Patrick Brown avance ses pions
[ANALYSE]
La campagne des élections provinciales de 2018 commence officieusement cet automne. Dans l’ombre des deux élections partielles à Ottawa-Vanier et Niagara Ouest-Glanbrook, le Parti progressiste-conservateur (PC de l’Ontario) organisera dans le même temps 24 investitures.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Considérant que le parti de Patrick Brown détient actuellement 28 sièges à Queen’s Park, il faut en déduire que plus de 50 des candidats potentiels seront connus un an et demi à l’avance. C’est beaucoup, même si 15 nouvelles circonscriptions s’ajouteront en 2018 aux 107 déjà existantes.
Pour les troupes progressistes-conservatrices, l’équation est simple. Les nouvelles règles de financement qui entreront en vigueur le 1er janvier 2017 sont drastiques : plus de dons faits aux partis politiques par les syndicats, les compagnies et les groupes d’intérêts. Il faut donc se dépêcher d’avoir ses candidats prêts avant la fin de l’année pour renflouer les caisses du parti.
Le tempo est certes idéal pour Patrick Brown. Le gouvernement libéral de Kathleen Wynne est plus que jamais décrié, la faute sans doute à la vente d’Hydro One, mais aussi à une usure de pouvoir de presque 13 ans jour pour jour.
Dans la région d’Ottawa, les circonscriptions « francophones » pourraient bien devenir l’un des points centraux de l’affrontement provincial qui se profile entre les libéraux et les progressistes-conservateurs.
Car si le candidat vedette du Parti PC dans Ottawa-Vanier, André Marin, apparait menaçant lors de l’élection partielle, c’est que tout est possible pour s’emparer de circonscriptions telles Glengarry-Prescott-Russell, Orléans, ou encore Ottawa-Ouest-Nepean. Dans ces endroits, la marge d’avance des libéraux aux élections n’est pas si large. Hasard ou pas, ces trois comtés sont sur la liste du parti pour les investitures de fin d’année.
Les efforts de M. Brown pour s’afficher en français ne sont donc pas sans calcul. Et il serait faux de penser que tous les francophones de la région d’Ottawa ont un inaltérable attachement au Parti libéral. Jusque dans les années 80, il y avait chez les Franco-Ontariens de la capitale un fond bleu beaucoup plus affirmé. L’épisode de l’Hôpital Montfort en 1997 a sans doute beaucoup échaudé les électeurs potentiels de l’ancienne big blue machine, sans pour autant les tenir éloignés des valeurs du parti.
Dans Glengarry-Prescott-Russell, les deux candidats à l’investiture, Amanda Simard et Derek Duval, symbolisent à la fois la jeunesse et la relève du parti. En campagne électorale, les libéraux n’ont de cesse d’agiter l’épouvantail de Montfort pour discréditer le PC de l’Ontario. Contre des candidats qui n’étaient que des enfants ou adolescents en 1997, il faudra peut-être à long terme d’autres arguments.
Toujours est-il que les efforts des progressistes-conservateurs d’anticiper les joutes électorales ne se reflètent pas partout. Dans Niagara Ouest-Glanbrook, le siège est laissé vacant depuis le départ de Tim Hudak en septembre. Depuis, ils traînent les pieds pour choisir leur candidat.
L’investiture aurait dû se dérouler le 5 novembre, mais après la date annoncée de l’élection partielle pour le 17 novembre, le parti a dû se résoudre dans l’urgence à avancer la date à ce samedi. Véritable négligence? Confiance excessive en sa capacité de conserver cette circonscription détenue depuis sa création en 2007?
Le parti de Patrick Brown aurait tort de lésiner sur les moyens. D’une part, il ne s’agit pas ici d’une région où le Parti PC a pignon sur rue. Ensuite, parce qu’il sera difficile de chausser les souliers de Tim Hudak, chef de parti peu charismatique, mais capable paradoxalement de bien connecter avec les résidents de son fief.
À vouloir conquérir les territoires des libéraux, Patrick Brown pourrait aussi perdre de précieux acquis.
Cette analyse est aussi publiée dans le journal Le Droit du 22 octobre