
Le Parlement reprend du service : les cinq défis du gouvernement Ford

Après quatre mois d’absence de sessions parlementaires, les élus retournent à l’Assemblée législative de l’Ontario ce lundi. En plus des promesses de campagne exclusivement axées sur la réponse aux tarifs, des défis majeurs attendent le gouvernement Ford, dont celui de donner une direction à son mandat, selon un politologue. Déficit budgétaire, crise du logement, infrastructures, soins de santé… Cinq des défis clés à relever.
« Le gouvernement a peut-être un mandat fort, mais pas un mandat clair », analyse le politologue Peter Graefe pour qui il s’agit de définir une direction et de grands projets face aux enjeux annexes aux tarifs.
Un des dossiers immédiats est celui de déposer le budget provincial sous peu, le tout dans un contexte d’incertitude économique. Selon M. Graefe, une série de besoins dans le service public demande à être réglée même si la tendance est plutôt de ne pas trop dépenser.
Lors de la mise à jour de l’exercice financier l’automne dernier, la province visait une baisse drastique du déficit. Celui-ci était estimé à 1,5 milliard de dollars pour 2025-2026, réquérant une économie de 5 milliards par rapport à l’année précédente. Les projections prévoyaient même un excédent de 0,9 milliard d’ici à 2026-2027, grâce à une croissance économique soutenue.
« Les projections économiques sont plus sombres par rapport au taux de croissance anticipée. L’ancienne promesse de rétablir l’équilibre budgétaire sera plus difficile à tenir », prédit le professeur de science politique de l’Université McMaster, rappelant que des investissements conséquents seront nécessaires pour honorer les promesses en infrastructures notamment.
Crise du logement, transports et infrastructures
À l’automne dernier, le gouvernement Ford annonçait « le plan d’immobilisations le plus ambitieux de l’histoire de la province » avec 190 milliards de dollars d’investissement sur les dix prochaines années, pour les routes, lignes de transport en commun, logements, réseaux internet à haute vitesse, etc.
Selon M. Graefe, le gouvernement, qui a l’objectif de construire 1,5 million de nouveaux logements d’ici à 2031, doit trouver le moyen d’accélérer les projets immobiliers, « d’autant qu’il ne mise que sur les logements privés et pas sur les projets du secteur public. Un enjeu dans la mesure où la construction immobilière répond aux marchés fluctuants. »
À compter du 1er mai prochain, l‘Ontario étendra encore davantage les pouvoirs forts à 169 maires supplémentaires, espérant faire accélérer la construction de logements.
Côté transports, les promesses de campagne incluent la création d’un tunnel sous l’autoroute 401 pour désengorger Toronto. Ce projet qui fait déjà polémique nécessiterait une étude de faisabilité qui prendrait deux ans et coûterait plusieurs millions de dollars. Notons aussi la construction controversée de l’autoroute 413 à partir de cette année, ou encore le creusement du dernier tronçon ouest de la ligne transurbaine Eglington Crosstown annoncé une semaine plus tôt, mais toujours sans aucune date d’ouverture officielle. Les travaux qui avaient commencé en 2011 devaient être achevés en 2020.
Des médecins pour 300 000 personnes en plus d’ici 2029
« Une autre priorité pour le gouvernement est la construction active d’hôpitaux, même si la qualité des services n’avait jamais été au cœur du message, contrairement aux partis d’opposition », décrypte le politologue d’Hamilton.
Le gouvernement doit pourtant faire face à la pénurie de médecins et semble adopter une nouvelle stratégie avec l’appui, depuis décembre dernier, de la Dre Jane Philpott, médecin et ancienne ministre fédérale de la santé.
Quelques jours avant la rentrée parlementaire, le ministère de la Santé a annoncé un investissement de 213 millions de dollars (sur 1,8 milliard) pour soutenir « le premier appel de propositions pour créer 80 nouvelles équipes de soins primaires pour ajouter 305 nouvelles équipes de soins primaires dans la province, permettant ainsi à deux millions de personnes supplémentaires d’avoir accès à des soins primaires d’ici quatre ans. »
Ce premier appel est ciblé par code postal, ceux ayant le plus grand nombre de personnes , avec une moyenne de 8 000 personnes par code postal.
« Toutes les équipes interprofessionnelles de soins primaires sont financées par des fonds publics et offertes par des services publics », a assuré Hannah Jensen, la porte-parole de la ministre de la Santé.
Déterminer une approche tarifaire pérenne
« Le défi tarifaire ne fait que commencer. Il va falloir trouver une approche pérennes au-delà des annonces réactionnaires de M. Ford, explique M. Graefe pour qui la gestion face à des situations de crise est l’un de ses points forts, plus que l’élaboration de grands plans stratégiques généraux. »
Selon lui, si Doug Ford se voit comme un chef de file des premiers ministres provinciaux, avec l’arrivée d’un nouveau premier ministre canadien, il va falloir cohabiter et penser de nouvelles stratégies.
De rappeler l’intention du gouvernement de miser sur l’extraction minière du Nord de l’Ontario, sa volonté d’armer les petites entreprises, ou encore de renforcer la collaboration commerciale interprovinciale et de diversifier ses marchés.
« Ce n’est pas quelqu’un qui jusque-là a eu de grands projets de transformation de l’Ontario par une vision sur le long terme. Ces interventions à la pièce, c’est peut-être ça le danger pour l’Ontario. Cela fait sept ans que l’on fait un peu du surplace face aux grands enjeux pour la société ontarienne. À voir comment celui-ci se renouvelle avec le contexte actuel », conclut-il.