Pause, un nouveau départ pour Sugar Crush
OTTAWA – Le duo franco-ottavien Sugar Crush a lancé son nouvel EP devant une salle pleine le 9 septembre dernier. Plus personnel, Pause fait découvrir la personnalité de Joanie Charron et Marie-Soleil Provost à un public qui connaissait déjà leur côté festif. ONFR s’est entretenu avec Joanie Charron à propos de ce mini-album disponible sur toutes les plateformes depuis le 15 septembre.
Les artistes vous diront que le récent EP est plus personnel, plus introspectif. Mais les admirateurs de Sugar Crush ne seront pas désorientés. Ce nouvel effort se situe plus dans la continuité, la fameuse maturité du nouvel album dont on entend souvent parler. Et c’est le prix du public remporté au Gala Country 2022 qui a donné aux deux musiciennes l’assurance nécessaire pour se dévoiler davantage.
« On était dans un moment où l’on se demandait si les gens voulaient vraiment entendre ce qu’on avait à dire, ou s’ils voulaient juste faire le party avec nous », explique Joanie Charron, précisant que la musique country-folklorique a toujours été un véhicule très festif sur scène, mais qui manquait peut-être d’authenticité.
« On se disait que, peut-être, c’était ça notre voie. On est un band de party. Mais dans la vie, Marie-Soleil et moi, on n’est tellement pas des filles de party! On a des personnalités super douces. »
La chanson J’aurais dû parle du moment où elles ont réalisé qu’il était plus facile d’être soi-même. Mais ce sont les chansons L’hiver te saoule, sur la consommation, et Comme avant, sur l’écoanxiété qui sont les plus personnelles. Joanie Charron les voyait comme des « chansons d’album », qui seraient jouées une seule fois sur scène, au lancement du EP. Mais la réaction du public l’a fait mentir.
« C’était la première fois que ça m’arrivait comme artiste, de vraiment aller à la rencontre du public avec de vraies choses. Des fois, on porte des chansons plus tristes, mais qui ne sont pas les nôtres. Cette fois-ci, c’étaient nos chansons et j’avais l’impression que les gens voulaient vraiment les entendre. »
Sugar Crush ne renie pourtant pas son côté festif, qu’on retrouve entre autres sur Pars un rigodon. L’espoir et le positivisme sont aussi au cœur de la chanson-titre, Pause. Les paroles du refrain, il faut prendre une pause pour comprendre bien des choses, sont devenues un mantra pour Joanie Charron. « Encore aujourd’hui, je me le répète tellement souvent! »
Un peu de recul permet entre autres de ressentir de l’empathie pour les gens qui nous ont causé du tort. « Être en colère, ça ne me sert à rien. Ce n’est vraiment pas un sentiment que j’aime », explique la musicienne. De plus, la pause personnelle a permis à l’art de Sugar Crush de prendre un nouveau sens. C’est avec sérénité que le duo récite aujourd’hui des paroles qui paraissaient si lourdes. « On les avait mises dans un tiroir et on ne voulait plus y toucher, parce qu’on n’était pas prêtes. Aujourd’hui, on les chante vraiment différemment, justement parce qu’on a pris une pause. »
Une histoire d’amitié
Il y a près d’une décennie maintenant que Joanie Charron a acheté un ukulélé à Marie-Soleil Provost pour la convaincre de l’accompagner lors d’un spectacle à Toronto. La saxophoniste de formation a appris les chansons, assise dans le siège passager, entre les capitales nationale et provinciale. Cette anecdote a scellé une amitié, mais aussi une façon de travailler, explique Joanie Charron.
« Encore aujourd’hui, on compose la majorité de nos chansons quand je conduis et qu’elle est à côté avec le ukulélé. C’est bien pratique, finalement! »
Les Franco-Ottaviennes commencent à sentir une base d’admirateurs plus solide se forger autour de Sugar Crush. Une communauté bienveillante, qui rejoint les raisons pour lesquelles elles ont choisi de faire de la musique country, pour la culture qui ne place pas les musiciens sur un piédestal.
« Le show-business ne m’intéresse pas », précise Joanie Charron. « Quand tu vas dans un festival country, il y a quelque chose de sincère, une camaraderie. Les artistes et le public se réunissent pour passer un bon moment. »
L’évolution de Sugar Crush, même si déclenchée par des « tempêtes personnelles », permet de connecter de façon plus profonde avec le public. « Je me suis rendu compte que la vie n’est pas juste un party, et c’est correct. C’était le moment d’en parler et que notre spectacle soit plus près de la réalité. » Joanie Charron souligne tout de même que la fête n’est pas évacuée de la scène. « On garde la signature festive aussi. Tu vis un moment difficile, tu t’en occupes et après, ça va mieux. Ça donne une belle nuance dans notre spectacle. »
Encore en français, S.V.P.
Le premier EP de Sugar Crush, paru en 2018, annonçait les couleurs du duo avec son titre En français S.V.P. Joanie Charron insiste sur son envie de poursuivre dans cette veine.
« Il y a des artistes qui disent que c’est plus difficile d’écrire en français à cause du rythme, de la musicalité et de la phonétique. Moi, je ne vis pas ça, au contraire. Je trouve que c’est tellement une langue riche, tu peux avoir plusieurs mots pour exprimer une chose. »
La Franco-Ontarienne est particulièrement fière de voir ses chansons résonner chez la plus jeune génération. « Dans ma famille, on a vraiment cette réalité de minorité francophone en Ontario. Je trouve ça super touchant que mes petites nièces chantent mes chansons, et qu’elles découvrent ensuite d’autres artistes franco-ontariens. Elles aiment tellement venir à nos spectacles qu’elles apprennent littéralement le français avec nous. »
Sugar Crush annoncera prochainement une nouvelle tournée pour faire vivre les cinq chansons du EP Pause sur scène.