Sur la fin de sa carrière, Linda Morais a su saisir sa dernière opportunité de représenter le Canada aux Jeux olympiques. Photo : WCL photo

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI  

Linda Morais est une lutteuse franco-ontarienne. Originaire de Tecumseh dans le nord de l’Ontario, elle a combattu dans les catégories allant de 57 à 68 kg au fil de sa carrière. 

LE CONTEXTE 

Engagée dans la catégorie 68 kg cette année, la lutteuse franco-ontarienne a obtenu sa qualification pour les Jeux olympiques de Paris lors de la dernière compétition qualificative pour l’événement, en mai dernier, en Turquie. Un moment de bonheur qui est venu conclure un début de saison difficile. Revenue d’une période de huit mois de récupération suite à une blessure au cou, Linda Morais avait vu une première opportunité de se qualifier pour les JO s’envoler lors des Championnats panaméricains au Mexique en février dernier. C’est finalement trois mois plus tard qu’elle y est parvenue.

L’ENJEU 

Linda Morais revient sur sa saison et ce tourbillon d’émotions qui l’a traversée en trois mois entre sa qualification ratée et celle obtenue, avant de se projeter sur sa préparation et les Jeux olympiques qui arrivent dans maintenant moins d’un mois. 

« Comment s’est passé votre début de saison jusqu’à la qualification olympique? 

Ce n’était pas une saison très facile pour moi. C’est la dernière année où je pensais pouvoir me qualifier du fait que j’ai déjà 30 ans et je vais en avoir 31 lorsque je serai à Paris. Historiquement, les Canadiens se qualifient lors des Championnats panaméricains. De mon côté, je me sentais très bien dans la compétition, mais j’ai fait une erreur qui m’a coûté mon tournoi. C’était une défaite difficile à accepter, parce que c’était ma meilleure chance de me qualifier. J’ai vraiment cru à ce moment-là que j’avais perdu mon rêve. Il me restait ensuite deux mois avant d’aller en Turquie pour avoir une dernière chance. 

Comment la compétition s’est déroulée en Turquie? 

Pour aborder la compétition en Turquie, j’ai changé ma mentalité. Comme j’avais eu une grosse déception au Mexique, je me suis dit que j’allais aller en Turquie dans le but de m’amuser, car les chances de me qualifier étaient minces, c’était une compétition très difficile. Il y avait déjà 13 pays qualifiés et tous les autres pays non qualifiés étaient présents pour essayer de prendre les trois dernières places dans ma catégorie de poids. 

Au lieu de me dire qu’il fallait absolument que je gagne, je me suis dit que c’était une très belle opportunité de représenter le Canada. C’était possible que ce soit mon dernier combat, donc autant rentrer sur le tapis, lutter pendant six minutes et m’amuser. Ce changement de mentalité m’a totalement enlevé la pression. Au lieu de faire des petites erreurs liées au stress, j’ai été capable de performer. Au final, c’était le meilleur tournoi de ma carrière.

Pouvez-vous revenir sur votre dernier combat contre Alexandra Nicoleta Anghel qui a déterminé la qualification olympique? 

J’avais marqué des points assez tôt dans le combat et le reste du match j’essayais juste de défendre, puisque j’avais l’avantage. Sur les 45 dernières secondes, c’était super intense. Elle faisait vraiment tout ce qu’elle pouvait pour marquer un dernier point, car il y avait 4-3. Lorsque le match s’est fini, j’ai réalisé que j’avais gagné.

C’était vraiment un sentiment incroyable, du fait que j’avais déjà vu l’autre côté, son côté à elle. Il y a une photo où je suis les bras levés et elle a les mains sur la tête et elle pleure. Je comprends vraiment ces émotions-là, parce que je les ai vécues en 2016 et en 2020, puis au Mexique. Je n’ai même pas les mots pour expliquer les sentiments procurés par cette qualification, cette fierté de pouvoir représenter son pays aux Olympiques, une chose que je n’ai jamais connue. Je suis encore très émue en y repensant. 

Linda Morais au moment où elle réalise qu’elle s’est qualifiée pour les JO 2024 à Paris. Photo : WCL photo

Quel est votre programme d’ici les Jeux? 

Je vais partir en Espagne pour une petite compétition, un tournoi pour me préparer et ensuite nous avons un stage à Saint Catharines en Ontario fin juillet avec l’équipe canadienne, puis nous partons pour Paris le 1er août. 

Quels sont les défis pour vous dans votre préparation d’un point de vue financier, devez-vous combiner le sport de haut niveau et un emploi? 

Ici au Canada, on est quand même assez chanceux, on a du support de la part du gouvernement. Par contre, ce n’est pas tant que ça. Il y en a plusieurs qui doivent travailler en même temps. Ce que je faisais l’an dernier et dans le passé, c’est de la suppléance à temps partiel. Cette année, j’ai pris la décision de ne plus travailler pour me concentrer sur les qualifications, parce que je me suis rendu compte qu’en faisant pas mal d’heures de travail l’année dernière, mes performances en ont souffert. 

Je voulais vraiment me concentrer sur ma préparation pour me dire, quoi qu’il arrive j’aurais vraiment tout fait pour me qualifier. Après ma qualification, j’ai commencé à vendre des gilets pour participer au financement de ma préparation. Ça me fait bizarre de demander de l’aide. 

Cette vente vous a permis de vous rendre compte du soutien que vous aviez…

Oui, j’ai vendu 345 gilets. C’est vraiment cool de voir tout ce monde qui veut me supporter, qui veut m’encourager. Souvent, quand on se prépare pour les tournois, on ne réalise pas vraiment combien de personnes sont en train de suivre notre carrière. Pour les Jeux olympiques, c’est vraiment important de sentir cette énergie positive venant de tout ce monde. 

Quel sentiment vous procure le fait de pouvoir représenter le Canada aux Jeux olympiques, en plus à Paris? 

C’est vraiment de la fierté. J’ai hâte d’avoir une dernière opportunité de représenter le Canada. C’est quelque chose de spécial d’être sur le tapis, c’est comme une plateforme. C’est encore plus spécial que ce soit en France, comme je parle français, c’est différent d’un autre pays où je ne parle pas la langue et où il peut y avoir une barrière. J’en discutais avec un coéquipier, qui lui aussi a raté la qualification il y a quatre ans, et on se disait que c’était presque une bonne chose d’avoir raté la dernière et d’avoir réussi celle-ci. Paris va vraiment être spécial comparé à Tokyo, où malheureusement, avec la pandémie, il y avait beaucoup de restrictions. 

Comment jugez-vous vos chances de médaille? 

J’ai déjà battu des filles qui ont eu des médailles aux Championnats du monde. La fille qui a obtenu le bronze à Tokyo, je l’ai battue en 2022. J’ai confiance en mes habiletés, j’ai déjà lutté contre les meilleures du monde et c’était des combats très proches, donc je sais que je peux viser une médaille aux Jeux. Tout dépendra de ma mentalité. Si je suis capable d’entrer sur le tapis pour m’amuser et que je ne laisse pas la pression et le stress m’envahir, je peux le faire. »