Dévoilement à Ottawa de la plaque érigée en honneur d'Almanda Walker-Marchand, en 2018. On reconnaît entre autres Joel Harden, député provincial d'Ottawa-Centre ; Soukaina Boutiyb, directrice générale de l'Alliance des femmes de la francophonie canadienne, Jim Watson, maire d'Ottawa et Nathalie Des Rosiers, députée provinciale d'Ottawa-Vanier. Source: Alliance des femmes de la francophonie canadienne.

Chaque samedi, ONFR propose une chronique sur l’actualité et la culture franco-ontarienne. Cette semaine, l’historien et spécialiste en patrimoine Diego Elizondo.

L’histoire de l’Ontario français a souvent été marquée par l’apport inestimable de femmes franco-ontariennes. Elles ont façonné notre communauté. En ce lendemain de la Journée internationale des droits des femmes, survol des Franco-Ontariennes qui ont été commémorées par une plaque de la Fiducie du patrimoine ontarien.

Le programme des plaques provinciales est l’activité la plus ancienne et peut-être la mieux connue de la Fiducie du patrimoine ontarien, un organisme du gouvernement de l’Ontario.

Près de 1300 plaques imposantes de couleur bleu et or se trouvent partout sur le territoire de la province. Ces plaques honorent des épisodes marquants de l’histoire de l’Ontario en commémorant d’illustres individus, des lieux et des événements qui ont contribué à façonner l’histoire de la province.

Un bon nombre d’entre elles portent sur l’histoire franco-ontarienne, dont six sur des femmes. À noter que les descriptions biographiques ci-dessous sont issues des résumés écrits sur les plaques.

Madeleine de Roybon d’Allonne : première propriétaire terrienne

De naissance noble, Madeleine de Roybon est la première Européenne propriétaire terrienne dans l’Ontario d’aujourd’hui. Elle arrive probablement en 1679 au fort Frontenac (Kingston), où elle acquiert des terres du célèbre René-Robert Cavelier de La Salle, gouverneur et seigneur du fort.

En 1681, elle aide La Salle à financer ses explorations. C’est vers cette époque qu’il lui concède une seigneurie à l’ouest de Toneguignon (aujourd’hui Collins Bay). Elle y bâtit une maison, des dépendances et un poste de traite, cultive la terre et élève de bétail. Des Iroquois, voulant se venger de la campagne récente des Français contre les Sénécas, détruisent ses bâtiments en août 1687 et la prennent prisonnière. Libérée l’année suivante, de Roybon finit ses jours à Montréal. Mentionnons que l’école élémentaire publique de langue française de Kingston porte aussi son nom depuis 1995.

Élisabeth Bruyère : fondatrice de l’Hôpital d’Ottawa

Figure marquante de l’histoire féminine et religieuse de l’Ontario français, mère Élisabeth Bruyère a sa plaque de la Fiducie depuis 1995, à Ottawa.

Pendant les années 1840, Bytown (aujourd’hui Ottawa) est un village de commerce de bois d’œuvre en plein essor qui a une importante population canadienne-française, mais pas d’école catholique et peu de services sociaux. En février 1845, les Sœurs de la Charité de Montréal (dites Sœurs grises) y envoient quatre sœurs. Sous la direction d’Élisabeth Bruyère (née à L’Assomption en 1818), alors jeune femme, les sœurs établissent rapidement une école bilingue pour filles, un hôpital et un orphelinat.

Portrait d’Élisabeth Bruyère. Source : Wikimedia Commons

Elles aident les plus démunis, les personnes âgées et les souffrants, dont des centaines d’immigrants frappés par les épidémies de typhus de 1847-1848. À la mort d’Élisabeth Bruyère en 1876, les Sœurs de la Charité d’Ottawa avaient fondé d’importantes institutions locales et étendu leurs services dans seize autres collectivités au Canada et aux États-Unis.

Marie-Rose Turcot : femme de lettres

Née à Laurierville, au Québec, en 1887, Marie-Rose Turcot a déménagé à Ottawa vers l’âge de 20 ans pour travailler à la fonction publique. Plus tard, comme journaliste, elle a écrit des articles pour le quotidien Le Droit, de même que pour plusieurs autres quotidiens et hebdomadaires d’Ottawa et de Montréal, parfois sous le pseudonyme de Constance Bayard. Elle a aussi été journaliste à la station de radio francophone CKCH, à Hull, au Québec.

Dévoilement de la plaque en souvenir de Marie-Rose Turcot à Ottawa, 2005. De gauche à droite : Royal Galipeau, député fédéral d’Ottawa-Orléans; Paule Doucet, consultante en patrimoine; Clive Doucet, conseiller municipal du quartier Capitale de la ville d’Ottawa; Madeleine Meilleur, députée provinciale d’Ottawa-Vanier, ministre de la Culture et ministre déléguée aux Affaires francophones et Yves Frenette, directeur du Centre de recherche sur les francophonies canadiennes de l’Université d’Ottawa. Source : Fiducie du patrimoine ontarien.

Mme Turcot est l’autrice d’un roman ainsi que de plusieurs collections de nouvelles et de poèmes. Elle a collectionné et publié des contes folkloriques franco-ontariens, faisant figure de pionnière en la matière. Elle a œuvré au sein de plusieurs associations professionnelles et organismes culturels franco-ontariens à Ottawa, comme Le Caveau. Elle a vécu à Ottawa pendant la majeure partie de sa vie. La plaque, dévoilée en 2005, se trouve dans la Basse-Ville Est, à côté de la succursale Rideau de la bibliothèque publique d’Ottawa.

Jeanne Lajoie : héroïne contre le Règlement 17

Le 28 octobre 2008, la Fiducie du patrimoine ontarien, la ville de Pembroke et le Centre culturel francophone de Pembroke ont dévoilé une plaque provinciale commémorant Jeanne Lajoie.

Figure marquante de la Résistance franco-ontarienne contre le Règlement 17, Jeanne Lajoie est née en 1899 à Lefaivre, dans l’Est ontarien. En 1923, elle aida un groupe de parents francophones à ouvrir la première école française indépendante à Pembroke. Cette école garantissait une instruction dans leur langue à leurs enfants. La création de l’École Sainte-Jeanne d’Arc fut l’un des derniers événements majeurs de la lutte franco-ontarienne contre le Règlement 17, qui, de 1912 à 1927, interdit l’enseignement en français après la 2e année. Jeanne Lajoie enseigna dans cette école.

Dévoilement de la plaque provinciale érigée en souvenir de Jeanne Lajoie, à Pembroke, 28 octobre 2008. Lucile Tourigny, présidente du Centre culturel de Pembroke et Paule Doucet, consultante en patrimoine. Source : Fiducie du patrimoine ontarien.

D’une santé fragile depuis sa naissance, Jeanne Lajoie fut emportée par la tuberculose à l’âge de 31 ans en 1930. Par son courage, elle est à jamais restée dans les esprits sous le surnom de la « Pucelle de Pembroke », en référence à Jeanne d’Arc, pour son engagement en faveur de l’éducation en français et de la défense de la culture francophone en Ontario. Le Centre scolaire catholique de langue française de Pembroke porte également son nom.

Almanda Walker-Marchand : féministe

Almanda Walker-Marchand était la fondatrice et présidente de la Fédération des femmes canadiennes-françaises (FFCF), aujourd’hui l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne. Elle a été commémorée par une plaque de la Fiducie du patrimoine ontarien en 2018.

Née à Québec en 1868, elle déménagea avec sa famille tout d’abord à Montréal, puis à Ottawa. En 1914, quelques jours après la déclaration de la Première Guerre mondiale, Walker-Marchand encouragea un groupe de plus de 400 Franco-Canadiennes à former une organisation se consacrant à aider les soldats canadiens-français et leur famille pendant et après la guerre.

De 1918 à 1945, elles contribuèrent à soulager la pauvreté, à faire avancer la santé et l’éducation et à promouvoir la culture francophone. Durant les 32 années où Walker-Marchand en assura la présidence, la FFCF s’est étendue au-delà d’Ottawa pour former de nombreuses sections régionales dans les communautés francophones de partout au Canada.

En 1943, Walker-Marchand a été nommée officière de l’Ordre de l’Empire britannique. Elle s’est éteinte en 1949, mais le groupe a continué pour se faire le champion des droits politiques, sociaux et économiques des femmes francophones d’un océan à l’autre.

Marie Thomas d’Aquin : aider les femmes de la communauté

Enfin, la plus récente femme à avoir été commémorée par une plaque de la Fiducie du patrimoine fut mère Marie Thomas d’Aquin, en 2022.

Née Jeanne Lydia Branda, elle a grandi près de Bordeaux, en France. En 1877, la future mère Marie Thomas d’Aquin s’est sentie appelée à devenir religieuse et enseignante. En 1899, elle s’est jointe aux Sœurs dominicaines de Nancy.

Quatre membres de la congrégation religieuse catholique des Sœurs de l’Institut Jeanne d’Arc posent devant la plaque de la Fiducie du patrimoine ontarien, installée en l’honneur de leur fondatrice, en 2022. Crédit photo : Diego Elizondo.

Elle se consacra à l’enseignement et prit le nom de sœur Marie Thomas d’Aquin. Elle quitta la France et s’installa d’abord aux États-Unis, puis en Ontario. Lors de sa visite à Ottawa en 1914, elle a accepté de diriger l’Institut Jeanne d’Arc, un refuge pour jeunes femmes à la recherche d’un emploi, au travail ou aux études. Sous sa direction, l’institut a connu une croissance sans précédent et a déménagé dans un plus grand complexe de la rue Sussex. L’Institut offrait des cours, de la camaraderie, et surtout un sentiment de communauté. Sœur Marie Thomas d’Aquin a créé un nouvel ordre en 1919 : les Sœurs de l’Institut Jeanne D’Arc, la seule congrégation religieuse francophone catholique fondée en Ontario.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position d’ONFR et de TFO.