Les libéraux invincibles dans Ottawa-Vanier?
OTTAWA – Jamais battus en plus de 80 ans lors d’une élection fédérale dans Ottawa-Vanier, les libéraux partent confiants. Mais les adversaires de la députée sortante Mona Fortier espèrent bien contester cette domination, voire inverser la tendance historique.
LE CONTEXTE
Ottawa-Vanier, un château fort libéral? Le mot semble même faible, tant le parti a outrageusement dominé les dernières élections. Au provincial, les libéraux se maintiennent en place depuis 1971, sans avoir jamais connu de véritables difficultés à être réélus. Une situation très semblable au palier fédéral où la formation politique l’a toujours emporté depuis la création de la circonscription… en 1935.
Dans ces conditions, la libérale Mona Fortier partira grandement favorite. Élue pour la première fois lors d’une élection partielle en 2017, consécutive au décès du député Mauril Bélanger, l’ancienne directrice principale des communications et du développement des marchés au collège La Cité va connaître sa première élection générale.
Le parti le plus à même de contester la domination libérale reste le Nouveau Parti démocratique (NPD) si l’on se fie aux dernières élections. Pour cela, le parti de Jagmeet Singh a fait le choix de Stéphanie Mercier, infirmière à l’Hôpital Montfort. Les conservateurs de leur côté peuvent s’appuyer sur l’expérience de Joel Bernard, ancien député provincial au Nouveau Brunswick, de 1999 à 2003. Oriana Ngabirano et Paul Durst représenteront respectivement le Parti vert et le Parti populaire.
ENJEUX
À quelques kilomètres du centre-ville de la capitale, Ottawa-Vanier se démarque avant tout par ses clivages sociaux. Entre les ambassades du quartier Rockcliffe, les résidences ancestrales de la Côte-de-Sable, et les faibles revenus compilés à la criminalité dans le quartier Vanier, le contraste est saisissant. À tel point que la lutte contre la pauvreté et l’accès au logement abordable reviennent souvent dans la bouche des candidats.
La députée sortante Mona Fortier défend son bilan en la matière. « Nous avons déjà des projets concrets qui avancent et que je veux poursuivre. Par exemple, nous avons fait un partenariat avec les Bergers de l’espoir pour la construction de 42 unités de logements. Nous avons aussi construit des unités pour les anciens combattants. »
Pour l’élue libérale, l’environnement est l’autre priorité. « Il y a eu beaucoup plus d’infrastructures sur ce sujet, beaucoup d’investissements, de remplacement des systèmes d’égouts, par exemple. Ils permettent de mieux filtrer les eaux. Il y a eu aussi le développement du train léger pour répondre mieux aux changements climatiques. »
« Il y a des escrocs qui se promènent le jour ou la nuit, il faut lutter contre la criminalité », tonne de son côté Joel Bernard. « Est-ce qu’on doit lancer la serviette ou sévir? Au parti, nous proposons l’initiative de s’attaquer aux gangs de rue, de donner plus de ressources aux corps policiers, et de faire des lois sur les armes à feu. »
Le candidat conservateur aimerait stimuler la venue d’industries de fabrication dans la circonscription, et fustige par la même occasion « le silence » de Mme Fortier et de la Ville d’Ottawa concernant l’installation du refuge de l’Armée du Salut dans Vanier.
« Il faut mettre un seuil de pourcentages de logements abordables dans les nouveaux développements », laisse entendre la candidate du Parti vert, Oriana Ngabirano. « On parle de logements abordables à Ottawa, mais il y a souvent des problèmes comme des incendies. On met des gens dans des situations clairement à risque, au lieu de changer les modèles. »
Infirmière à l’Hôpital Montfort, Stéphanie Mercier côtoie aussi les difficultés sociales des résidents. « Ils vivent entre les résidences et l’hôpital bien souvent avec des problèmes de santé mentale. »
La candidate néo-démocrate insiste : outre la pauvreté et le logement abordable, l’enjeu du climat resterait primordial lorsqu’elle cogne aux portes. « Les résidents se demandent quelle planète ils vont laisser. »
La pauvreté a pour corollaire l’augmentation des opioïdes, estime pour sa part le candidat du Parti populaire, Paul Durst. « Il y a des mesures que l’on devrait prendre, comme la réduction de la quantité d’opioïdes, mais aussi des mesures punitives qui cibleraient les personnes qui distribuent ces opioïdes. »
La place du français
Avec un peu plus de 30 % de Franco-Ontariens, la circonscription d’Ottawa-Vanier reste influencée par le fait francophone. Une situation certes encore confortable, mais bien loin des années 60 ou 70 où la majorité des résidents parlaient encore le français sur le chemin de Montréal, l’artère principale de la circonscription.
Mona Fortier défend le bilan de son parti sur la francophonie. « Notre gouvernement a beaucoup investi dans les projets de la société civile. L’ACFO Ottawa et les conseils scolaires ont maintenant les ressources nécessaires pour faire avancer des projets. »
Issue des minorités visibles, Oriana Ngabirano plaide pour une francophonie plus ouverte. « J’entends que la francophonie ne semble pas nous inclure tous. Nos différences ne doivent pas être un frein au rayonnement. Il faut reconnaître qu’il y a une pluralité culturelle. »
Originaire du village francophone de Smooth Rock Falls dans le nord de l’Ontario, la néo-démocrate Stéphanie Mercier fait valoir que 50 % des votants sont francophones dans Ottawa-Vanier. Le temps pour elle de défendre aussi le programme de son chef, à l’instar du projet de loi néo-démocrate pour le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada.
Ex-vétéran et ancien employé de la fonction publique fédéral, M. Durst se montre, lui, plus évasif. « Je ne veux pas faire de différences entre les groupes communautaires. Toutes les cultures sont importantes. Il n’y a pas de traitement spécial à faire à un groupe plus qu’à l’autre. »
Enfin, Joel Bernard fait valoir avant tout son expérience. « Je suis Acadien, et j’ai été conseiller principal de Christian Paradis, ministre du Développement international et de la Francophonie sous Stephen Harper. On s’entend qu’il y a beaucoup de gens de partout, et beaucoup de richesses à cause de la diversité. Le français a toujours été important. »
À noter que tous les candidats se sont exprimés en français durant cette entrevue.
LES PRINCIPAUX CANDIDATS
Mona Fortier, Parti libéral du Canada
Joel Bernard, Parti conservateur du Canada
Stéphanie Mercier, Nouveau Parti démocratique
Oriana Ngabirano, Parti vert du Canada
Paul Durst, Parti populaire du Canada
LA CIRCONSCRIPTION EN BREF
Nom : Ottawa-Vanier
Population (2016) : 111 508
Électeurs inscrits : 86 404
Revenu médian des ménages : 48 852 $
Proportion de francophones (selon la première langue officielle parlée, déclarée au recensement de 2016) : 32,4 %
Députée sortante : Mona Fortier, Parti libéral du Canada, depuis 2017