Marit Stiles, nouvelle cheffe du NPD de l'Ontario.
Marit Stiles, nouvelle cheffe du NPD de l'Ontario, dans les couloirs de Queen’s Park. Crédit image: Sandra Padovani

TORONTO – La nouvelle cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, Marit Stiles, s’est entretenue en toute transparence avec ONFR+ sur ses priorités et ses objectifs, à la veille d’une rentrée parlementaire qui s’annonce prolifique pour son parti. Au menu, des sujets controversés en Ontario : la protection de la Ceinture de verdure, la pénurie de l’emploi, la crise du système de santé ou encore les travailleurs en éducation. Le style Marit Stiles, c’est un peu « une main de fer dans un gant de velours », une détermination et une fermeté implacables mais un côté humain, qui se veut au plus proche des Ontariens.

« Quelle est votre priorité immédiate?

Pour l’heure, le plus important est la transition. Nous voulons me présenter aux Ontariens, qui ne me connaissent pas encore, rencontrer le plus de personnes possible. Je veux m’établir comme un leader qui peut diriger cette province, quelqu’un qui peut tenir tête à M. Ford, c’est certain. Mais aussi, comme quelqu’un qui trouve les solutions que recherchent les Ontariens.

L’environnement est un de vos thèmes forts. Sur quelles mesures concrètes envisagez-vous de vous battre?

Le gouvernement actuel recule massivement en ce qui concerne la protection de l’environnement. Un problème qui préoccupe bon nombre d’Ontariens, partout dans la province, est la préservation de la Ceinture de verdure.

Trois raisons à cela : la première est qu’il s’agit de terres sensibles écologiquement et importantes, mais ce sont aussi des terres qui ont été protégées afin que nous puissions atténuer l’impact du changement climatique. Enfin, il s’agit d’une grande partie de nos terres agricoles, absolument essentielles pour cultiver notre propre nourriture de proximité.

L’annulation par le gouvernement d’un grand nombre de contrats d’énergie renouvelable est un grand pas en arrière. Je veux amener le gouvernement à revenir sur certaines de ses décisions. Lors de la dernière élection, nous avons présenté le nouveau pacte démocratique vert qui propose des mesures importantes, mais également des opportunités. Nous devons cesser de voir le changement climatique comme limitant, mais plutôt comme l’occasion de bâtir et de créer de nouveaux emplois pour les Ontariens.

Quel serait votre plan d’action pour l’emploi, si vous étiez au pouvoir?

C’est une question très importante parce que tant de crises auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui concernent en fait les ressources humaines, que ce soit dans le secteur de la santé – attendre de 8 à 12 heures dans une salle d’urgence n’est pas normal – ou dans l’éducation – plus de 40 enfants dans une classe, ce n’est pas normal non plus – ou dans de nombreux autres secteurs.

« Si nous ne commençons pas à payer et à traiter les gens correctement, nous n’allons pas attirer vers les emplois qui souffrent de pénurie » – Marit Stiles

Il y a un lien de causalité direct avec les prises de décision du gouvernement. Le projet de loi 124 (gel des salaires dans le secteur public), a eu un effet dévastateur à un moment où les gens sortaient déjà de la pandémie, se sentant davantage pressurisés.  

Si nous ne commençons pas à payer et à traiter les gens correctement, nous n’allons pas attirer vers les emplois qui souffrent de pénurie. Nous devrons également encourager une main-d’œuvre à venir avec les compétences pour des métiers à pourvoir en Ontario. Il nous faut un plan en ce sens, à commencer par arrêter de nous battre pour garder le salaire des infirmières bas.

Quelle est votre vision de l’état actuel du système de santé?

Notre système de santé fait face à une crise. Ces étapes initiales du gouvernement vers le secteur privé (opérations de cataracte, hanches, genoux, etc.) semblent anodines mais l’impact sur notre système sera grand. Cela seul poussera plus de travailleurs en santé hors des hôpitaux vers le secteur privé où les conditions de travail sont plus favorables. Cela signifie que les personnes qui se retrouvent avec des conditions graves dans nos hôpitaux ne recevront pas le traitement dont elles ont besoin.

Un responsable d’établissement de santé publique me disait qu’ils sont tous très inquiets à ce sujet parce qu’ils savent que ces cliniques privées essaieront de débaucher, d’attirer leur personnel, alors qu’ils ont déjà du mal à recruter. Ces mêmes travailleurs dont le gouvernement essaye de garder le salaire au minimum.

Les solutions se trouvent dans l’investissement dans le secteur public : concentrer l’argent dans les soins directs aux patients, entreprendre et innover, aborder la crise des soins de santé dans nos hôpitaux et y améliorer la rémunération et les conditions de travail. Nous n’allons pas attirer de travailleurs d’autres pays ou d’autres provinces du Canada à moins que nous ne réglions ces points chez nous d’abord. Ce que j’attends avec impatience, c’est aller sur le terrain et écouter des travailleurs de première ligne qui ne sont pas entendus.

Quelle est votre approche en matière d’éducation, et concernant les revendications des travailleurs en éducation?

J’ai été porte-parole en matière d’éducation pendant quatre ans pour le parti et conseillère scolaire. C’est donc une question qui me passionne et un autre domaine dans lequel je pense que les gouvernements n’ont vraiment pas investi correctement. Alors que nous nous dirigeons vers une autre ronde de négociation, le gouvernement commence à faire des menaces. Il ne s’assied pas pour négocier, il veut prendre un raccourci et imposer une solution. Cela nous a conduits à des fermetures et à des perturbations pour nos enfants.

Que ferais-je différemment? Simplement, je négocierais. Nous devons écouter et franchir les étapes pour arriver à une solution. De plus en plus, les conseils scolaires éprouvent de la difficulté à trouver du personnel. Nous savions depuis longtemps qu’il y avait une crise de l’éducation francophone dans cette province, mais maintenant nous voyons cette crise à tous les niveaux des emplois dans le secteur de l’éducation. Nous devons mettre de vraies ressources dans les écoles et régler certains des problèmes d’équité en matière d’éducation en soutenant les élèves qui ont des besoins spéciaux.

Marit Stiles, le jour de son élection officielle en tant que cheffe du NPD de l’Ontario. Source : Twitter NPD Ontario

Comment voyez-vous l’avenir du bilinguisme en Ontario et comment comptez-vous protéger la francophonie?

Il s’agit d’une population croissante dans notre province. Je suis très consciente de cela et nous avons des membres du caucus qui sont franco-ontariens, francophones, très conscients de la nécessité de protéger des droits linguistiques, le soutien dans les services en français dans notre province. Le gouvernement a fait de graves faux pas et j’ai entendu ces quatre dernières années une peur constante au sein de la communauté.

« Nous avons une grande responsabilité, celle de protéger les droits linguistiques des minorités » – Marit Stiles

En tant que province, en tant que gouvernement, nous avons une grande responsabilité, celle de protéger les droits linguistiques des minorités. Cela signifie comprendre qu’en investissant davantage nous devons franchir cette étape supplémentaire.

Il s’agit d’une communauté en croissance qui offre de nombreuses possibilités d’attirer plus de personnes dans notre province. Je suis vraiment contente que notre caucus ait des leaders francophones forts parce qu’ils nous rappellent chaque jour le besoin unique et important de cette communauté.

Réformer le système électoral est-il toujours une priorité?

Absolument! La démocratie et les réformes sont en tête de liste de mes priorités et l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de me présenter en tant que cheffe de l’opposition officielle NPD, c’est parce que j’étais très inquiète par le faible taux de participation aux dernières élections, des chiffres historiquement bas.

Si les gens ne votent pas, c’est qu’ils ne pensent pas que leur vote compte, parce que le gouvernement leur dit que ce qui se passe est normal et que nous ne pouvons pas faire mieux. La réforme électorale est donc un élément important pour s’assurer que les voix et les valeurs réelles des gens se reflètent dans les résultats des élections.

Qu’est-ce qui vous différenciera d’Andrea Horwath? Quelle est votre propre signature?

J’espère apporter une nouvelle énergie et de l’enthousiasme pour ce rôle. J’espère que je pourrai me connecter à de nouveaux groupes de personnes et les amener à rejoindre notre mouvement. Nous avons un gros travail devant nous sur les trois ans et demi à venir mais nous sommes sans aucun doute le parti le mieux placé pour former un gouvernement, battre Doug Ford et en faire plus pour les gens de cette province. Les Ontariens comptent sur nous.

Chaque jour, des gens me surprennent quand je marche dans la rue en me demandant de ne pas changer. J’ai l’impression que les gens comptent sur moi et sur notre équipe. Comme je n’ai pas toutes les réponses, et je n’ai pas peur de le dire : je veux entendre ce que les Ontariens ont à dire. Je veux m’assurer qu’on ne s’oppose pas toujours mais qu’on propose aussi de nouvelles solutions.

J’ai la conviction que nous pouvons former un gouvernement en trois ans et demi et donc l’idée que nous pourrions réellement faire certaines de ces choses auxquelles nous pensons depuis tant d’années est assez excitante. »