Objectif séduction pour le Nouveau Parti démocratique

Le nouveau chef du NPD fédéral, Jagmeet Singh.

[ANALYSE]

Les destins sont différents pour le Nouveau Parti démocratique (NPD) selon les provinces. Si le « parti orange » est dorénavant au pouvoir en Alberta et en Colombie-Britannique, ses chances sont en revanche limitées d’être à la tête de Queen’s Park, après les élections provinciales de juin 2018.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

En poste depuis 2009, la chef du NPD de l’Ontario, Andrea Horwath, a pourtant connu deux défaites électorales. C’est une de plus que Thomas Mulcair, le chef sortant du NPD fédéral, dont le successeur Jagmeet Singh a été élu ce dimanche.

Un paradoxe quand on sait que le député fédéral d’Outremont avait débuté la campagne électorale de 2015 largement en tête des sondages. Un privilège dont Mme Horwath n’a jamais bénéficié. Mais les tergiversations du parti sur la controverse autour du niqab lui ôtèrent en grande partie le soutien du Québec. Une sortie de « vague orange » à l’envers quatre ans après.

Comment expliquer dès lors cette mansuétude des militants envers Mme Horwath, là M. Mulcair a reçu un vote de défiance quelques mois après les élections? De manière numérique, le NPD à Queen’s Park possède 20 députés, contre 44 à la Chambre des communes.

Au sein de son caucus, Mme Horwath a subi des contestations plus feutrées. La vieille garde constituée de Gilles Bisson et France Gélinas n’a pas fait état de ses ambitions. Le plus charismatique d’entre eux, Jagmeet Singh, a quant à lui décidé de viser la tête du NPD… au niveau fédéral.

Mécontemement vis à vis du chef

Une impression s’en dégage : si les militants provinciaux ont conservé Mme Horwath au terme du congrès de novembre 2014, faute de meilleur choix, leurs homologues fédéraux ont plutôt eu la main leste avec Thomas Mulcair. Dans les deux cas, le mécontentement vis-à-vis du chef était bien présent.

C’est peut-être justement là où le bât blesse pour le NPD fédéral et celui de la province la plus populeuse du Canada : l’incapacité ou le trop grand défi pour le chef à rallier tous les courants de son parti. La configuration socio-culturelle de l’Ontario est handicapante pour Mme Horwath. Entre les militants du Nord, de tradition ouvrière, et ceux de la région de Toronto, beaucoup issus des minorités visibles, la connexion est difficile.

Cette dichotomie est aussi perceptible au fédéral. Si le NPD a gagné en popularité, sous l’impulsion de Jack Layton, les années 2000 et plus particulièrement 2010 ont remis à la page le débat sur les signes religieux. Un obstacle de taille quand on sait que le Québec, de tradition plus laïque, avait grandement contribué à la « vague orange » des élections de 2011.

Le NPD fédéral comme provincial a besoin des francophones

Autant, le NPD fédéral aura du mal à se passer de l’appui des Québécois, les néo-démocrates provinciaux ne peuvent aussi ignorer les 622 000 Franco-Ontariens, souvent situés dans des circonscriptions clés. Et malgré le dynamisme de Mme Gélinas sur les questions francophones, le parti paye aujourd’hui l’unilinguisme de sa chef, au moment où la première ministre, Kathleen Wynne, et le chef progressiste-conservateur, Patrick Brown, s’expriment correctement en français.

Au fédéral, la course à la chefferie néo-démocrate des quatre candidats n’a pas été dominée particulièrement par l’enjeu des langues officielles. Thomas Mulcair, parfaitement bilingue, a eu le mérite de pousser pour une loi sur le bilinguisme des 10 agents clés du Parlement en 2012. Jagmeet Singh pourrait ouvrir davantage une période d’incertitude.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 2 octobre.