Le salaire minimum passe à 16,55 $ de l’heure en Ontario
TORONTO – Cette hausse de 6,8 % devrait profiter à près d’un million de travailleurs à travers la province, à partir du 1er octobre prochain, et place la province au second rang des provinces et territoires.
Concrètement, un travailleur touchant un salaire minimum général et travaillant 40 heures par semaine verra une augmentation de salaire annuelle de près de 2 200 $. En 2022, 942 400 travailleurs gagnaient 16,55 $ l’heure ou moins, soit 40% la majorité d’entre eux étant des femmes. Ce sont ces personnes que le gouvernement cible.
Le ministre du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences, Monte McNaughton, qualifie cette augmentation de « démarche juste et équilibrée qui signifie plus d’argent dans la poche des travailleurs pour qu’ils puissent subvenir aux besoins de leurs familles et continuer à construire un Ontario plus fort pour nous tous ».
Le salaire minimum était passé à 15 $ en janvier 2022, puis à 15,50 $ en octobre de la même année. Mais son évolution est sujette à de fortes critiques depuis 2018. À son arrivée au pouvoir, Doug Ford avait en effet annulé la hausse prévue par le gouvernement libéral précédent, le maintenant à 14 $, le désindexant du taux d’inflation.
Depuis l’inflation a fortement affecté le pouvoir d’achat des travailleurs du secteur privé, tout comme celui des fonctionnaires qui ont vu leur rémunération gelée dès 2019, via le projet de loi 124 la plafonnant à 1 % par an, pendant trois ans.
Un peu plus de 40 % des travailleurs qui touchent un salaire minimum général égal ou inférieur à 15,50 $ l’heure travaillent dans le commerce de détail et près de 25 % dans le secteur de l’hébergement et de la restauration. Le nouveau salaire minimum est le plus élevé de toutes les provinces du pays, après le Yukon qui caracole en tête à 16,77 $, tandis que le Québec affichera 15,25 $ de l’heure en mai prochain.
De leur côté, les étudiants de moins de 18 ans qui travaillent 28 heures par semaine ou moins pendant l’année scolaire, ou qui travaillent pendant les congés scolaires ou les vacances d’été, verront leur rémunération horaire passer de 14,60 $ à 15,60 $.
Les travailleurs à domicile de 17,05 $ à 18,20 $ et les guides de chasse, de pêche et d’aventure de 77,60 $ à 82,85 $ lorsqu’ils travaillent moins de cinq heures consécutives par jour, et de 155,25 $ à 165,75 $ lorsqu’ils travaillent cinq heures ou plus par jour.
« Insuffisant pour vivre décemment dans certaines régions » – Julien Geremie
Pour de nombreux observateurs, un plancher à 16,55 $ ne compense pas le niveau d’inflation qu’ont subi les Ontariens au cours de la dernière année en raison du rebond de la demande, des perturbations des chaînes d’approvisionnement et de prix excessifs des biens de première nécessité, exacerbés par la guerre en Ukraine, même si l’étau inflationniste s’est légèrement desserré ces dernières semaines.
« Dans certaines régions comme celle du Grand Toronto, le salaire minimum demeure insuffisant pour vivre décemment », nuance-t-il. « Dans d’autres régions, des entreprises pourraient être pénalisées par l’augmentation des coûts de main-d’œuvre (notamment les régions rurales). Le choix sera laissé aux entreprises de monter les prix ou de diminuer leurs marges. Dans un contexte d’inflation, nous ne pouvons qu’espérer que les entreprises feront des choix raisonnables. »
Pas assez pour « subvenir aux besoins de base »
« En tant qu’organisme dont un des mandats est d’aider les nouveaux arrivants à intégrer le marché de la main-d’œuvre en Ontario, nous ne pouvons que nous réjouir de cette annonce, particulièrement en cette période assez particulière qui a vu une augmentation exponentielle du coût de la vie », conçoit pour sa part Patrick Cloutier, directeur général de la Société économique de l’Ontario.
« Il n’empêche que, malgré cette augmentation, la personne qui gagne le salaire minimum et qui travaille une semaine régulière aura tout de même de la difficulté à subvenir à ses besoins de base et à ceux de sa famille », tempère-t-il.
Dans le même temps, M. Cloutier ne cache pas sa préoccupation sur les répercussions de cette augmentation du salaire minimum sur les petites et moyennes entreprises que la SÉO appuie, notamment par le biais de son incubateur d’entreprises. « Les PME sont l’un des piliers essentiels de toute collectivité, y compris les collectivités de l’écosystème francophone et bilingue de l’Ontario. Nous espérons que des mesures d’appui seront offertes aux PME qui en ont besoin. »
Du côté de l’opposition officielle, « c’est un pas dans la bonne direction », estime enfin Bryce Mason, porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD). « Malheureusement, il y a encore des années de retard sur ce que nous aurions si Doug Ford n’avait pas gelé les salaires dès son entrée en fonction. Cependant, à une époque où le coût de la vie est de plus en plus inabordable, nous savons que chaque geste compte. »