Pas de révision nécessaire de la Loi 8, estime Grandmaître
OTTAWA – Bernard Grandmaître sera vraisemblablement présent au Gala éponyme ce soir, jeudi 25 février, à Ottawa. Avant de remettre ces prix de reconnaissance, l’ancien ministre délégué aux Affaires francophones a donné à #ONfr sa vision sur les grands enjeux francophones de l’heure.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
À 82 ans, le père de la Loi sur les services en français (Loi 8 de 1986) et ancien député d’Ottawa-Vanier est retiré des affaires politiques depuis 1999. Une distance synonyme d’une liberté de parole rafraichissante avec ses interlocuteurs.
Et justement, la Loi 8 aujourd’hui étendue sur 26 régions de l’Ontario aura trente ans au mois de novembre. Pour M. Grandmaître, cet anniversaire n’est pas forcément un gage de bons souvenirs : « Il faut comprendre que tout le monde n’était pas d’accord avec le projet de la Loi 8. Certains ministres en particulier. Ceux-là avaient 1% de francophones dans leur comté. Sans l’appui de l’ancien premier ministre, David Peterson, la loi ne serait probablement pas passée. »
Trente ans plus tard, la Loi 8 est de plus en plus critiquée pour les difficultés de certaines régions a répondre aux critères. À savoir une proportion de 10% de francophones, et un total de 5000 francophones ou plus dans un centre urbain. De ce fait, les deux dernières désignations accordées par le gouvernement (Kingston en 2009 et Markham l’année dernière) ont été discrétionnaires.
De là à changer les critères comme le souhaite notamment la députée néo-démocrate France Gélinas? Bernard Grandmaître est formel : « Ces chiffres-là n’ont pas été choisis à la légère. Je suis conscient que des gens ont des difficultés à satisfaire ces critères, mais d’expérience, ce que je crains, c’est que si on demande de revoir cette loi, on risque de nous enlever quelque chose en échange pour compenser ce que l’on va demander (…) Je ne voudrais pas qu’une autre bataille recommence avec des négociations. »
Interrogé sur l’idée d’une province officiellement bilingue sur le modèle du Nouveau-Brunswick, l’ancien ministre délégué aux Affaires francophones refuse tout de même de se projeter trop loin. « Il y a des défis beaucoup plus importants avant. »
« Je ne comprends pas Jim (Watson) »
Et selon M. Grandmaître, la priorité pour les francophones doit être la désignation bilingue de la Ville d’Ottawa, malgré le refus du maire Jim Watson. « Je ne comprends pas Jim (Watson). Pourtant, je suis assez près de lui. Je comprends que ça va coûter des sous, mais on peut toujours négocier avec la province pour cet argent-là. »
Et de poursuivre : « Jim a vécu à Queen’s Park avec des gens qui se battaient pour améliorer la situation des Franco-Ontariens, il parle français. Soudain, il devient maire d’Ottawa, la capitale bilingue du Canada et refuse de donner suite au projet (…) Nous sommes amis, mais entre amis, nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d’onde. »
Pour lui, la solution reste une entente des trois paliers gouvernementaux : « Je suis certain que si Jim et le provincial approchent le fédéral, et s’assoient à la même table, nous aurions une capitale officiellement bilingue (…) Jim ne doit pas oublier qu’il est élu par une partie des francophones. »
Non au projet d’université franco-ontarienne
Favorable à la désignation bilingue d’Ottawa, M. Grandmaître est beaucoup moins emballé avec le grand projet d’une université franco-ontarienne à Toronto pour 2018, souhaité par les militants francophones.
« Je ne sais pas si ça fonctionnerait vraiment dans sud de l’Ontario. Je me souviens encore de la mauvaise expérience du Collège des Grands-Lacs à la fin des années 90, contraint à la fermeture. Les militants ont des bons arguments, mais je préfère pour ma part les bonnes solutions. »
Et la solution pour l’ancien député est simple : l’Université d’Ottawa. « Il faut regarder les universités qui existent (…) Si je devais mettre l’université franco-ontarienne quelque part, je la mettrais à Ottawa, et plus précisément à l’Université d’Ottawa. Elle est déjà là. Des sommes importantes sont déjà investies par le gouvernement dans cette université. Ça serait donc un non-sens que de se rendre dans le sud de l’Ontario. »
Opposé à au projet d’une université franco-ontarienne, M. Grandmaître rend pourtant hommage aux jeunes franco-ontariens. « Ma génération a trop souvent accepté des choses, on n’osait pas. Aujourd’hui, les jeunes se questionnent, et s’engagent. C’est bien. »