Le ministre de l'Immigration Marc Miller lors d'une conférence de presse à Ottawa. Crédit image: THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick

OTTAWA – Le gouvernement fédéral serait prêt à instaurer un plafond au nombre d’étudiants internationaux au pays, mais il envisagerait aussi l’option d’offrir des bourses pour attirer davantage de francophones dans les établissements postsecondaires hors Québec.

Selon nos informations, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) considère l’idée d’offrir des bourses ou de l’aide financière à des étudiants dans des programmes de langue française hors Québec. Depuis le début de 2024, le fédéral a rehaussé le plancher monétaire exigé aux futurs étudiants étrangers, à 20 700 $ alors qu’il était de 10 000 $ auparavant.

En entrevue, le ministre de l’Immigration Marc Miller a indiqué que l’idée de bourses nécessiterait une « discussion à avoir pour s’assurer que ça soit bien fait », mentionnant notamment un bon accueil au pays par les institutions francophones.

« Je n’ai rien à annoncer pour l’instant, mais vous êtes sur une bonne piste. On regarde ça », a commenté le ministre Marc Miller lors d’un entretien téléphonique.

Le ministre se dit conscient que les établissements francophones attirent moins d’étudiants internationaux que leurs confrères anglophones et donc qu’il y a « une question d’équité et d’équilibre » à atteindre.

« C’est clair que quand l’on parle de l’Afrique, il y a des questions de capacité financière. Ce n’est pas tout le monde (qui est) dans la haute classe moyenne, où on va piger des gens, en Inde par exemple. Ce bassin n’existe pas forcément en Afrique de l’Ouest où il y a une forte proportion francophone », concède-t-il.

L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) estime que l’idée de bourses faciliterait le fait d’étudier en français hors Québec, car « dans certains de nos bassins, l’argent n’est pas autant disponible que dans d’autres pays », souligne le directeur de la recherche stratégique à l’ACUFC, Martin Normand.

« L’autre avantage serait que le Québec est très présent dans le marché étranger pour attirer les étudiants dans ses institutions francophones et il y a des mesures en place pour les attirer comme des réductions de frais de scolarité (…). Donc un programme de bourses pour la francophonie canadienne, ça rendrait nos établissements plus compétitifs. »

Étudiants étrangers : pas de plafond, souhaitent les établissements francophones

Depuis plusieurs semaines, Marc Miller laisse entendre que le fédéral imposera un plafond sur le nombre de permis d’études internationaux. Radio-Canada rapportait mercredi que le fédéral envisage cette mesure notamment en Ontario après que la dernière année a été marquée par plusieurs histoires d’abus et de fraudes comme de faux permis d’études délivrés par de faux agents étudiants.

Il ne prévoit pas d’exemptions possibles pour les institutions francophones, mais s’estime ouvert à des alternatives.

« Je ne dirais pas ‘pas de limites’, car il y a eu des abus. Je ne contrôle pas les institutions et les instruments dont je dispose au fédéral sont somme toute assez bruts. Ça veut dire : on ouvre et on ferme la vanne. Je suis prêt à regarder des voies où les institutions d’expression française puissent avoir accès à ces gens-là. Je n’ai pas d’annonce à faire là, mais c’est une piste de solution », témoigne-t-il.

Les 22 collèges et universités francophones hors Québec aimeraient que leurs étudiants internationaux soient exemptés d’une telle mesure. L’ACUFC justifie que le rôle de ses membres est mentionné dans la politique en immigration francophone dévoilée plus tôt cette semaine par Ottawa.

Le campus de l'Université d'Ottawa. Archives ONFR+
L’Université d’Ottawa pourrait être l’une des nombreuses institutions de l’Ontario à se voir imposer un plafond sur son nombre d’étudiants étrangers. Archives ONFR

La stratégie parle de « maximiser » la venue d’étudiants internationaux francophones, leur faciliter l’accès à la résidence permanente, la bonification des programmes en place et établir comme objectif d’augmenter année après année la proportion et le nombre de permis d’étude pour ceux souhaitant étudier en français.

« On verrait qu’il y a comme une contradiction si, d’une part, il y avait un plafond imposé aux candidats francophones admis dans les institutions de la francophonie canadienne et, d’autre part, il y avait une autre politique qui encourage la venue d’étudiants francophones au Canada. Il ne faut pas se retrouver avec des politiques publiques contradictoires », avance le directeur de la recherche stratégique à l’ACUFC, Martin Normand.

Mais le ministre Marc Miller reconnait que les problématiques autour du recrutement d’étudiants ne proviennent généralement pas de pays francophones.

Par exemple, en 2022-2023 (sur période de 16 mois), l’Université d’Ottawa se classait au 27e rang des établissements postsecondaires en Ontario ayant délivré le plus de permis d’étude avec près de 3 700, bien qu’elle soit la troisième plus grosse université en termes de population étudiante dans la province. D’autres institutions bilingues ou francophones, comme l’Université Laurentienne, le Collège Boréal ou encore La Cité, oscillaient entre 586 et 1 775 permis d’études délivrés, au bas de la liste des institutions postsecondaires ontariennes.

« Ayant des instruments bruts (le nombre de permis d’étude), c’est toujours difficile, mais c’est clair qu’il faut privilégier les gens qui parlent français », soutient Marc Miller.