L'incapacité de parler en français du président d'Air Canada Michael Rousseau avait généré un débat sur l'unilinguisme des hauts dirigeants fédéraux. Source: aircanada.com

OTTAWA – Le gouvernement fédéral devrait obliger le bilinguisme d’un peu plus de 2 000 hauts fonctionnaires dans la fonction publique canadienne, réclame des députés des différents partis politiques à Ottawa dans un rapport.

Selon les membres du Comité des langues officielles, les fonctionnaires qui sont nommés par le gouverneur en conseil (par le cabinet) devraient posséder le plus haut niveau de compétence linguistique pour la compréhension écrite et l’aptitude orale et un niveau intermédiaire pour l’écriture. S’ils ne sont pas bilingues au moment de l’embauche, les élus du comité recommandent qu’ils le soient à l’intérieur de deux ans avec des cours payés par le gouvernement.

« Dans le Canada que l’on est, avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles, les postes de hautes fonctions publiques devraient être assujettis à cette loi-là », soutient l’élu libéral et président du Comité des langues officielles René Arseneault.

« Il y a des postes de la haute fonction publique qui n’ont pas de désignation bilingue. Alors, avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles, on doit remplir ce manque à gagner », estime le député acadien.

Les députés libéraux, conservateurs, bloquistes et néo-démocrates ont procédé à une étude pendant plusieurs séances portant sur « les obligations linguistiques dans le processus de dotation ou de nomination à des postes clés », avant de produire ce rapport publié mardi. Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge soutient depuis quelques années qu’Ottawa doit obliger ses hauts fonctionnaires à parler français et anglais. C’est justement lui qui avait invité les parlementaires à se pencher sur cette étude à la suite d’une recommandation dans son rapport annuel de 2021-2022.

« Si on veut protéger le bilinguisme au Canada, il faut se donner les outils et il faut prêcher par l’exemple avec la machine gouvernementale », pense le porte-parole en Langues officielles pour les conservateurs Joël Godin.

« Idéalement, il faudrait dès le départ (exiger le bilinguisme), mais il faut respecter que l’apprentissage d’une deuxième langue, ce ne soit pas facile », concède-t-il.

2 200 fonctionnaires concernés

Les nominations approuvées par le gouverneur en conseil sont principalement celles de dirigeants des instances fédérales comme ceux à la tête des commissions, agences et institutions gouvernementales. Chaque année, ce sont près de 500 à 800 nominations qui sont effectuées par le cabinet pour un total de 2 200 personnes nommées par le gouverneur en conseil.

Il y a actuellement 11 agents du Parlement, comme le commissaire aux langues officielles, qui ont l’obligation d’être bilingues dès leur entrée en poste, en vertu de la Loi sur les compétences linguistiques. Les sous-ministres, depuis la modernisation de la Loi sur les langues officielles en 2023 et les sous-ministres délégués ont aussi cette obligation de bilinguisme. Sinon, ils doivent suivre une formation linguistique.

À l’heure actuelle, les nominations effectuées par le gouverneur en conseil spécifient que l’on « tiendra compte du bilinguisme », mais ce n’est pas obligatoire. Les candidats potentiels sont seulement invités à préciser leurs compétences linguistiques où ils leur demandent «  si, à leur avis, ils sont parfaitement bilingues, fonctionnels, limités ou unilingues  ».

« C’est un peu ridicule (à l’heure actuelle), car on voit des nominations de fonctionnaires à des postes où ils supposent connaître le français et ils ne connaissent pas le français », déplore le député du Bloc québécois Mario Beaulieu.

L’unilinguisme de hauts fonctionnaires comme Michael Rousseau, le PDG d’Air Canada, ou encore la gouverneure générale Mary Simon ont généré un nombre record de plaintes au Commissariat aux langues officielles en 2021.

« Je suis pour l’obligation que tous les hauts fonctionnaires soient bilingues, car présentement ce n’est pas obligatoire (…). Ça passerait un message très très fort qu’au niveau de la fonction publique : on valorise le bilinguisme de haut en bas », plaidait alors Raymond Théberge en entrevue avec ONFR.

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge. Archives ONFR

Les membres du comité suggèrent aussi que « le Conseil du Trésor devrait sérieusement envisager les demandes des syndicats de la fonction publique visant à augmenter la prime de bilinguisme qui n’a pas été révisée depuis 1977 ».

Ils réclament aussi de « renforcer la capacité interne de la fonction publique fédérale d’offrir la formation linguistique aux fonctionnaires fédéraux », notamment en augmentant les établissements postsecondaires qui offrent des cours de langue seconde.