« Nous sommes, nous serons », d’où vient vraiment la devise?

Deux manifestants avec drapeau franco-ontarien et affiche à Sudbury. Crédit image: Benjamin Vachet

Ottawa, 1er décembre. « Nous sommes, nous serons », hurlent les 5 000 francophones et francophiles rassemblés devant l’hôtel de ville. Depuis le début de la crise linguistique, cette devise ponctue la plupart des discours des leaders du mouvement La Résistance. Mais d’où viennent vraiment ces quatre mots devenus l’une des phrases-clés depuis le 15 novembre dernier? Les éclaircissements de l’historien Jean Yves Pelletier et de l’auteur Paul-François Sylvestre.

SÉBASTIEN PIERROZ
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« Il semblerait que l’Association canadienne-française d’éducation de l’Ontario (ACFÉO) l’ait adoptée provisoirement avec sa nouvelle constitution au congrès de mars 1969, proposée par les membres du comité de la constitution. Mais ce n’est qu’au congrès général de 1972 que celle-ci et la nouvelle devise sont adoptées par les quelque 275 délégués », explique M. Pelletier.

En 2005, c’est d’ailleurs cette même ACFO qui est fusionnée avec la Direction de l’Entente Canada-communauté Ontario (DECCO) pour créer l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

Succède à une devise… adoptée en 1934

« C’est dans le document d’une dizaine de pages intitulé Statuts de l’Association canadienne-canadienne de l’Ontario (ACFO) tels que proposés par les membres du comité constitutionnel aux délégués du congrès 1972 que l’on retrouve pour la première fois la mention de la devise », précise M. Pelletier. « Cette nouvelle devise remplaçait l’ancienne, Garde le dépôt!, qui remontait à 1934. »

Adoptée dans les années 1930, cette dernière devise restera tout de même présente dans les documents imprimés de l’ACFO jusqu’en 1972, laisse entendre l’historien.

« Le congrès général de l’ACFO qui s’est tenu à l’Hôtel Skyline d’Ottawa les 7, 8 et 9 avril 1972, avait comme thème Nous sommes, nous serons. C’était en quelque sorte le mot d’ordre de ce congrès. Soit dit en passant, les congrès généraux avaient chaque année un thème ou un titre. »

Une devise tombée en désuétude

Comment comprendre dans ces conditions que la devise soit tombée en désuétude au fil du temps? Pour beaucoup d’observateurs, il faut attendre le congrès de l’AFO en octobre dernier et le dévoilement des armoiries pour voir cette devise refaire surface. Elle est alors située en bas des images présentées.

« Ça avait été vraiment oublié », explique Paul-François Sylvestre, infatigable raconteur des 400 ans d’histoire des Franco-Ontariens. Il était lui-même présent au congrès de mars 1969. « Peu de monde se souvient que l’ACFO avait alors une devise. Ça m’avait un peu surpris. »

Comment expliquer cet oubli? « Ce n’est pas quelque chose que l’on rappelait à l’ouverture des réunions de l’ACFO. On voit qu’en 1997, au moment de la crise de Montfort, on a oublié la question de la devise, alors qu’elle aurait été bien placée dans la manif de Montfort. De plus, en changeant de leadership, souvent des plus jeunes sont arrivés, et la devise est devenue un peu de l’histoire ancienne. »

Reste que sur Twitter et depuis les compressions aux services en français annoncées par le gouvernement provincial, le #NousSommesNousSerons fait figure de mot-clé pour les Franco-Ontariens, au même titre que #RespectFranco et #LaRésistance.

Débutée le 15 novembre dernier, la crise linguistique en Ontario entrera dans son deuxième mois, samedi prochain.


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