Nicolas St-Pierre : « Je souhaite une suite à l’émission Dans le vestiaire »
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Nicolas St-Pierre est descripteur des matchs des Sénateurs d’Ottawa au hockey et de l’Atlético Ottawa au soccer, et président d’Intersport Productions, qui gère entre autres les négociations des droits de diffusion des rencontres sportives en français. Homme aux multiples talents, il était également, jusqu’au 12 décembre dernier, et ce depuis 16 ans, l’animateur de l’émission Dans le vestiaire sur Unique FM, le seul programme traitant de l’actualité sportive en français dans la capitale nationale.
LE CONTEXTE :
Pour des raisons budgétaires, la radio ottavienne a subitement décidé de supprimer l’émission historique de sa grille de programmation, malgré son unicité et sa popularité.
L’ENJEU :
Nicolas St-Pierre livre sa réaction sur cette nouvelle inattendue, revient sur ses seize années à la tête du programme et partage son point de vue sur la situation de la couverture des sports en français en Ontario.
« Quel a été votre réaction à l’annonce soudaine de l’arrêt de votre émission sportive sur Unique FM?
Ça faisait seize ans que j’animais l’émission. Seize ans! Ça a été un choc, bien qu’on s’attende toujours à ce que ça puisse arriver. On vivait avec une épée de Damoclès en sachant qu’il y avait des réalités économiques qui étaient devenues plus compliquées. Je ne m’attendais pas à ce que ça arrive là, peut-être qu’il y ait une reconfiguration à la fin de la saison, mais à ce moment-ci… J’ai été tout simplement pris de court. Je me suis retrouvé un peu surpris et abasourdi par la décision.
Aviez-vous eu des discussions avec la direction, comme quoi l’émission pouvait ne pas être reconduite?
Le discours que j’avais, l’été passé, c’était qu’on gardait le statu quo. Puis, on nous a dit qu’on allait de l’avant, que c’était le show sur lequel on voulait capitaliser. Pour moi, c’était du tout cuit, il n’y avait pas nécessairement matière à s’inquiéter pour la suite des choses dans les mois de diffusion.
Avec l’expérience, je m’attendais à une remise en question au terme de chaque saison, chose qu’on a faite de façon récurrente, mais il n’y avait aucun signe qui me disait que le couperet allait tomber à ce moment-ci.
Vous avez été seize ans à l’antenne, ce n’est pas commun…
C’est une chose dont je peux être fier. Seize ans dans le paysage médiatique, surtout radiodiffusé, il n’y en a pas beaucoup. Juste là, d’être encore en ondes après tout ce temps, c’était plaisant de pouvoir avancer et de prolonger parce que, sans parler de record, c’est quand même un gros fait d’arme qui ramenait beaucoup de crédibilité aussi à l’émission.
Est-ce que vous avez des souvenirs qui reviennent, des moments incroyables?
Un des moments les plus incroyables, c’est quand la COVID est arrivée. On s’est retrouvé du jour au lendemain avec rien. La décision a été prise assez rapidement d’arrêter et d’attendre. Deux jours après, j’ai dit qu’on ne ferait pas ça. Je suis retourné voir le directeur général. J’ai dit qu’on allait faire un show sport pareil. Il y a beaucoup de monde qui m’a aidé là-dessus, dont Alex Saint-Jean, qui est devenu recherchiste pour nous. On a été capable, pendant tout ce temps-là, d’offrir une émission de radio sportive sans sport.
Dans cette période-là aussi, une des belles entrevues que j’ai eues, c’était avec Georges Saint-Pierre, qui avait été généreux. Ça a été une belle expérience, sérieusement, cette conversation-là. Il y en a d’autres aussi, comme M. Gary Bettman, le commissaire de la Ligue nationale de hockey, qui était venu faire un tour. Il y a tellement d’invités de qualité qu’on a eus et de grandes personnalités.
De manière plus générale, la couverture des sports en français diminue en Ontario. On l’a vu notamment au Droit avec une réduction d’effectif et à Radio Canada à Toronto, qui n’a pas remplacé le départ de son journaliste sportif. Est-ce que cela vous inquiète?
Petite précision, Le Droit a changé son équipe, mais il y a quand même deux journalistes sportifs qui sont maintenant là, dont Zachary Mercier, qui était un de nos collaborateurs. Mais avec le départ de Marc Brassard et Sylvain Saint-Laurent, entre autres, ça a fait en sorte qu’il y a eu une reconfiguration de la façon dont ils couvrent le sport.
Pour revenir à la question initiale, c’est sûr qu’il n’y a rien de réjouissant en général dans le monde des médias en ce moment, parce qu’on est en train de vivre un grand chambardement. Malheureusement, en étant minoritaire en Ontario, on sent que la priorité n’est pas nécessairement sur la couverture francophone.
Alors oui, ça m’inquiète à un certain niveau, mais ce qui me réjouit un peu ou ce qui apaise mon niveau d’inquiétude, c’est que même en faisant face à ça, ce discours-là était quand même semblable seize ans en arrière, quand je suis arrivé.
Quels sont les motifs d’espoir de voir la situation s’améliorer?
La flamme est toujours là. Il y a toujours cette étincelle qui permet de croire que la lumière va arriver au bout du tunnel. Ça prend des purs et durs, ça prend des grands artisans, des gens qui y croient, vous et plusieurs autres d’ailleurs. Il ne faut pas baisser les bras. J’ai l’impression qu’il n’y en aura pas des centaines à vouloir reprendre derrière nous. À nous de montrer l’exemple, d’être là sur la première ligne, c’est important.
On peut s’inquiéter, mais je vois aussi beaucoup de positif. En espérant que les gens qui sont là n’abandonnent pas le bateau, parce que c’est important d’avoir de la relève, de cultiver justement cette flamme-là.
C’est à nous, les grands responsables, pour reprendre une expression bien populaire, « nos bras meurtris qui tiennent le flambeau ». On vous le tient bien haut puis on va le passer à l’autre génération.
Quelles sont les solutions face à des médias traditionnels qui délaissent le sport pour des raisons budgétaires?
L’union fait la force. Tu vas avoir plusieurs plateformes qui vont être détenues ou traitées par une entité. Tu vas avoir une concentration des postes. Ça va prendre des gens qui vont être beaucoup plus multidisciplinaires. Et même, si je reviens encore à 25, 30 ans passés, on disait la même chose.
L’important maintenant pour les nouveaux artisans, c’est d’avoir plusieurs cordes à leur arc. Ça ne sera pas l’affaire d’un journaliste écrit ou d’un journaliste à l’électronique. Les personnes qui vont s’amener devront faire tout et tout d’elles-mêmes. Malheureusement, il y aura peut-être plusieurs appelés, mais pas beaucoup d’élus pour remplir ces postes-là, mais je pense que les meilleurs vont toujours remonter à la surface.
Pour finir, quelle est la suite pour vous?
Je suis encore descripteur des Sénateurs d’Ottawa et de l’Atlético d’Ottawa. On va voir s’il y a une autre antenne qui devra accueillir l’Atlético. Je n’ai pas encore eu de discussion avec Unique FM. Mais pour l’instant, je demeure à la description des Sénateurs.
La suite pour l’émission, je ne la connais pas, mais je souhaite qu’il y en ait une, parce que c’est un service qu’on doit remplir. Avec tous les sports qu’on retrouve dans la capitale maintenant, et en Ontario, je pense qu’on en a assez pour remplir non seulement une émission, mais une station au complet. Il y a du potentiel. Ça sera de savoir comment on va la livrer et sur quelle plateforme on va se retrouver. »