on se serait passés. En neuf jours, on a réussi à tout retourner avec le soutien de l’ensemble de nos partenaires », relate M. Pommier qui déplore la distance prise par la ville et son maire, Fred Einserberger, vis-à-vis de la francophonie locale.

« En période d’élection, on nous dit que la francophonie c’est important et quand il s’agit d’avoir une action aussi faible en termes de coût – le drapeau a été fourni par l’ACFO – mais forte en termes de symbole, ils n’ont pas la chose à cœur. »

Bisbille autour du drapeau permanent

Il dénonce du même souffle le retrait du drapeau permanent, un droit acquis selon lui en 2021, à l’issue de discussions avec le bureau du maire et d’un accord scellé par l’intermédiaire de Christopher Cutler, conseiller du maire et ancien conseiller de Flamborough, décédé en début d’année.

« Le drapeau ne flotte plus sur le toit de l’hôtel de ville depuis plusieurs jours malgré la décision prise par la ville de Hamilton en 2021 de le laisser flotter en permanence en signe de reconnaissance et respect vis-à-vis de notre communauté », dit-il à propos de qu’il désigne comme « acte malheureux » et une « injustice ».

« Non seulement, on nous a retiré notre permis au dernier moment, mais en plus ils reviennent sur leur engagement de drapeau permanent. Dire qu’on va faire les choses et qu’on ne les fait pas, non seulement ça attaque leur légitimité mais ça attaque aussi la volonté d’une communauté de s’investir dans la croissance d’une ville. »

Lever du drapeau franco-ontarien précoce à Hamilton, le 22 septembre dernier. Gracieuseté ACFO Régionale Hamilton

Joint par ONFR+, le bureau du maire dément : « Cette ville n’a jamais eu ce drapeau en permanence, mais est fière de le hisser pour la Journée des Franco-Ontariens, ou à la demande de la communauté, comme avec la FrancoFest, la Journée internationale de la francophonie et toute autre occasion où nous pourrions recevoir cette demande », indique Alia Khan, conseillère en communication et relations médias à la Ville de Hamilton.

« La mairie est à l’image de ce qui se passe dans la province » – Jérôme Pommier, président de l’ACFO Régionale Hamilton

Faux, selon M. Pommier : « Le maire s’était engagé lors du lever de drapeau en 2021 à le rendre permanent. On nous a ensuite demandé les dimensions auxquelles il devait répondre et on a fait le nécessaire. Ça arrive à tout le monde de faire une erreur mais ici, ce qui me dérange, c’est la mauvaise foi de la ville. »

Et de lâcher : « Ça résume comment les francophones sont traités à travers la province. La mairie est à l’image de ce qui se passe dans la province. Chacun essaye de surfer sur la vague de la communauté. »

« La dernière fois que le drapeau franco-ontarien a été hissé sur le toit de l’hôtel de ville, c’était pour la FrancoFest le 22 juin et il est resté levé pendant un certain temps par la suite », justifie la porte-parole de la Ville pour expliquer la présence du drapeau durant plusieurs jours auparavant. « On enlève les drapeaux au fur et à mesure pour répondre aux nouvelles demandes. »

Au-delà de l’ACFO Régionale Hamilton, plusieurs membres de la table interagence locale, qui réunit les différents acteurs de la francophonie hamiltonienne, ont été déçus. Alain Dobi, directeur du Réseau en immigration francophone du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario, indique que tout le monde a été « surpris et choqué » des agissements de la mairie.

L’année dernière déjà, la mairie avait annulé le permis de l’ACFO Régionale Hamilton, mais en raison de la crise sanitaire.

La francophilie du maire Eisenberger critiquée

Pascale Marchand, membre du comité sur les services en français de la Clinique juridique de Hamilton, a été également abasourdie. « C’est une chance que la communauté ait été capable de changer l’horaire et de tout refaire pour le jeudi », confie-t-elle, ajoutant trouver « louche que tout se passe en même temps car on a enlevé le drapeau permanent alors que ça faisait des années qu’on demander à l’avoir ».

Ce différend intervient alors que Hamilton est une ville désignée en vertu de la Loi sur les services en français et a été choisie en tant que communauté francophone accueillante dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles du gouvernement du Canada.

Les élèves participaient au lever de drapeau pour la première fois depuis trois ans. Gracieuseté ACFO Régionale Hamilton

Par ailleurs, le maire – qui ne se représente pas aux prochaines élections municipales – a toujours clamé son attachement à la francophonie, sa femme étant elle-même francophone, son fils enseignant dans une école francophone et sa fille formant les agents de bord pour Air Canada dans les deux langues officielles.

« Oui il est francophile mais, en même temps, les actes rendent plus fort que les belles paroles », réagit Mme Marchand qui a décidé de se porter candidate comme conseillère municipale du quartier 4 afin que les francophones soient représentés à la table du conseil. « On pousse aussi pour qu’il y ait un poste ou un département au sein de la mairie qui fasse la liaison entre la Ville et la communauté pour prévenir des affaires dans ce genre », insiste-t-elle.