Le voyage intérieur de Mimi O’Bonsawin
SUDBURY – La chanteuse métis Mimi O’Bonsawin sort, ce vendredi, son cinquième album : Fiddleheads & Ferns. Avec ce disque instrumental, les amateurs suivront l’artiste dans son voyage intérieur au cœur de la forêt du Nord de l’Ontario.
« On vous connaît principalement comme chanteuse. Comment est née l’idée de faire un album instrumental?
Il y a trois ans, j’ai commencé à composer de la musique instrumentale pour le catalogue NAGAMO qui s’adresse aux artistes autochtones et est utilisé pour les films ainsi que la télévision. Dans le catalogue, si quelque chose est pigé pour un film ou un documentaire, ils vont utiliser juste un petit bout de la chanson. Je voulais vraiment présenter les chansons complètes. Ce ne sont pas les mêmes chansons que le catalogue, mais c’est la même vibe.
Il est précisé dans la description de l’album qu’il a été enregistré sans instrument artificiel. En quoi est-ce important?
Dans l’industrie de la musique, c’est beaucoup plus facile d’utiliser des instruments artificiels (logiciel). Bien que ça complique les choses, je trouvais que c’était vraiment important d’utiliser de vrais instruments pour capter le sentiment authentique de ma musique. Ce sont des instruments qu’on a chez nous, qui vivent avec nous. Je suis une personne vraiment naturelle. J’aime les choses que tu peux toucher, les textures et je pensais que c’était important de mettre ça dans l’album.
L’ambiance de la forêt est très présente dans Fiddleheads & Ferns. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre rapport à la nature?
Comme personne abénakis qui a grandi dans le Nord de l’Ontario, la forêt a toujours fait partie de ma vie. J’ai réalisé à quel point je m’ennuyais de la nature quand j’ai déménagé à Toronto. Depuis la pandémie, mon conjoint et moi avons déménagé dans une cabane dans les bois. Faire un retour au territoire que je connaissais quand j’étais petite et passer beaucoup de temps dehors m’a beaucoup aidée dans ma créativité. Je me sens beaucoup plus enracinée et connectée avec quelque chose de plus grand que moi.
Je sens que parfois nous avons oublié l’important de la nature. Aller dans la forêt, récolter les aliments, chasser, c’est tellement important et nous en sommes déconnectés dans notre société.
Quel est le rôle de votre culture autochtone dans cette inspiration?
Je suis toujours en apprentissage, de réclamer mes racines. Pendant longtemps, on m’a fait sentir dans l’industrie musicale que je devrais avoir honte d’être autochtone et que je ne devrais pas m’exprimer de cette façon. J’ai réalisé, il y a quelques années, que ce sont mes histoires. C’est la façon dont j’explore le monde.
On a cherché à vous rendre honteuse de votre culture… Que voulez-vous dire?
J’ai débuté ma carrière en musique quand j’étais très jeune. Je me suis entourée de managers expérimentés. C’est eux qui me disaient de ne pas être une artiste autochtone ou francophone, car ça nuirait à ma carrière. Ces idées de racisme ont gâché des choses vraiment importantes pour moi. Je n’en pouvais plus! J’ai pris confiance en moi et j’ai fini par dire »This is me ». Dans l’industrie, on tire souvent avantage du jeune âge des artistes autochtones et francophones pour les guider vers certains chemins et ce n’est pas bon pour eux.
Pourrait-on aller jusqu’à dire que vous avez été victime du fameux « Speak white »?
Je me le suis fait dire! J’allais sur l’estrade, on me disait comment m’habiller, comment jouer. Je n’étais pas confortable sur l’estrade alors que c’est mon happy place d’être avec le public à leur partager mon art. J’ai fini par atteindre mon point de saturation. C’est pour ça que je suis aussi fière de cet album et de Ainsi elles dansent, car je me fais assez confiance pour me dire non c’est ça que je veux faire. Ce n’est peut-être pas pour tout le monde, mais c’est ça la vie que je vois.
Comment décririez-vous votre style maintenant?
Je dirais que le mot qui me décrit le plus serait organique ou authentique. C’est vraiment de suivre mes instincts. Je me sens inspirée par tellement de choses que je ne pense pas que ma musique puisse fitter dans une place.
Vous dites que le retour à vos racines a été un tournant dans votre carrière d’artiste. Laisser une plus grande place au français dans vos compositions fait-il également partie de ce processus?
Quand j’ai décidé de faire un album en français, je me suis dit « challenge accepted« . Je mets beaucoup d’emphase sur mes racines, mais je trouvais que le langage manquait. Pendant longtemps, ma communauté du Nord de l’Ontario me demandait un album en français mais ce n’était jamais le bon timing. Finalement, je l’ai fait et j’aime tellement ça! Je peux voir les deux mondes. Ma musique francophone est bienvenue dans ma communauté anglophone. Ce n’est plus un ou l’autre, ça peut être les deux.
Avec les assouplissements des mesures sanitaires, qu’est-ce qui attend Mimi O’Bonsawin dans un avenir rapproché?
Je vais être à l’Alliance française de Toronto le 19 mars. Le 26 mars, je fais la première partie de Diane Tell pour francophonie en fête. Je recommence les spectacles avec deux événements francophones, how awesome is that? »