Mimi O'Bonsawin s'est inspirée du territoire du Nord de l'Ontario pour l'album Boréale. Gracieuseté

RENFREW – Mimi O’Bonsawin a lancé son premier album complet en français le 29 septembre. Le titre, Boréale, rappelle les aurores, la forêt et le territoire du Nord de l’Ontario qui l’a vue grandir. ONFR l’a rencontrée pour parler de ce projet significatif.

Mimi O’Bonsawin compte six albums précédents, dont l’EP Elle danse, paru en 2020. Composer en français, un défi personnel, lui a fait découvrir un « autre outil d’expression créative ».

Et il y avait une demande. « Ma communauté à Sudbury m’a toujours encouragée et demandé de composer en français. J’ai commencé à collectionner des chansons, jusqu’à ce que j’en aie assez pour faire un album. »

Mimi O’Bonsawin est fière d’être une artiste bilingue, francophone et autochtone. Gracieuseté

Boréale est paru quelques mois après Willow, son plus récent opus anglophone.

À la maison

Mimi O’Bonsawin et son conjoint Ryan Schurman possèdent un studio d’enregistrement dans leur salon, ce qui donne un aspect coconnage aux albums.

« Vivre avec l’album. Cuisiner avec l’album. Faire pousser mes semences avec l’album. On a pu vraiment juste s’isoler dans la création », explique l’artiste. « Ce sont de vrais moments qui ont été vécus dans le studio. Il n’y a rien de fake. »

Mimi O’Bonsawin en spectacle au Bluesfest d’Ottawa 2023. Crédit image : Laura Collins

Le couple a quitté Toronto il y a trois ans pour s’installer dans cette maison en forêt, dans l’Est ontarien. « Ça fait du bien d’être capable de vivre dans un endroit silencieux, isolé, et de pouvoir voyager pour nos spectacles. »

L’inspiration de Boréale vient du nord, mais la forêt de l’est a servi de rappel. « Ça me fait beaucoup penser à ce territoire-là. C’était facile de tirer ces influences et ces textures pour l’album. »

En famille

Mimi O’Bonsawin a aimé voir son mari anglophone travailler sur l’album en français. En plus, la pochette de Boréale est une création de Carole Diotte-O’Bonsawin, la mère de Mimi. Et les chansons lancent des clins d’œil posthumes à son grand-père Raymond Émile et à son cousin Mario.

« Quand j’écris en français, c’est vraiment connecté à ma famille et à mon chez-moi », analyse l’artiste. « C’est arrivé naturellement et je l’apprécie beaucoup. »

La pochette de Boréale, oeuvre de Carole Diotte-O’Bonsawin. Gracieuseté

Les membres de sa famille ont une réaction émotive à l’album, entre autres pour la chanson Dis-moi ce que tu vois. « Perdre mon cousin a été extrêmement difficile. La musique était toujours là pour moi. C’est une chanson qui exprime le chagrin, mais aussi la gratitude d’avoir connu quelqu’un. »

Si la culture abénaquise se ressent du début à la fin, c’est la franco-ontarienne qui ouvre et ferme l’album. La première pièce, Pépère, a été créée avec des archives où l’on entend chanter Raymond Émile O’Bonsawin.

« J’ai reçu ce cadeau de la musique à travers mon pépère. Il était fier de sa belle voix et je n’ai jamais eu la chance de l’inviter à chanter sur mon album. »

Boréale est le septième album de Mimi O’Bonsawin. Gracieuseté

On fredonne par réflexe la dernière chanson, À la claire fontaine. Un choix plus significatif qu’il n’y paraît. « Je trouve intéressant, mais peut-être pas de la bonne façon, d’avoir grandi avec de vieilles chansons françaises et pas des chansons abénaquises. C’est un fait qui devrait être connu. C’est l’histoire coloniale de notre famille. »

En France

Mimi O’Bonsawin vient de terminer une première tournée en France. Les salles étaient pleines et le public, enthousiaste.

« Je crois qu’ils étaient plus intéressés par mon accent ontarien. Mais ils ont posé des questions par rapport à mon tambour, à d’où je viens. Je n’ai pas eu le temps d’avoir des conversations profondes mais, pendant mes spectacles, je parle beaucoup de mon territoire, de mes racines. »

Mimi O’Bonsawin en performance aux Prix de la musique de la capitale 2023, un gala bilingue, où elle était nommée trois fois. Crédit image : Laura Collins

Au moment de l’entrevue, la chanteuse était de retour en Ontario pour quelques performances avant de retourner à la conférence MaMA de Paris, un événement de musique international.

Des chansons vivantes

L’amour du territoire résonne dans toutes les chansons, à commencer par Lac Huron, sa préférée en spectacle. « Ça parle du lac Huron, de l’île Manitoulin, du Nord de l’Ontario, ma place préférée dans le monde. C’est vraiment proche à mon cœur ».

Boréale compte aussi Rivière, version francophone de The River, qu’on a connue sur Willow. « Je n’ai jamais voulu faire une traduction. C’est une chanson que j’ai reçue de la rivière qui coule dans notre communauté, un matin en partant d’Odanak. La version française est arrivée naturellement pendant un spectacle. Tout d’un coup, j’ai commencé à chanter en français. »

« La chanson Rivière a une vie et elle voulait être dans les deux langues. »
— Mimi O’Bonsawin

Pour l’autrice-compositrice-interprète, il est important que les textes soient incarnés. Écrire en français ne lui demande plus autant d’efforts qu’avant. « Des fois, les chansons vont juste sortir en français. Je ne suis même plus surprise. »

Qu’elle soit dans le Nord ou dans l’Est, la forêt est une source d’inspiration pour Mimi O’Bonsawin. Gracieuseté

Voilà aussi pourquoi il n’y aura pas de traduction en abénaquis d’une pièce existante. Comme de nombreuses personnes autochtones de sa génération, Mimi O’Bonsawin n’a pas grandi avec la langue de ses ancêtres.

« Si jamais j’ai l’inspiration d’écrire en abénaquis, je veux que ça vienne d’une place authentique. Je veux que ce soit un travail bien pensé, avec de bonnes intentions et les gens de ma communauté. »

Un premier Trille Or

En septembre, Mimi O’Bonsawin a remporté le Trille Or Folk / Country / Trad pour son album instrumental de 2022, Fiddleheads & Ferns. Elle avait récolté deux nominations en 2021, mais c’était la première fois qu’elle tenait la statuette dans ses mains.

« J’ai pleuré devant une salle pleine de personnes que j’aime. »
— Mimi O’Bonsawin à propos du Trille Or

L’artiste explique que cette récompense représente l’accueil de ses pairs. « J’étais émotive, car je me sens chez moi dans la communauté franco-ontarienne. C’était vraiment un beau moment. »

Mimi O’Bonsawin a gagné le Trille Or dans la catégorie Folk / Country / Trad en 2023. Source : page Facebook Mimi O’Bonsawin

Les fans anglophones s’intéressent aussi à Boréale. « C’est mon but, de bâtir des ponts entre nos communautés (…) et ça fait chaud au cœur quand je vois des gens s’engager avec un contenu qui n’est pas dans leur langue. »

Si elle profite de la tournée jusqu’à la fin du mois, Mimi O’Bonsawin a hâte de se poser dans son cocon pour l’hiver. Avec le studio du salon, nul doute que la créativité sera au rendez-vous.