Langues officielles : Théberge « soulagé », journée « historique » pour Petitpas Taylor

Raymond Théberge et Ginette Petitpas Taylor.
La ministre Ginette Petitpas Taylor et le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge. Montage ONFR+

OTTAWA – Quelques heures après l’adoption du projet de loi C-13 au Sénat, la ministre Ginette Petitpas Taylor se dit « émue et pleine d’émotions » alors que le commissaire aux langues officielles voit cela comme un soulagement.

La Chambre haute a adopté hier la réforme de la Loi sur les langues officielles (LLO). La sanction royale devrait être obtenue dans les prochains jours, ce qui officialisera la modernisation de cette Loi, la plus importante depuis 1988. Ça faisait près de six ans que les minorités francophones d’un bout à l’autre du pays demandaient son adoption. Elle avait été promise à ces derniers pendant près de six ans par les libéraux, notamment pendant deux campagnes électorales.

« En tant qu’Acadienne du Nouveau-Brunswick qui habite dans une communauté de langue officielle, hier, j’étais vraiment émue et pleine d’émotions d’avoir franchi cette étape-là… Ça n’a pas été facile, mais aujourd’hui je suis pas mal contente du travail qu’on a accompli et qu’on va continuer à accomplir », a affirmé la ministre Petitpas Taylor, ajoutant qu’il s’agit d’une « réforme historique ».

Elle souligne qu’il reste du travail à faire comme l’adoption de décrets et de règlements qui vienderont clarifier certaines parties de la nouvelle LLO. Une grande partie de la Loi sur les langues officielles entrera bientôt en vigueur, mais l’entièreté de celle-ci commencera seulement à voir le jour dans deux ans.

Le commissaire aux langues officielles voit un nouveau jour pour la francophonie canadienne avec un régime linguistique « plus robuste, plus fort et plus axé sur les besoins sur les communautés ».

« C’est un soulagement parce qu’on arrive à la fin de la ligne d’arrivée finalement. C’est le temps parce que lorsqu’on l’examine l’aménagement linguistique, on constate qu’il y a énormément de défis non seulement au niveau de la conformité, mais aussi au niveau de la fragilité de nos communautés », a-t-il affirmé vendredi matin.

« On doit absolument minimiser les délais et passer à l’action le plus rapidement possible », le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge.

Raymond Théberge et son bureau se retrouveront avec une panoplie de nouveaux moyens. Il pourrait distribuer des amendes financières (jusqu’à 25 000 $), conclure des ententes de conformité ou faire des ordonnances plutôt que de juste formuler des recommandations comme à l’heure actuelle.

Pour le moment, il n’aura pas tous ces pouvoirs, car ils doivent venir par décret ou par règlement. Mais dès l’obtention de la sanction royale, le Commissariat aux langues officielles pourrait conclure des ententes de conformité et émettre des ordonnances.

« On doit absolument minimiser les délais et passer à l’action le plus rapidement possible, car le temps n’est pas nécessairement notre ami pour le développement des communautés », souhaite-t-il.

Il ajoute que ça fait plus d’un an que son bureau se prépare à ce jour et qu’il présentera bientôt un plan dans ce sens.

Les réactions

Pour la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), qui représente les francophones hors Québec, c’est « un moment historique et un grand pas en avant vers l’égalité réelle du français avec l’anglais ».

« C’est une journée qu’on vit avec beaucoup d’émotion, un immense sentiment d’accomplissement et surtout une fierté indescriptible pour un réseau francophone qui s’est tenu debout et qui a porté ce dossier avec détermination et persistance », a déclaré sa présidente Liane Roy.

Liane Roy, la présidente de la FCFA Source : compte Twitter Liane Roy

Pour l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), c’est un « message clair » qui vient d’être envoyé concernant le statut de la langue française au pays.

« Je me sens joyeux et heureux. C’est justement une démonstration que le travail qu’on fait n’est pas en vain. On voit l’aboutissement d’un travail dont tout le monde a mis l’épaule à la roue », soutient le président de l’AFO, Fabien Hébert.

Même si son parti a voté en faveur et qu’il considère cela comme une avancée, le conservateur Joël Godin considère qu’on a « accouché d’une souris ». Le fait que le Conseil du Trésor ne soit pas mentionné comme l’unique agence chargée de mettre en application la LLO et le fait qu’Ottawa n’aura pas à dénombrer le nombre d’ayants droit déçoit le député de l’opposition.

« Si on ne met pas des mesures supplémentaires, j’ai de la misère à croire que le français sera aussi présent au Canada dans 25 ans. »

La néo-démocrate Niki Ashton a souligné le combat des communautés francophones « qui se sont battues pour une loi modernisée pendant des décenies ».

« Ce moment historique leur appartient. Le temps pour le gouvernement d’agir pour le soutien de la francophonie est maintenant. »

Le député de la seule circonscription à majorité francophone de l’Ontario, Francis Drouin, souligne que le projet de loi permettra l’arrivée de plus d’immigrants francophones dans les communautés du pays, ce qui « renforcera l’accès au quotidien à des services en français ».

« J’ai de la misère à avoir une place en garderie en français et je suis dans un contexte majoritaire (dans l’Est ontarien), à cause du manque de ressources (…) Comme papa, je regarde mon petit gars et je me dis ‘’wow, il va pouvoir avoir une chance de vivre en français’’ encore plus maintenant. »

Le Bloc Québécois voit d’un bon œil l’adoption du libellé pour les francophones hors du Québec, mais veut que « les bottines suivent les babines » quand le fédéral reconnaît qu’il doit en faire plus pour protéger le français.

« On a fait un pas dans la bonne direction (pour le français au Québec) pour les entreprises de compétence fédérale et pour des principes asymétriques dans la Loi, mais on va devoir travailler à partir de ça pour aller plus loin pour s’assurer que la politique linguistique fédérale cesse de nuire au français au Québec », commente son député Mario Beaulieu.