Le vérificateur général par intérim, Nick Stavropoulos, a rendu public son rapport annuel qui épingle notamment le dossier de la Place de l'Ontario. La Presse Canadienne/Nathan Denette

TORONTO – Passés au crible aujourd’hui dans une série de rapports du vérificateur général de l’Ontario (VG) par intérim Nick Stavropoulos, entre autres, les soins de santé avec les fermetures des salles d’urgence dans la province, les hôpitaux aux prises avec les pénuries de personnel et de financement, ou encore la sous-évaluation des coûts du déplacement du Centre des sciences de l’Ontario aux frais du contribuable. Les réactions divergent entre le gouvernement et l’opposition.

 « L’absence d’une stratégie à l’échelle de la province pour aider les hôpitaux à prévenir les fermetures de services d’urgence, en plus des pénuries continues de personnel, continue de mettre les hôpitaux à rude épreuve », a déclaré M. Stavropoulos. Cela signifie que les patients sont moins susceptibles de recevoir rapidement des soins intensifs lorsqu’ils en ont besoin. »

« Nous avons aussi constaté qu’il y a eu plus de 200 fermetures imprévues des services d’urgence de 23 hôpitaux, surtout dans des régions rurales ou éloignées, entre juillet 2022 et juin 2023, principalement en raison d’une pénurie de personnel infirmier et de médecins », explique le rapport.

Autre fuite financière pour les hôpitaux : pour pallier ces pénuries, ceux-ci doivent embaucher du personnel infirmier d’agences à des taux horaires beaucoup plus élevés que ceux du personnel infirmier permanent. En 2022-2023, un hôpital a dépensé environ 8 millions de dollars en réponse au manque de personnel au service d’urgence, soit plus du triple des 2,4 millions de dollars dépensés en 2021-2022. 

« La province devrait collaborer avec les hôpitaux pour relever ces défis dans les services d’urgence de l’Ontario et mettre au point de nouvelles façons pour assurer un accès rapide aux soins », a affirmé M. Stavropoulos.

L’audit soulève également un temps accru d’attente aux services d’urgence, et une attente de 24 h en moyenne pour les patients qui ont besoin d’un lit, bon nombre étant traité dans les couleurs des services d’urgence faute d’espace disponible.

Le manque de personnel infirmier noté par le vérificateur général affecte le triage des patients amenés par les ambulances, retardant le retour des ambulanciers dans les collectivités pour traiter d’autres appels d’urgence.

Retardant le traitement des appels d’urgence, une visite sur cinq n’est pas urgente et résulte de la pénurie de médecins de famille ou d’accès à d’autres services.

Des versions divergentes entre l’opposition et le gouvernement

La ministre de la Santé, Sylvia Jones, légitime le recours aux agences pour les infirmières comme solution alternative et indique qu’« il est important de mettre en avant que nous voyons une réduction du recours aux agences ».

Celle-ci invoque principalement les mesures mises en place par le gouvernement pour augmenter les effectifs de formation de santé ou encore faciliter les transferts de personnel entre provinces sans lourdeurs administratives : « Nous élargissons les places et formations. Ce sont 30 000 étudiants qui sont formés pour agrandir les effectifs. »

« Ces fermetures sont temporaires », assure la ministre de la Santé. 44 millions de dollars ont été mis de côté pour leur assurer des investissements pour qu’ils gardent leurs services ouverts. Il n’y a pas eu de fermeture depuis que cette mesure a été mise en place », en référence au financement de juillet dernier pour aider les services d’urgences ruraux ontariens.

Pour la députée néo-démocrate de Nickel Belt France Gélinas, porte-parole en Santé, le rapport du VG démontre que « le gouvernement a mis les soins de santé en bas de leur liste de priorité ».

France Gélinas, députée provinciale de Nickel Belt, porte-parole en Santé du NPD. Source : Assemblée législative de l’Ontario

« Notre système de santé est complètement à l’abandon : plus de délais d’attente, des fermetures de services de santé. Ces 203 fermetures de salles d’urgence sont une honte et le fait que la ministre de la Santé l’ignore est aberrant. » Elle énonce les disparités d’accès à la santé qui ne font que se creuser dans les communautés isolées comme dans le Nord de l’Ontario.

« Le système de santé est la plus grosse responsabilité d’un gouvernement provincial, or, ce gouvernement ignore complètement ses devoirs. Son objectif est de s’assurer que les compagnies privées de santé fassent un maximum d’argent », dénonce-t-elle.

La députée, qui demande un plafonnement du tôt horaire des agences d’infirmières, explique que le recours aux agences est maintenant 25 fois plus élevé qu’auparavant : « L’argent du public sort de la santé publique pour aller dans la poche d’entreprises privées. »

Sous-évaluation financière pour le Centre des Sciences de l’Ontario

Autre pan mis en avant par le VG : le déménagement du Centre des sciences de l’Ontario et son intégration à la Place de l’Ontario, compris dans l’accord historique entre la Ville de Toronto et la province. L’Ontario analysait la semaine précédente qu’une économie de 257 millions de dollars serait réalisée sur 50 ans pour les contribuables par rapport à la rénovation de l’édifice actuel.

Or, le vérificateur général par intérim Nick Stavropoulos y a observé des manquements : « Le gouvernement a pris des décisions concernant le déménagement du Centre des sciences de l’Ontario à la Place de l’Ontario en se basant sur des renseignements relatifs aux coûts préliminaires et incomplets et sur des commentaires insuffisants de la part des principaux intervenants. »

Selon lui, n’ont pas été pris en compte : les frais de financement, de transaction et juridiques pour la construction du nouveau centre des sciences prévus dans le modèle de partenariat public-privé (PPP) par rapport aux coûts similaires associés au maintien à l’emplacement actuel, de même que les frais de stationnement plus élevés pour la réinstallation.

Sylvia Jones, ministre de la Santé, a défendu les choix du gouvernement dans la gestion des hôpitaux. Archives ONFR

Les consultations avec les intervenants clés auraient également été insuffisantes, comme les propriétaires du centre, l’Office de protection de la nature de Toronto et de la région et les grands conseils scolaires de la région du Grand Toronto (dont les élèves représentant 25% des visiteurs), pas non plus inclus.

La ministre de l’Infrastructure Kinga Sturma justifie la précipitation « pour ne pas perdre de temps, car la perte de temps est coûteuse » et nie avoir manqué de consultations : « C’est notre projet qui aura fait l’office de plus de consultations. »

« 650 millions de dollars pour le spa de luxe privé de l’argent public pour financer un spa que personne n’a demandé. Le gouvernement doit faire marche arrière », commente la cheffe du NPD Marit Stiles en conférence de presse.

« Les principales parties prenantes n’ont pas été consultées sur le déménagement du Centre des sciences, et la décision a été prise sur la base d’informations « incomplètes » et insuffisantes, motivées par la nécessité de justifier un parking financé par l’État pour une entreprise privée de spa de luxe. »

« Cela a été une année gâchée à cause de la négligence des conservateurs. La population de l’Ontario ne peut pas se permettre une autre année de cela », déclare celle-ci.