Manifestation monstre dans les rues de Toronto contre le racisme anti-noir

Des milliers d'Ontariens scandent «Justice pour Regis», ici dans la rue Bloor. Crédit image Rudy Chabannes

TORONTO – Des milliers de personnes sont descendues dans la rue, ce samedi, pour clamer leur indignation face aux drames de Minneapolis et de Toronto. À deux jours d’intervalle, deux personnes de couleur noire ont perdu la vie : George Floyd, un Américain de 46 ans, et Regis Korchinski-Paquet, une Canadienne de 29 ans. Une situation qui révolte dans la francophonie plurielle.

« Ça m’a enragée », lâche Karelle Sikapi. Depuis qu’elle a visionné la vidéo amateure où l’on voit George Floyd, un Afro-Américain de 46 ans, s’asphyxier sous la pression du genou d’un policier, lors d’une interpellation qui dérape à Minneapolis, dans le Minnesota, la présidente de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) ne décolère pas.

« Ça fait mal à la communauté noire et à toutes les autres communautés », renchérit Julie Lutete. La présidente de la Coalition des Noirs de l’Ontario a, elle aussi, vécu la mort de George Floyd comme un coup de poignard.

Elle dénonce « une méthode pour tuer », « un crime commis non pas par un seul policier, mais aussi par ceux qui étaient témoins de la scène et qui pouvaient empêcher que ça arrive ».

Les militantes franco-ontariennes Karelle Sikapi, Julie Lutete et Christine Dikongué. Montage ONFR+

Deux jours après la tragédie de Minneapolis, le décès de Regis Korchinski-Paquet a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Plusieurs milliers d’Ontariens ont défilé du parc Christie Pits au quartier général de la Police de Toronto, au cri de Justice pour Regis. Parmi eux, Karelle Sikapi.

« Je ne pouvais pas rester à la maison » – Karelle Sikapi

« Après George Floyd, tous les mystères qui entourent la mort de Regis Korchinski-Paquet, c’était trop », raconte l’étudiante d’Ottawa. « Je ne pouvais pas rester à la maison. Il fallait que je parte. »

Elle souhaite que la lumière soit faite rapidement sur les conditions dans lesquelles Regis Korchinski-Paquet a perdu la vie.

La chute mortelle, mercredi, de cette Torontoise du 24e étage d’un immeuble reste en effet à élucider. Rien n’indique que la police, présente sur les lieux, soit à l’origine du drame. Mais rien n’indique l’inverse. Une enquête de la police des polices est en cours pour en déterminer les circonstances.

Des manifestants dans la rue Bay. Crédit image : Rudy Chabannes

Ces deux drames, coup sur coup, font dire à Julie Lutete que « le rôle de la police est de protéger et de porter assistance, mais la perception est toute autre ». Elle soutient avec vigueur ce mouvement populaire à l’initiative du collectif Not Another Black Life contre le racisme anti-noir et veut que la police se montre exemplaire.

« Le problème se trouve au niveau de la hiérarchie » – Julie Lutete

« Le problème se trouve au niveau de la hiérarchie, des responsables qui ferment les yeux. Le policier qui a interpellé George Floyd avait 17 plaintes contre lui mais il n’a jamais été inquiété », regrette-t-elle. « Imaginez toutes les victimes dont on n’a pas entendu parler, car elles n’ont pas été filmées. »

De nombreux soutiens, toutes communautés confondues. Rudy Chabannes

Christine Dikongué est abasourdie par ces tragédies et espère que cela ne restera pas sans lendemain.

« Ça doit nous pousser à ouvrir les yeux et nous structurer entre nous pour abattre les injustices. On vit de la discrimination dans l’emploi, dans la rue, partout, et la pandémie a accentué ces injustices », dénonce la directrice nationale à la Chambre de commerce noire du Canada.

« Avant d’appeler la police, on y pense à deux fois » – Christine Dikongué

« On doit profiter de ce mouvement populaire pour influencer les politiques anti-raciales et obtenir la protection que tout citoyen est en droit d’attendre de la police », croit-elle.

« Quand les gens se lèvent contre le racisme, ça produit des résultats », complète Julie Lutete. « Aux États-Unis, le policier a été arrêté et inculpé. Les réactions populaires valent la peine quand les faits sont flagrants. »

Un cycliste et son porte-bagages explicite : Racisme=stupidité. Crédit image : Rudy Chabannes

« On n’est pas à l’abri du racisme au Canada, pas plus qu’aux États-Unis », rappelle, lucide, Karelle Sikapi. « Je crois qu’il faut rester vigilant. Il y a du racisme ici et des inquiétudes de la communauté noire par rapport à la police en général. »

« Avant d’appeler la police, on y pense à deux fois. C’est frustrant. Il faut rééduquer les policiers, que la police regarde ce qui ne marche pas dans son système et fasse place à plus de diversité dans ses rangs », réclame pour sa part Christine Dikongué.