Les Franco-Terreneuviens dans l’attente après la victoire des libéraux
SAINT-JEAN (TNL) – Les libéraux sont dorénavant majoritaires à Terre-Neuve-et-Labrador. Le verdict des résultats dévoilés samedi offre au premier ministre, Andrew Furey – en poste depuis août 2020 – les coudées franches pour gouverner la province. Mais les francophones restent prudents.
« En aucun cas, on ne milite pour un parti plus que l’autre, mais travailler avec un gouvernement minoritaire, c’est toujours la crainte que nos démarches n’aboutissent pas ou que les projets meurent au feuilleton », analyse Gaël Corbineau, directeur général de la Fédération des francophones de Terre-Neuve-et-Labrador (FFTNL).
Au pouvoir depuis 2015, les libéraux de Dwight Ball étaient devenus minoritaires en 2019, ne récoltant que 20 des 40 sièges de l’Assemblée législative. La succession prise par Andew Furey en août dernier n’avait pas permis de devenir majoritaire. Il a fallu donc attendre les dix semaines de campagne électorale pour voir les libéraux obtenir les 22 députés synonymes de gouvernement majoritaire.
Pour la FFTNL, l’éducation restera le dossier principal.
« Nous avons besoin d’une deuxième école à Saint-Jean. Ça fait des années qu’on le demande. On va revenir au tapis très vite ça. On attend toujours que la décision soit prise », argumente M. Corbineau.
Dans son précédent mandat, le gouvernement libéral s’était engagé à financer ce nouvel édifice, alors que le bail actuel se termine en 2022.
D’autres projets d’infrastructure sont aussi surveillés par la FFTNL.
« Nous avons toujours le problème avec une école de langue française vieillissante, l’École Notre-Dame-du-Cap, à Cap Saint-Georges, sur la côte ouest de Terre-Neuve. Par ailleurs, on réclame toujours un gymnase pour l’École Boréale, à Happy Valley-Goose Bay. Cela pose un problème de rétention, car beaucoup de parents francophones sont ainsi tentés de mettre leurs enfants dans l’école anglophone voisine qui a de meilleures infrastructures. »
Mais la réalisation de ces projets pourrait attendre, croit M. Corbineau.
« On est en difficulté financière », exprime-t-il, en référence à la situation difficile de la province.
Fin septembre, la province avait présenté un déficit de 1,84 milliard de dollars pour 2020-2021. La raison : l’impact de la pandémie, mais aussi la crise du secteur pétrolier. Terre-Neuve-et-Labrador possède dès lors par habitant la dette la plus élevée des provinces canadiennes.
L’enjeu des finances
« La province est au bord de la faillite », analyse Stéphanie Chouinard, politologue du Collège militaire royal de Kingston, elle-même d’origine labradorienne. « Le gouvernement a mandaté Moya Greene, à la tête de l’équipe de relance économique, pour faire un état des lieux et remettre la province sur le chemin. »
Reste que pour la politologue, les libéraux n’ont pas obtenu une réelle victoire, avec les résultats dévoilés samedi. « On a vu une dégringolade entre les résultats des sondages et les résultats finaux qui étaient en deçà des prévisions. On s’attendait à une super majorité et une déconfiture des progressistes conservateurs. »
Les progressistes-conservateurs ont remporté 13 sièges, deux de moins qu’au déclenchement des élections. Le Nouveau Parti démocratique a gagné deux sièges, tandis que trois députés indépendants ont été élus.
Cafouillage électoral
Reste que la campagne a été longue et chaotique. Déclenchée le 15 janvier, elle avait connu un coup de théâtre quatre semaines plus tard, lorsque quelques heures à peine avant l’ouverture des bureaux de scrutin, le vote par correspondance avait été imposé devant une importante éclosion de COVID-19
« Des 40 élections pour élire les députées, de nombreuses vont être contestées devant les tribunaux, d’une part il y aurait eu des irrégularités, par ailleurs car la Poste a pris beaucoup de temps », analyse Mme Chouinard. « Beaucoup de bulletins n’ont pas été traduits en langue autochtone, ce qui a découragé le vote. »