Main-d’œuvre recherchée dans Prescott et Russell

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La main-d’œuvre se fait rare dans Prescott et Russell. La situation n’est pas propre à la région, mais elle est accentuée par des circonstances particulières. Pour y répondre, plusieurs solutions sont mises en place.

Voilà près d’un an et demi que la Résidence Prescott et Russell, à Hawkesbury, est à la recherche d’infirmiers et d’infirmiers auxiliaires. Au total, six à huit postes sont à combler.

« On affiche partout où on peut, on va dans les foires à l’emploi… On finira par trouver, mais en attendant, notre personnel fait face à une surcharge de travail », explique Alexandre Gorman, l’administrateur de cette maison de soins de longue durée de 144 lits, gérée par les Comtés unis de Prescott et Russell.  

Quelques kilomètres à l’ouest, à St-Isidore, le constat est le même au sein des entreprises Bercier, spécialisées dans les grandes cultures et le criblage.

« Nous avons fait l’acquisition d’une machine, il y a quelques années, pour plusieurs milliers de dollars. Mais pour la faire fonctionner, on doit passer par la compagnie qui nous l’a vendue et cela nous coûte très cher. On ne trouve pas d’employé suffisamment qualifié », note la gérante de cette entreprise familiale d’une dizaine d’employés, Karine Bercier. « La technologie est de plus en plus importante pour être plus productifs dans notre domaine. Nous sommes en réflexion actuellement, car on doit changer certaines machines. C’est une grosse décision d’investissement, mais si on n’a personne pour les utiliser, est-ce que ça vaut la peine? Pourtant, cela nous donnerait des perspectives de croissance. »

Un problème qui empire

Les exemples similaires sont nombreux dans la région, explique le maire de la municipalité de La Nation, François St-Amour.

« C’est quelque chose qu’on entend souvent de la part des entreprises locales. »

Une réalité que confirme la directrice du Centre de Services à l’emploi Prescott-Russell (CSEPR), Caroline Arcand.

« C’est surtout la main-d’œuvre qualifiée qui manque, et ce, dans tous les domaines. Et ça s’est empiré ces dernières années », note-t-elle, citant un rapport de la Commission de formation de l’Est ontarien, de 2016, dans lequel, sur 140 entreprises de Prescott et Russell interrogées, 52 % disaient avoir des problèmes de recrutement.

La directrice du Centre de Services à l’emploi Prescott-Russell (CSEPR), Caroline Arcand. Source : CSEPR.ca

L’impact est double, poursuit Mme Arcand : la pénurie nuit à la capacité de croissance des entreprises et menace la survie de certaines et elle pénalise la population.

« Par exemple, on avait un Tim Hortons qui ouvrait 24h sur 24, mais qui a dû diminuer ses heures d’ouverture faute de personnel. »

L’agriculture concernée

Dans une région aussi agricole que Prescott et Russell, où fermes laitières, avicoles et productions de grandes cultures céréalières sont nombreuses, le secteur est tout aussi affecté.

Gestionnaire du développement économique et touristique de la municipalité de La Nation, Benjamin Bercier a fait un état des lieux, en combinant les informations du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales et du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (CCRHA).

Une ferme laitière dans l’Est ontarien. Archives ONFR+

« Il y avait 270 fermes au total dans La Nation, en 2016. D’ici 10 ans, toutes auront une pénurie de main-d’œuvre qui va directement affecter leur opération », résume-t-il.

Selon ses projections, il manquera 254 emplois agricoles dans La Nation, d’ici 2029.

Une région plus touchée

Dans Prescott et Russell, le problème de main d’œuvre est exacerbé par plusieurs particularités.

« Nous cherchons du personnel bilingue, ce qui rend les choses encore plus difficiles, d’autant qu’on ne peut pas faire venir d’infirmières du Québec pour des questions de permis », indique M. Gorman.

La proximité de la capitale nationale, où les salaires sont attrayants, a également un impact.

« La proximité de Montréal et d’Ottawa est un défi supplémentaire », juge Mme Arcand. « De plus, on fait face à l’exode des jeunes qui, comme il n’y a pas d’institutions postsecondaires permanentes dans la région, partent étudier ailleurs, trouvent un travail et reviennent rarement. »

Des initiatives ciblées

Loin de baisser les bras, le CSEPR a mis en place plusieurs mesures pour contrer le phénomène.  Dans le domaine de la santé, par exemple, une subvention provinciale permettra de former 30 préposés aux services de soutien personnel, ce qui devrait répondre à la demande, selon M. Gorman.

« Pour les infirmiers, la province et l’Ordre [des infirmières et infirmiers de l’Ontario] pourraient faciliter le processus de transfert des permis du Québec vers l’Ontario », lance-t-il.

Autre solution : l’immigration. Le choix d’Hawkesbury comme communauté francophone accueillante, en juin dernier, ouvre des perspectives. À l’automne dernier, le CSEPR a envoyé une délégation à Paris et Bruxelles pour rencontrer des candidats potentiels.

« On a amassé 400 curriculums vitae sur place, puis on en a reçu de 300 à 400 supplémentaires par le bouche-à-oreille. Actuellement, on les décortique pour aiguiller ces personnes vers des employeurs », explique Mme Arcand, qui rapporte l’installation d’une quarantaine de nouveaux arrivants dans Prescott et Russell depuis un an.

Pour retenir les jeunes dans la région, le CSEPR a également déployé, en permanence, un conseiller en emploi dans chaque école secondaire pour sensibiliser les jeunes aux métiers. Et pour ceux qui veulent poursuivre leurs études postsecondaires, une bourse est disponible à condition de revenir travailler dans la région une fois diplômés.

Ces mesures seront-elles suffisantes? Le défi est grand, reconnaît Mme Arcand.

« On a annuellement entre 300 et 400 postes à combler, et ce, sans compter les affichages directement faits par les employeurs. Mais on veut faire savoir qu’il y a beaucoup de belles possibilités professionnelles dans Prescott et Russell. »