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Paul Poirier : « La préparation olympique a déjà commencé »

Paul Poirier et Piper Gilles médaille d'argent autour du coup après leur deuxième place aux mondiaux à Boston. Photo : Skate Canada

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Paul Poirier est un patineur artistique franco-ontarien. Depuis 2011, il forme avec Piper Gilles un duo de danse sur glace de haut niveau, remportant notamment deux titres aux Championnats des quatre continents en 2024 et 2025, ainsi que deux médailles d’argent de suite aux Championnats du monde en 2024 et 2025,

LE CONTEXTE :

Après avoir terminé sa saison sur une médaille d’argent aux mondiaux qui se déroulaient à Boston, le duo Poirier-Gilles s’est envolé pour le Japon afin de débuter sa tournée de spectacle du printemps avant de commencer sa préparation estivale pour la saison prochaine et les Jeux olympiques d’hiver de 2026.

L’ENJEU :

Le Torontois revient sur la saison écoulée, ses enseignements et se projette déjà sur l’année olympique, l’une des plus importantes de sa carrière.

« Tout d’abord, revenons sur les Championnats du monde. Quel est votre sentiment sur votre médaille d’argent : est-ce que c’est le devoir accompli d’avoir gardé cette médaille d’argent ou une petite déception de ne pas être allé plus haut?

C’est un mélange des deux. Maintenant que j’ai un peu de recul, je peux vraiment apprécier et être fier de ce qu’on a accompli. On a bien patiné, bien performé. C’était une saison compliquée pour nous, surtout dans la première moitié avec pas mal de défis et de défaites. Donc, arriver à faire de bonnes performances sur toutes les compétitions de la deuxième moitié de saison, bien se préparer, et finalement terminer deuxièmes mondiaux en année préolympique, c’est quelque chose de spécial.

Sur le moment, on était déçu, bien sûr. Il y a une part de moi qui voulait plus. Mais comme athlète, il faut trouver l’équilibre : la déception peut te motiver, mais elle ne doit pas te démoraliser. 

Dans le patinage, où il y a une part de subjectivité liée aux juges. Avez-vous réussi à identifier ce qui vous a manqué pour décrocher l’or?

C’est le défi des sports jugés. Il y a forcément une part de subjectivité liée aux goûts, à l’aspect artistique du sport. En tant que patineur, il faut accepter cette réalité. Parfois, on se demande si le résultat aurait été différent avec un autre panel de juges, mais on sait aussi, au fond, qu’on peut toujours s’améliorer.

On n’est jamais parfait. Il y a toujours des éléments techniques à affiner, des mouvements à exécuter plus vite, plus proprement. Ce travail d’amélioration ne dépend pas du résultat. Que l’on gagne ou non, on cherche constamment à progresser. Il faut être capable de se dire ‘ça, je l’ai bien fait’, tout en voyant ce qui peut être mieux. C’est cet équilibre qui permet de continuer à avancer avec confiance, mais aussi avec humilité et envie de s’améliorer chaque jour.

Paul Poirier et Piper Gilles en action lors du programme rythmique aux mondiaux à Boston. Photo : Skate Canada

Revenons sur la saison globalement. Vous avez déjà commencé à l’évoquer. Le début a été difficile, mais à quel moment et comment avez-vous réussi à redresser la barre?

C’était vraiment une saison étrange. On a eu deux compétitions très compliquées à l’automne, en Finlande et en France. Ce qui était frustrant, c’est que les erreurs commises n’étaient pas sur des éléments techniques très durs. C’était des fautes ‘bêtes’, comme la fois où mon pied a juste heurté le mur. C’était une question de distance mal évaluée, alors que j’étais bien en équilibre, dans ma routine.

Cette saison, on avait décidé de commencer nos entraînements plus tôt, dès le 15 juin, pour être bien préparés après notre deuxième place aux mondiaux à Montréal. Mais je pense que ça nous a usés. On n’a pas vraiment eu de pause jusqu’à la fin des Grands Prix, début décembre. À ce moment-là, on était vraiment épuisés.

Après les Grands Prix, on a enfin pu faire un break, avoir une vraie semaine de repos. Et on a recentré notre approche sur la gestion de l’énergie : alterner les jours de grosse charge et les jours plus calmes, choisir nos moments. Cette écoute du corps et de nos besoins nous a permis d’être performants sur toute la deuxième moitié de la saison.

Vous avez ensuite enchaîné très vite avec les spectacles en commençant votre tournée au Japon. Comment s’est prise cette décision?

Ça fait plusieurs saisons qu’on fait ça : on enchaîne les spectacles juste après la saison compétitive. C’est devenu une habitude, une partie de notre routine. On sait maintenant comment se préparer pour enchaîner les shows, puis revenir à l’entraînement estival pour la compétition.

C’est vrai que les spectacles demandent beaucoup d’énergie, mais on les considère comme un type d’entraînement. Pendant la saison, on fait deux performances par compétition, toutes les trois ou quatre semaines. En tournée, c’est quatre ou cinq shows par semaine, pendant plusieurs semaines d’affilée. Ça t’oblige à performer dans toutes les conditions – fatigué, malade, après un long trajet en bus…

Et ça nous rend plus solides mentalement. En plus, comme il n’y a pas les contraintes du règlement ou du pointage, on peut vraiment se concentrer sur l’émotion et le plaisir de patiner. Ça a changé notre rapport au patinage. On s’épanouit différemment et ça nous nourrit aussi pour la compétition.

Paul Poirier et Piper Gilles en action lors du programme libre aux mondiaux à Boston. Photo : Skate Canada

Cette saison vous a-t-elle tout de même servi dans la préparation olympique, même si vous devrez changer de programme l’an prochain?

Toujours. Chaque nouveau programme nous apprend des choses. On teste une chorégraphie, une structure, et parfois on se rend compte que ça ne fonctionne pas : pas assez d’élan pour enchaîner, trop de fatigue sur une section… On apprend de ça pour mieux concevoir le programme suivant.

Cette saison, on a aussi beaucoup appris sur la gestion de l’énergie, comment trouver l’équilibre entre entraînement et repos. Et puis il y a le côté momentum : être sur le podium mondial pour la troisième saison d’affilée, ça compte dans un sport jugé. Ça ne garantit pas une médaille olympique, bien sûr, mais ça montre aux juges qu’on est là, qu’on reste dans le haut du classement mondial. Et psychologiquement, ça nous donne confiance.

Pour finir, comment va se passer votre préparation olympique? Est-ce que vous la commencez déjà pendant la tournée, ou bien après?

Oui, la préparation a déjà commencé, même pendant les spectacles. On fait beaucoup de recherches en ce moment : sur la musique, sur les mouvements, on regarde des vidéos de danse, on pense aux costumes… C’est le moment de la réflexion.

On commencera les chorégraphies en juin. Ensuite, les mois de juin, juillet, août seront entièrement consacrés à la construction des nouveaux programmes. Puis les compétitions reprendront à l’automne, avec la saison des Grands Prix à partir de septembre-octobre. »