Mois de l’histoire des Noirs : cinq artistes franco-ontariens à découvrir

artistes franco-ontariens noirs
Les artistes Fanny Constantino, Soro Zana, Christelle Kongolo, BBoy Effet et KingH509. Montage ONFR+

Alors que le Mois de l’histoire des Noirs tire à sa fin, ONFR+ s’est penché sur la scène culturelle actuelle et émergente en Ontario francophone. Peinture, sculpture, littérature, danse et musique, nous avons rencontré cinq artistes franco-ontariens noirs que vous ne connaissez peut-être pas encore… à suivre bien au-delà de février.

Fanny Constantino, l’afroféminisme sur la toile

Originaire du Sénégal, Fanny Constantino a choisi Ottawa pour ses études en communications et sciences politiques. C’est à travers son parcours universitaire qu’elle commence à explorer plus sérieusement sa passion pour les arts, qui l’anime depuis l’enfance. Pour elle, la peinture devient un langage : « Mes pensées les plus profondes sont sur mon tableau. C’est entre mon tableau et moi, en quelque sorte. Il n’y a que moi qui sais ce que j’ai vraiment voulu partager », souligne celle qui aime tout de même préciser sa perspective en accompagnant ses œuvres de textes poétiques.

Inspirée principalement par l’afroféminisme, sa culture et les gens qui l’entourent, Fanny Constantino laisse une grande place à la recherche dans son processus créatif. À partir d’une idée, elle explore le sujet à fond avant de se lancer dans une œuvre.

Dans le futur, celle qui est également membre du Conseil jeunesse de la Galerie d’art d’Ottawa souhaite simplement continuer d’explorer son art et, surtout, de le pratiquer avec le même amour du métier.

À gauche, Fanny Constantino. À droite, son tableau Renaissance. Une main qui semble pousser dans les fougères.
À gauche : Fanny Constantino. À droite : Renaissance est une oeuvre réalisée au moment où on commençait à lever les mesures sanitaires. Elle représente l’espoir, l’amour de soi et l’envie de créer quelque chose de nouveau. Gracieuseté

Soro Zana ou l’art du collage

Le sculpteur et peintre ivoirien Soroz, de son nom complet Soro Zana, s’est établi en Ontario « pour cette singularité au niveau linguistique, qui allie l’anglais et le français. C’était un bon endroit pour venir faire valoir ma francophonie et mon expression artistique. » Il devient moniteur de langue française à Sudbury, avant de faire des études en éducation et didactique des arts à Ottawa. Il enseigne aujourd’hui à l’École secondaire de La Salle, dans la capitale.

Il réalise des collages dans lesquels les drapeaux franco-ontariens côtoient les masques africains. Soroz puise dans le graphisme traditionnel sénoufo (peuple du nord de la Côte d’Ivoire), une culture riche qui comprend de grandes familles artistiques : des forgerons comme sa mère, des sculpteurs comme son père, mais aussi des peintres ou des tisserands, par exemple.

Il y colle des articles de journaux concernant la francophonie ontarienne. « C’est vraiment une identité que j’assume aussi bien verbalement que dans mes travaux. » On peut présentement admirer le travail de Soroz sur les murs de la maison de la francophonie d’Ottawa.

Soroz devant quelques-unes de ses peintures
Soro Zana fait cohabiter ses identités franco-ontarienne et sénoufo dans ses œuvres. Gracieuseté

Christelle Kongolo, l’amour en poèmes

Christelle Kongolo a 13 ans lorsqu’elle quitte la République démocratique du Congo. L’adolescente traîne ses carnets d’écriture de Kinshasa à… Maniwaki, au Québec. Passer d’une capitale de 8 millions d’habitants (17 millions aujourd’hui) à une municipalité de 4 000 âmes, c’est tout un changement : « Je ne m’attendais pas à ça du tout! (…). C’était choquant : j’étais la seule fille noire de mon école, » raconte celle qui s’est établie à Gatineau deux ans plus tard.

Son premier livre, Les émotions entrecroisées, contient des citations et des poèmes qui parlent d’amour, mais aussi de guerre, par exemple. « Je ne dirais pas que j’ai vécu la guerre personnellement. Mais il y a la guerre au Congo encore aujourd’hui. »

Son deuxième livre, à paraître en 2023, abordera plus directement ses propres histoires d’amour. Ce recueil sera bilingue, à l’image de sa région. « Je n’ai jamais cru que j’écrirais en anglais. Mes idées viennent en français. Mais avec le temps, il m’est arrivé d’avoir l’idée en anglais, » souligne celle qui publie régulièrement ses poèmes dans les deux langues sur les réseaux sociaux. « Je jongle avec les deux. C’est important pour moi de ne pas oublier le français. »

Christelle Kongolo accotée devant une bibliothèque, elle regarde son livre.
Christelle Kongolo a fait paraître Les émotions entrecroisées en autoédition en 2020. Gracieuseté

BBoy Effect et la rue pour piste de danse

Arnaldo Betancourt Silva a fondé Moov Ottawa Danse avec Alea de Castro, pour promouvoir la danse urbaine. Le nom est un clin d’œil à l’envie de faire bouger les choses à Ottawa, et ils le font notamment avec des ateliers destinés aux jeunes dans les écoles. « J’espère que j’ai pu en motiver quelques-uns à être eux-mêmes. » Pour celui qui a eu un parcours difficile, la danse a été une bouée de sauvetage qui a transformé son attitude envers la vie, en plus de le faire voyager à travers le monde.

Son nom d’artiste vient d’un coéquipier de la troupe Deadly Venoms, qui avait remarqué qu’Arnaldo avait un effet particulier sur les foules. La proposition lui semble prétentieuse mais, en danse urbaine, les surnoms sont le plus souvent attribués par les pairs. Arnaldo est donc devenu BBoy Effect. 

Le danseur originaire de Cuba anime toujours les événements de Moov Ottawa dans les deux langues officielles, en plus d’intégrer l’espagnol. « Quand ils sont au micro, il y a des gens qui oublient qu’Ottawa est une ville bilingue. […] Je suis extrêmement content d’avoir appris le français. Ça m’a ouvert un paquet de portes […] Je suis très fier de dire que je suis franco-ontarien. »

Le surnom BBoy Effect lui a été donné en référence à l’effet qu’Arnaldo fait aux spectateurs. Gracieuseté

KingH509, le son venu d’Haïti

Liautaud H Philogène est un chanteur ottavien d’origine haïtienne. Après un EP à 80 % en créole, c’est en observant des artistes comme Yao ou LeFLOFRANCO qu’il décide de rejoindre l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM) et de chanter majoritairement en français. Avec le mentorat de l’APCM, il délaisse le rap pour une musique plus dansante, ce qui l’amène à jeter un album presque terminé. La nouvelle version sortira en 2021, juste avant la naissance de son fils. KingH509 fait alors une pause pour revenir au printemps dernier, plus déterminé que jamais.

Son nom est inspiré de ses frères, qui l’appelaient Prince lorsqu’ils étaient enfants. Devenu plus grand qu’eux, il s’est ajouté un grade.  Le H, présent dans son vrai nom, est une référence au prénom de sa mère. 509 est l’indicatif régional d’Haïti, qu’il a ajouté pour éviter la confusion avec d’autres King H.

Le chanteur voit la francophonie comme une cause à défendre. « La francophonie est dans ma vie tous les jours (…) j’ai appris à écrire des textes en français avant même d’écrire en créole ou en anglais (…) D’ailleurs, sur la pochette de mon premier album, il y a le drapeau franco-ontarien. »

Le vidéoclip de sa chanson Millions, avec la chanteuse Gvmou, est sorti le 27 janvier.

KingH509 en performance sur scène. Un DJ est derrière lui.
KingH509 en performance pour l’émission Court-circuit de TV Rogers Ottawa, en partenariat avec l’APCM. Gracieuseté