Les Chiclettes lancent leur EP Goddess Hors-la-loi
TORONTO – Elles seront les têtes d’affiche de la première soirée de la Franco-Fête de Toronto ce soir. Elles en profitent pour lancer leur nouveau EP, Goddess Hors-la-loi. Grosse journée pour Les Chiclettes, trio composé de Geneviève Cholette, Julie Kim et Nathalie Nadon. Cette dernière s’est entretenue avec ONFR+ pour parler de ce nouveau mini-album.
Les chansons de Goddess Hors-la-loi ont été dévoilées au compte-goutte dans les trois dernières années. La dernière à découvrir, C’pas juste un feeling, sera lancée ce soir sur la scène du Painted Lady, en même temps que le EP. Le titre de l’album est tiré des paroles de ce dernier extrait, mais évoque un état d’esprit qui est présent sur toutes les pièces.
« On dit aux femmes : Prenez-la, votre place. C’est correct. Vous pouvez prendre votre place avec toute la douceur qui vous appartient ou avec toute la ferveur qui vous appartient », explique Nathalie Nadon. Et les paroles en attestent : « On crie peut-être moins fort qu’une basse, un ténor, mais j’te dis qu’on score à chaque fois. »
Le trio torontois se montre en effet plus engagé que par le passé. Nathalie Nadon, Geneviève Cholette et Julie Kim n’ont plus peur de déranger, de s’affirmer comme féministes et de dénoncer les incohérences de la société. La pièce Folle devait parler de santé mentale, mais a évolué au fil de l’écriture.
« Si je suis habillée de mon intérieur, dis-moi pourquoi j’ai un impact sur ton bonheur » – Extrait de Folle
Les paroles viennent donc toucher différentes cordes sensibles selon la personne qui écoute, que ce soit la santé mentale, le fait de refaire les mêmes erreurs, la politique, l’environnement ou le regard des autres.
Plusieurs chansons ont une saveur écoféministe. Elles comparent la femme à la nature. Nathalie Nadon donne l’exemple du titre Le F World. « On aime ça un petit ruisseau tout doux. Mais est-ce qu’on respecte le tsunami? Tu n’as pas le choix de le respecter. La femme peut être autant un tsunami qui se lève et se réveille, comme elle a le droit d’être un petit ruisseau qui coule dans la forêt. Et la femme, comme une rivière, va contourner les pierres et faire son chemin. Elle peut être douce, mais elle peut renverser un bateau, aussi. »
Se réinventer
Il a fallu défaire le carcan des années 1940 dans lequel Les Chiclettes se sont fait connaître. Nathalie Nadon, qui écrit les scénarios de leurs spectacles, se sentait limitée par les chansons d’amour à la Frank Sinatra et avait envie de se coller un peu plus à l’actualité. Elles ont gardé l’aspect musical, le jazz vocal pétillant et l’ambiance rétro, mais se sont renouvelées particulièrement dans les paroles, souvent écrites par Geneviève Cholette.
« Ça fait presque 14 ans qu’on est ensemble. Les gens aiment ce qu’on fait. On a un impact. Alors pourquoi on ne prendrait pas notre voix pour avoir une pertinence? » – Nathalie Nadon
Nathalie Nadon souligne que les trois musiciennes ont beaucoup évolué. Elle donne l’exemple de Julie Kim. Au début de l’histoire du groupe, elle donnait des idées au directeur musical. Aujourd’hui, c’est elle qui compose la musique et la plupart des arrangements.
Autre changement dans la démarche artistique, l’album Goddess Hors-la-loi a été écrit avant le spectacle du même nom. Habituellement, les chansons venaient appuyer la théâtralité du spectacle. « Avant, c’était plus comme une trame sonore de notre spectacle. Tandis que ça, c’est vraiment un album que tu peux écouter dans ta voiture en vacances. »
Les fans de la première heure retrouveront tout de même les personnages colorés des trois interprètes. Simone (Nathalie Nadon), Huguette (Julie Kim) et Vivi (Geneviève Cholette) sont toujours bien en forme et en humour. La formule fonctionne et les trois complices s’amusent de voir les gens dans la salle rire, acquiescer et se pointer entre eux car ils reconnaissent des traits de caractère des gens de leur entourage.
« Les Chiclettes, c’est comme un quatrième personnage. C’est la somme des parties, » conçoit Nathalie Nadon en parlant de leurs alter ego.
Création pandémique ou prémonitoire
L’artiste souligne que Folle et l’extrait suivant ont l’air de faire référence à la pandémie, alors qu’elles ont été écrites avant : « Folle, c’est un peu comme si on était entre quatre murs et qu’on était en train d’en perdre des bouts. Et Sérieux? Bravo!, tout le monde a fait le lien avec le travail invisible et le fait qu’on remettait les femmes à la maison pendant la pandémie. Ce n’était pas notre intention. Mais parce que c’est sorti durant la période de la pandémie, c’est ce que les gens ont compris. »
Cette période pandémique est la raison pour laquelle l’album et le spectacle ont pris tant de temps à se concrétiser, mais les Chiclettes ont pu continuer d’avancer durant les dernières années. Juste avant le premier confinement, elles avaient reçu une bourse de Musicaction. Donc, dès que les règlements s’assouplissaient, elles entraient en studio ou en salle de répétition. Le spectacle actuellement en tournée a été l’événement de réouverture pour bien des salles.
Et les gens étaient au rendez-vous. « Les salles étaient pleines à craquer. Le public avait le goût de rire, d’être touché, d’être ému. On ne pouvait plus partir! »
Toujours pertinentes
Ayant un peu perdu la notion du temps à cause de tous les retards pandémiques, les Chiclettes ont été surprises de constater qu’elles avaient quatre nominations au prochain gala Trille Or, dans les catégories Groupe, Jazz, Spectacle et Coup de cœur du public.
Nathalie Nadon confie ce que représentent ces honneurs : « J’ai fait beaucoup de tournées depuis 2005. J’ai vu la scène musicale franco-ontarienne changer, évoluer pour le mieux. (…) Les gens ne jouent plus juste de la guitare pour jouer de la guitare. Ils ont une mission, ils veulent faire avancer les choses. À un moment donné, j’ai demandé aux filles : est-ce qu’on est encore pertinentes, les Chiclettes? (…) Voir qu’on a encore une place dans cette communauté-là, ça fait plaisir. »
Les Chiclettes s’envoleront pour la France dans les prochains jours. Un exercice toujours intéressant selon Nathalie Nadon car « souvent, ils pensent qu’on est Québécoises. Je m’amuse à rectifier la chose et à dire qu’on est Franco-Ontariennes et qu’il y a des francophones à l’extérieur du Québec. »
Les trois musiciennes appuient aussi leur communauté avec la bourse #JEMAIME, remise depuis 2016 à une femme franco-ontarienne qui souhaite retourner aux études. En juin dernier, la bourse a été remise à Valérie Villeneuve, de la petite communauté de Marathon, dans le district de Thunder Bay.