Livres francophones dans les bibliothèques de Toronto : la consultation reportée en février

Une succursale de la Bibliothèque publique de Toronto. Source: torontopubliclibrary.ca

TORONTO – Près de deux ans après le scandale du retrait de milliers livres francophones dans les bibliothèques de Toronto, la consultation publique promise n’a toujours pas été lancée et des difficultés d’accès à la documentation en français sur le site internet de l’organisme persistent. Même si plusieurs avancées ont été observées, notamment à travers la réintroduction de livres et de bandes dessinées pour adultes en français, il reste encore beaucoup à faire pour valoriser des œuvres francophones proposées.

En janvier 2020, la porte-parole de la Bibliothèque publique de Toronto (TPL), Ana-Maria Critchley, avait confirmé la fermeture de plusieurs sections francophones au sein du réseau. 26 000 livres en français avaient été retirés des tablettes, soit 18 % de la collection francophone des bibliothèques à l’époque.

Dans un courriel envoyé à ONFR+, elle avait précisé que « nous avons terminé un processus de révision de trois ans de nos collections francophones et multilingues et nous allons retirer du matériel et fermer certaines collections en raison de leur faible utilisation ».

Sous la pression conjuguée des plaintes de la communauté francophone torontoise et de l’action répétée de l’Association des communautés francophones de l’Ontario à Toronto (ACFO-Toronto), le réseau des bibliothèques avait décidé d’infirmer sa décision et d’investir davantage sur le contenu francophone.  

« Malheureusement, nous sommes encore au même point pour l’instant. Il y a une consultation qui avait été prévue en 2020, mais, à ce jour, rien n’est fait. Nous sommes conscients que la COVID-19 a retardé le processus, mais, il serait bien que la bibliothèque tienne ces promesses et qu’elle consulte la communauté », déplore Serge Paul, président de l’ACFO-Toronto.

Serge Paul, président de l’ACFO-Toronto. Archives ONFR+

Céline Marcoux-Hamade, ancienne spécialiste des services en français pour TPL, estime que l’« on comprend très bien les défis liés à la pandémie et la complexité de la situation. Tout de même, je crois vraiment qu’il y aurait pu avoir un sondage pour commencer les discussions avec la communauté francophone et francophile ».

D’après elle, en dehors de la consultation, le réseau des bibliothèques de Toronto avait promis une meilleure représentation du français sur son site internet qui n’a toujours pas été réalisé à ce jour. En ce mois d’octobre, mois des bibliothèques canadiennes, l’institution torontoise fait par ailleurs la promotion de ses livres uniquement en anglais sur les réseaux sociaux.

« Ils auraient pu entamer une discussion et il n’y a rien » – Céline Marcoux-Hamade

« Cela fait quand même presque deux ans. Je sais qu’il travaille sur cela, mais je trouve qu’ils ont pris beaucoup de temps. Ils auraient pu avoir quelque chose sur le site et demander aux gens leurs impressions. Ils auraient pu entamer une discussion et il n’y a rien », estime Céline Marcoux-Hamade.

TPL nous a laissé savoir qu’à cause de la COVID-19, la consultation a effectivement été retardée, mais l’organisme compte la faire au printemps 2022.

Des avancées notables dans les derniers mois

Depuis l’annulation de la décision de suppression des livres francophones, la bibliothèque a beaucoup investi dans ses collections jeunesse francophones.

Soixante-seize des 100 branches du réseau ont des collections enfants en français. Ces collections proposent une gamme complète de formats comprenant des livres cartonnés, des livres d’images, des livres d’images avancés, des lecteurs débutants, des lecteurs faciles, de la fiction, de la non-fiction, des livres graphiques et des kits. Il existe également des collections de DVD dans 26 succursales.

En dehors de l’augmentation de l’inventaire francophone de 10 % depuis janvier 2020, l’organisme a augmenté le budget alloué aux collections de livres francophones. Ce dernier est passé à 184 450 $, soit une augmentation de 70 000 $ par rapport au budget de 2019.

Céline Marcoux-Hamade, ancienne responsable des services en français, aux bibliothèques de Toronto. Gracieuseté

« Nous avons également augmenté le nombre de livres numériques et audios en français pour enfants disponibles sur notre plateforme Cantook Station. Enfin, nous avons rencontré des représentants des librairies jeunesse françaises locales et explorons ensemble comment ils peuvent participer à la constitution des collections », ajoute Michele Melady, gestionnaire du développement des collections.

Pour Céline Marcoux-Hamade, ces nouveaux ajouts constituent un avantage pour la communauté francophone qui peine à avoir accès à des ressources numériques en français.

« Quand la pandémie a commencé, il y a eu très grand effort pour augmenter le nombre de livres électroniques disponibles sur le site de la bibliothèque de Toronto à la fois pour les adultes, les adolescents et les enfants », s’exalte-t-elle.

Poursuivre le travail avec la communauté francophone sur le long terme

Pour Serge Paul, TPL aurait tout à gagner à créer des liens avec la communauté francophone de Toronto.

« Il y a beaucoup de choses qui pourraient être faites si TPL travaillait plus étroitement avec la communauté francophone. Depuis quelques années, l’organisme s’est doté d’un service en français censé assurer la promotion des collections francophones. Je suis certain que si ce service était mieux financé et il augmentait son nombre d’activités, il y aurait une plus grande utilisation des livres francophones de la bibliothèque », explique-t-il.

Selon lui, la bibliothèque devrait mettre sur pied une démarche proactive au lieu d’attendre que les francophones viennent prendre les livres par eux-mêmes.

Pour Céline Marcoux-Hamade, il est de la responsabilité des membres de la communauté francophone de Toronto de s’impliquer et de demander l’accès aux ressources en français de la bibliothèque.

« Si la communauté francophone et francophile n’utilise pas les services offerts par les bibliothèques, il y a toujours un risque que ces services soient coupés ou réduit. On a vu ce qui s’est passé en janvier 2020, la baisse d’utilisation à engendrer la réduction des services francophones. Donc si vous ne trouvez pas un livre que vous cherchez à la bibliothèque, faites-en la demande », exhorte-t-elle.