Le vote par anticipation frustre plusieurs francophones
Plusieurs électeurs francophones se sont dits déçus de ne pas avoir obtenu un service en français lorsqu’ils se sont rendus dans leur bureau de vote par anticipation.
Alors que le vote par anticipation a atteint une participation record, avec 4,7 millions d’électeurs qui se sont rendus aux urnes ces quatre derniers jours, ONFR+ a pu constater de nombreux messages de francophones frustrés de ne pas avoir pu voter dans la langue de leur choix.
« Accueil et information en anglais seulement dans un bureau de vote par anticipation à Sudbury, et ce, malgré mon insistance. J’ai voté en français plus souvent à Toronto qu’à Sudbury. Même problème aux élections provinciales de 2018 », soupire l’historien de l’Université Laurentienne, Serge Miville, sur Twitter, qui dit toutefois avoir eu droit à un accueil en français, une fois arrivé au bureau désigné. « Bilan mitigé au final, tout comme la Loi sur les langues officielles », conclut M. Miville.
À Ottawa, la politologue de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal, partage une expérience similaire.
« Même au Patro à Ottawa, l’accueil est en anglais uniquement. Élections Canada devrait envoyer une directive à ses employés et bénévoles. Il y a du sable dans l’engrenage. »
Le son de cloche est identique à Toronto où Adam Sommerfield, porte-parole aux Affaires francophones du Parti vert de l’Ontario, rapporte : « Des lacunes sont également à constater ici, à Toronto, où j’ai tenté de voter en français — et mon bureau de scrutin se situe même dans une école publique de langue française. »
La circonscription très francophone de Glengarry-Prescott-Russell n’a pas non plus été épargnée.
« Très déçus d’avoir été accueillis par une unilingue anglophone lorsque nous sommes allés voter par anticipation, aujourd’hui, à Rockland vers 13h. Elle nous a accueillis avec un désolant, mais classique « Sorry, I don’t speak French », incapable (ou voulante?) de dire « Bonjour », et de nous diriger à la « station 612 ». Son excuse lorsque nous avons exprimé notre surprise (en français) d’être ainsi accueillis pour une élection fédérale : elle remplaçait quelqu’un pour quelques minutes (nous ne sommes pas restés pour confirmer cette affirmation) », raconte Roger Belanger.
Une autre résidente de la circonscription, Marie-Andrée Roy, explique toutefois avoir pu, pour sa part, voter en français dans le même bureau de vote.
À travers le Canada
Les médias sociaux se sont remplis de messages semblables dénonçant l’absence de services en français aux bureaux de vote, lors de ces premiers jours du scrutin fédéral. Et ces manquements ont été constatés à travers le pays.
« J’ai voté ce matin… mais cela n’a pas été possible en français. Pourquoi se donner la peine de mettre des panneaux sur chaque table mentionnant que le service est disponible en français et en anglais, si ce n’est pas le cas? », s’interroge le Franco-Albertain d’adoption, Étienne Alary.
À Winnipeg, Thibault Jourdan rapporte le même problème.
« J’ai soumis ma toute première plainte au Commissariat aux langues officielles du Canada. Je m’en serai bien passé, mais je n’ai eu aucun service en français lorsque j’ai voté dans un bureau de vote par anticipation d’Élections Canada. Pour une institution fédérale, je trouve ça fort dommageable. »
Mais les francophones à travers le pays ne seraient pas les seuls à avoir connu pareille mésaventure.
« Le même problème au Québec pour les Anglais. Élections Canada ne respecte pas la Loi sur les langues officielles », se désole le professeur et directeur du Programme de common law à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Matt Harrington.
Plusieurs plaintes
Sur son site internet, le Commissariat aux langues officielles du Canada rappelle que tous les Canadiens ont le droit de voter dans la langue officielle de leur choix. Depuis le 11 octobre, début du vote par anticipation, le Commissariat indique avoir reçu 19 plaintes liées aux services en français d’Élections Canada, dont 14 juste pour l’Ontario. De son côté, Élections Canada confirme un peu plus d’une quinzaine de plaintes au sujet du service à la clientèle en français.
Élections Canada précise que chaque plainte a fait l’objet d’un suivi avec le directeur de scrutin responsable du lieu où la plainte a eu lieu. Plusieurs actions auraient également été prises dont le rappel des directives et procédures au sujet de l’offre active, le rappel des outils disponibles en l’absence de personnel bilingue et parfois même la réallocation des ressources bilingues.
En 2015, pendant l’ensemble de la période électorale, 134 plaintes avaient été acheminées à Élections Canada portant majoritairement sur un manque de services, d’affiches ou de documents en français. Mais, insiste-t-on, la quasi-totalité des électeurs, soit 99 %, s’étaient dits satisfaits de la langue dans laquelle ils avaient été servis, soit un taux comparable à 2011 et 2008. De son côté, le Commissariat aux langues officielle rapporte 24 plaintes pour les élections de 2015, uniquement pour des problèmes de services en français.
Cet article a été mis à jour le 15 octobre, à 18h04