François Desmarais, de l’Association canadienne des producteurs de l’acier, rappelle que des milliers d'emplois en Ontario dépendent des relations commerciales avec les États-Unis. Photo : Linkedin

François Desmarais est vice-président Commerce et Affaires industrielles au sein de l’Association canadienne des producteurs de l’acier, à Ottawa.

Près de 244 millions d’Américains sont appelés aux urnes ce mardi pour choisir leur 47e président, dans une course serrée qui oppose la démocrate Kamala Harris et au républicain Donald Trump.

Vu de l’Ontario, une partie de l’avenir de l’acier ontarien se joue dans ce scrutin puisque le successeur de Joe Biden sera à la manœuvre lors des prochaines négociations du traité de libre-échange nord-américain en 2026.

« Pourquoi scrutez-vous avec autant d’intérêt cette élection de l’autre côté de la frontière?

Le partenariat économique et commercial entre le Canada et les États-Unis est extrêmement important pour le secteur de l’acier. En effet, 50 % de la production canadienne est acheminée aux États-Unis et 45 % de nos importations proviennent des États-Unis. Et au Canada, 75 % de l’acier est produit en Ontario (principalement à Sault Ste. Marie et Hamilton) et concernent 17 000 emplois. C’est dire qu’il y a beaucoup d’échanges et que l’Ontario est en première ligne.

Ça représente un peu plus de 8 milliards de dollars américains de revenu pour le Canada. Donc tout ce qui peut avoir une incidence sur la direction des politiques commerciales des États-Unis va nous préoccuper grandement, et ce, à plus forte raison au moment d’une élection présidentielle, car le président a une énorme latitude dans l’établissement de cette politique.

Qui de Donald Trump ou Kamala Harris serait l’interlocuteur le moins pire pour préserver les intérêts de la filière et les emplois en Ontario?

Le président Trump a mis sur la table plusieurs propositions qui auraient un impact pour nous, de la même manière que la vice-présidente Harris a régulièrement souligné les politiques commerciales qui pourraient être questionnantes pour le Canada. Leurs deux partis, tant les démocrates que les républicains, ont une tendance très protectionniste qui s’est accentuée dans les dix dernières années.

Malgré ce retour au protectionnisme, le Canada est quand même dans une meilleure position qu’en 2018 au moment de l’imposition de tarifs douaniers par Trump. De bonnes politiques en cours de développement pourraient convaincre les Américains que nous sommes un partenaire économique fiable, ce qui permettrait d’éviter un nouveau drame comme en 2018, voire entrer dans un environnement plus sain en vue de la révision de l’accord nord-américain.

À quoi ressemblerait un mauvais accord de libre-échange?

Dans notre mémoire issu des consultations fédérales remis hier, nous suggérons au gouvernement canadien de préserver nos acquis en améliorant continuellement nos politiques commerciales et nos systèmes anti-contournement, en les alignant sur ceux des Américains, pour être en position d’engager des négociations sur certains périmètres, par exemple, sur la teneur carbone qu’on laisse rentrer en Amérique du Nord.

En quoi l’acier canadien est-il plus fiable?

On a mis en place un mécanisme de vérification des stocks d’acier qui rentrent au pays qui obligera les importateurs, à partir de mars prochain, à déclarer où l’acier a été coulé pour la première fois. On a aussi créé une unité de surveillance des marchés dédiés et imposé des tarifs sur l’acier chinois. Tout ça est très bien vu par Washington qui constate qu’on aligne nos outils et politiques.

En termes de production et de vente d’acier, les États-Unis n’ont-ils pas justement plus à craindre des Chinois que des Canadiens?

Les Chinois ont la moitié de la capacité de production d’acier et la moitié de la production d’acier. Ils produisent plus que la demande existante. Avec leurs surplus, ils vendent sous le prix de production. Ce dumping a anéanti certaines industries nationales de l’acier, ce qui préoccupent États-Unis et Canada. 60 % de toutes nos mesures antidumping au Canada, tous secteurs confondus, sont vis-à-vis de la Chine. Dans ces 60 %, 70 % concernent l’acier. »