Place des Arts à Sudbury : ce que les artistes et organismes gagneront
SUDBURY – Le compte à rebours a commencé pour la Place des Arts de Sudbury. À l’angle des rues Elgin et Larch, le bâtiment de cinq étages est attendu de pied ferme pour 2020. Plus qu’une nécessité, une urgence pour les organismes et artistes locaux.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Martin Lajeunesse, directeur administratif du Théâtre du Nouvel Ontario, est formel : le lieu de représentation situé sur le campus du Collège Boréal manque aujourd’hui de places. « Nous avons une capacité de 105 places en moyenne, dépendamment du spectacle. Or, 85 % de la salle est remplie à chaque spectacle. C’est un peu trop. »
Pour M. Lajeunesse, le théâtre de langue française de Sudbury serait victime de son succès. « Nous avions trois employés il y a 20 ans. Nous sommes aujourd’hui huit. On aurait besoin de beaucoup plus de loges, plus de foyers. »
Dans ces conditions, le coup d’accélérateur du dossier de la Place des Arts en 2017 est vu comme un vent d’optimisme. « Dans la conception finale, on parle quand même d’une salle de 120 à 150 places. »
La construction semble aujourd’hui une formalité. En juin dernier, le projet d’environ 30 millions de dollars obtenait le financement du gouvernement provincial. Le 13 octobre, le palier fédéral confirmait la somme de 12,5 millions de dollars. Une fête alors gâchée par le décès soudain de la porte-parole du projet, Paulette Gagnon.
Le travail de la leader est en tout cas sur le point de porter ses fruits. Et du côté des Éditions Prise de parole, on ronge aussi son frein. « Sur le plan symbolique, cette Place des Arts, c’est fort », estime l’éditeur Stéphane Cormier.
« Pour nous qui menons beaucoup d’activités littéraires, cette place-là va devenir notre maison. Jusqu’à maintenant, nous menions les activités littéraires dans les bars ou les bistrots, ça ne sera plus le cas. La Salon du livre tous les deux ans à Sudbury pourra s’y dérouler. »
S’ajoutent aussi les bénéfices plus pratiques. « Il y aura un partage des coûts, des avantages de cohabiter. Le fait que tous les organismes soient sous le même toit fait qu’il sera plus facile de faire circuler les informations. »
« Des lieux de rassemblement pour la communauté »
Reste que la Place des arts n’est pas un concept isolé dans la culture franco-ontarienne. À Ottawa, la Nouvelle-Scène refaite à neuf l’an passé, et le Centre des arts Shenkman occupent une fonction similaire.
Depuis son ouverture en 2009 dans le quartier Orléans, Shenkman propose environ 200 spectacles par saison. Une trentaine, présentés par l’intermédiaire du Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO), sont francophones.
« Ce sont des points de chute, des lieux de rassemblement pour la communauté », croît Éric Dubeau. En juin dernier, c’est un autre rôle dans lequel s’était glissé le musicien, originaire de Penetanguishene, en coordonnant l’écriture du Livre blanc sur la culture et les arts de l’Ontario.
« Il faut comprendre que ce sont aussi des lieux de créations importants. Au Québec, avant de faire une tournée, vous avez beaucoup de lieux pour rôder et concevoir votre spectacle, penser par exemple en termes d’éclairages. Ce n’est pas le cas dans l’Ontario français. »
Du côté des arts visuels et médiatiques, on observe aussi d’un œil les derniers développements à Sudbury. À la tête du Bureau des regroupements des artistes visuels de l’Ontario (BRAVO), Yves LaRocque aimerait voir les centres de ce type se multiplier.
« Il nous manque des infrastructures d’accueil », se désole le directeur général. « Comprendre des galeries d’arts, et encore du personnel qui connaît les arts. Il bien payer ce personnel pour les faire venir. »
Passionné de peinture, M. LaRocque n’en a pas moins un langage coloré. « Nous visons haut. Il faut que les arts visuels soient contemporains et exigents. Il faut voir au-delà des tableaux représentant des mésanges à tête noire et des granges dans le foin jaune. On ne veut pas chercher les peintureux. »
La Place des Arts pourrait même être une coche au-dessus du Centre des arts Shenkman jugé « plutôt anglophone » pour lui, ou encore la Nouvelle-Scène. « Ils (la Nouvelle-Scène) devraient faire plus d’expositions. »
Un manque du côté de Toronto
Une Place des Arts à Sudbury? Shenkman et la Nouvelle-Scène à Ottawa? On peut s’interroger sur la pertinence d’un centre du même type du côté de Toronto.
« On sent le momentum », analyse M. Dubeau. « La communauté est très diversifiée, on s’y perd, mais il y a le projet d’une université de langue française qui avance, celui de la Maison de la francophonie, peut-être est-ce le temps aussi d’un lieu de rassemblement de ce genre. »
#ONfr vous propose une série d’articles sur les enjeux culturels en Ontario, dans le cadre de son Facebook Live avec la ministre du Tourisme, de la Culture, et du Sport, Eleanor McMahon, lundi 27 novembre à 13h.
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POUR EN SAVOIR PLUS :
Place des arts de Sudbury : le financement provincial est complet
http://onfr.tfo.org/budget-un-geste-pour-la-place-des-arts-de-sudbury/