Minuit moins une : les jeunes, l’écriture et l’environnement

Chaque samedi, ONFR+ propose une chronique sur l’actualité et la culture franco-ontarienne. Cette semaine, place à la littérature avec l’autrice Monia Mazigh.

[CHRONIQUE]

Tout le long de l’année dernière, j’ai eu le privilège de faire partie d’une belle initiative où l’art, la créativité et la littérature se sont réunis pour donner la parole à des jeunes talents et leur offrir la possibilité d’écrire un livre. C’est ainsi qu’est né Minuit moins une, un collectif de jeunes autrices et auteurs de l’Outaouais qui ont écrit sur le thème de l’environnement.

Ce projet de mentorat pour des jeunes étudiants qui aiment écrire a commencé avec un simple concours d’écriture où les jeunes candidats ont été appelés à soumettre un texte pour se métamorphoser graduellement en une aventure littéraire.

C’est le Salon du livre de l’Outaouais, qui se poursuit jusqu’à dimanche, qui a initialement lancé la balle et ce sont les Éditions David, une maison d’édition francophone à Ottawa, qui l’ont attrapé au vol pour que les textes écrits par ces jeunes soient publiés dans un livre « en papier et en encre ».

Je me rappelle encore notre première rencontre entre les organisateurs et mes collègues écrivains pour que chacun d’entre nous choisisse ses coups de cœur parmi les textes soumis. Blaise Ndala, Edem Awumey, Lisa L’Heureux et moi-même avons tous été charmés par les textes et selon nos préférences et penchants littéraires avons choisi les jeunes que nous allions encadrer.

Le mentorat d’écriture de jeunes en temps de pandémie autour du thème de l’environnement. Une mission presque impossible à tous les niveaux. Maintes fois avons-nous entendu ces phrases clichées comme « les jeunes ne lisent plus » et « les jeunes ne savent plus écrire… Ils ne font que regarder des vidéos ».

Alors comment faire pour les encourager à se mettre à cette besogne? Pire, comment convaincre ces jeunes dits fanatiques de l’écran et les amener à écrire sur le thème de « l’environnement »? Un thème aussi aride que vaste que l’Arctique dont la survie même est menacée par ces mêmes changements climatiques qui nous inquiètent et qui nous poussent à réfléchir pour leur trouver une solution.

Et que faire de la pandémie qui nous a confinés dans nos maisons, qui nous a empêchés de nous voir et nous rencontrer en personne. Comment inventer la littérature en temps de pandémie avec des jeunes pour sauver le monde?

Assiduité, intérêt et courage

Évidemment, nous avons été sauvés par les séances Zoom qui nous ont permis de nous rencontrer régulièrement. J’ai encadré quatre jeunes. Leur assiduité, leur intérêt et leur courage n’ont jamais cessé de me surprendre. Chacun avait une idée et chacun voulait écrire une histoire ou avait un poème en tête qui voulait s’échapper et se transformer en mots pour échouer sur une page de leur cahier ou de leur écran.

Ce projet m’a ramenée une trentaine d’années en arrière. Je devais avoir 18 ans et je ne me rappelle plus comment je suis tombée par hasard sur une annonce pour un concours d’écriture. Le seul problème était que je n’avais pas une machine à écrire. Je ne voulais rien dire à mes parents parce que j’étais supposée être la scientifique celle qui a choisi les mathématiques et les sciences. La littérature c’était pour les « nulles », on ne badine pas avec ça.

« Accompagner ces jeunes est aussi un voyage intime au fin fond de moi pour calmer mes anciens doutes »

Alors, j’ai trouvé un stratagème pour convaincre ma mère et demander à l’une des secrétaires qui travaillait avec elle de me taper mon texte. J’avais dit quelque chose comme « c’est pour l’école » et ma mère m’a cru et la gentille secrétaire l’a fait pour moi. J’ai envoyé mon texte au concours et jamais je n’ai entendu parler des résultats. Ni de mon texte ni du concours. Je garde encore le texte tapé à la machine chez moi.

Et donc c’est un peu avec l’esprit de revanche de la jeune écrivain que j’ai voulu être, que je me suis lancée dans cette aventure pour me venger des années perdues et des pressions sociétales et parentales. Accompagner ces jeunes est aussi un voyage intime au fin fond de moi pour calmer mes anciens doutes et me convaincre une fois pour toutes des bienfaits et de l’importance de la littérature dans nos vies.

Ces jeunes que j’ai eu le privilège d’accompagner dans leurs textes ont la chance de s’exprimer à leur façon. Que ce soit par des vers, par de la prose ou par des histoires fantastiques et même par le dessin, ce sont des jeunes talentueux et persévérants. Je me suis vue en eux.

Sauver la planète par les mots et la littérature

Mais il y a aussi toute la question du thème. Pourquoi l’environnement? Pourquoi ce préjugé comme quoi les jeunes s’intéressent plus que le reste de la population à l’environnement ou qu’implicitement ce sont les jeunes qui ont une plus grande responsabilité envers lui? N’est-ce pas une stéréotypisation injuste?

Pas tout à fait vrai. Et Greta Thunberg? La jeune militante suédoise devenue une icône de ce mouvement de jeunes pour l’environnement? N’avons-nous pas ici au Canada des jeunes qui ont intenté un procès contre leur propre gouvernement pour exiger que les politiciens prennent des décisions plus strictes?

Dire que c’est une stéréotypisation injuste ou exagérée serait inexact car les jeunes sont bel et bien à l’avant garde de ce mouvement et se sentent concernés par le sujet dans leur propre vie pour ne pas dire dans leur existence et survie. Et pourquoi pas sauver la planète par les mots et la littérature? Et quel mal y aurait-il si les jeunes le faisaient?

Ma contribution à ce projet innovateur et intelligent a été une occasion formidable pour faire la connaissance de jeunes ambitieux et engagés mais aussi une façon détournée pour faire un pied de nez à ceux qui ne m’avaient pas soutenu lors de ma jeunesse ou même à celle qui n’a pas cru en elle-même pour dire sans honte ni gêne que la littérature peut sauver le monde et, pourquoi pas, la planète.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position d’ONFR+ et du Groupe Média TFO.