Rapport sur la francophonie à l’U d’O : des professeurs veulent un changement de culture

Le campus de l'Université d'Ottawa. Archives ONFR+
L'Université d'Ottawa pourrait être l'une des nombreuses institutions de l'Ontario à se voir imposer un plafond sur son nombre d'étudiants. Archives ONFR+

OTTAWA – Des professeurs de l’Université d’Ottawa se disent peu surpris des constats dans le rapport sur la francophonie et veulent du changement au niveau de la culture de l’établissement. Ces derniers veulent que la place du français soit de retour à l’avant-plan de la mission de l’institution.

Il faut rappeler qu’ONFR+ révélait qu’un rapport, désormais public, faisait état d’une place peu reluisante du français à l’Université d’Ottawa (U d’O). Un manque d’accès aux cours en français, un refus de remettre des travaux en français dans les cours anglophones, de la francophobie et de l’hostilité ainsi que de la discrimination envers la francophonie sont décrits dans ce document.

La professeure titulaire au Département de français Lucie Hotte est l’une des 400 personnes qui a participé à ces consultations qui ont donné lieu à ce rapport.

« J’ai été très peu surprise des résultats. Pour deux raisons, premièrement, aux consultations j’ai pu mesurer l’ampleur du désarroi et de la profonde tristesse par rapport à la perte de la présence du français. La deuxième raison, bien que je sois directrice du Centre de recherche en civilisation canadienne-française et que je travaille dans un centre unilingue, j’ai dû faire des plaintes à maintes reprises – quasiment toutes les semaines- quand un employé ne pouvait pas me servir en français. Le nombre de plaintes que j’ai fait montre qu’il y a un problème. »

La professeure titulaire au Département de français de l’Université d’Ottawa Lucie Hotte. Gracieuseté

Ces consultations sont survenues en mai suite à plusieurs événements sur la liberté académique avec les professeurs Verushka Lieutenant Duval et Amir Attaran.

« L’Université a traversé l’an passé des problèmes touchant la question du mot en N et le débat autour du Québec bashing. Tout ça a laissé des traces et a abîmé une part de la francophonie à l’université. Là, il y a comme des gens qui pointent les francophones et il y a comme des tensions qu’on n’a jamais eues par le passé. C’est comme si la dualité linguistique ne peut plus se faire », souligne Martin Meunier, directeur du Collège des chaires de recherche sur le monde francophone et professeur titulaire.

Des professeurs espèrent que ce type de rapport permettra d’ouvrir les yeux de certains membres de la haute administration, car ce réveil est nécessaire selon ces derniers.

« Il y a un changement de culture et de mentalité qui devra passer sans doute par la valorisation du français, ce qui fait partie du mandat de l’Université d’Ottawa, c’est dans sa loi fondatrice. Ça prend aussi un changement culturel. Il faut changer le mode de gestion de cette université pour que le vice-recteur à la francophonie ait plus de pouvoir », croit Mme Hotte.

Un changement de mentalité

Pour Martin Meunier, ce n’est pas nécessairement les personnes responsables qui sont le problème, mais plutôt la façon dont ils voient les choses à l’U d’O.

« Il n’y a pas de problème de transparence ou simplement juste un problème de gouvernance. C’est un problème de lunette francophone. C’est comme si les gestionnaires de l’université ne mettaient pas la lentille francophone partout. On crée des projets, on crée des programmes anglophones seulement. On devrait toujours penser avec la lentille francophone et se dire « il faut que le projet soit bilingue ». Il faut que ça serve la communauté. »

Le professeur de l’Université d’Ottawa Marti Meunier. Crédit : capture d’écran ONFR+

Pour le professeur François Charbonneau, il est grand temps de redresser la barre, lui qui propose d’avoir une administration gérée par et pour les francophones.

« Il y a une offre de services en français, mais ce n’est plus une université qui se pense par et pour les francophones avec une composante bilingue, c’est en train de devenir une université anglaise qui n’est pas au service de la communauté franco-ontarienne et qui ne la traite pas comme un partenaire, mais comme une autre minorité à gérer. C’est ça le problème et ce n’est pas la faute du recteur, c’est structurel et le rapport l’explique très bien. »

Le professeur de l’École d’études politiques pense que l’idée d’une dualité linguistique est vouée à l’échec, car elle ne sort pas des rangs de la salle de classe.

« Quand on se promène dans les corridors de l’université, il y a une vie en français, mais dès qu’on sort des classes, là où il y a des espaces homogènes, vous vous retrouvez dans une situation extrêmement difficile. Les étudiants francophones ne remettent pas leurs travaux en français dans les cours en anglais alors que les anglophones remettent leurs travaux en anglais dans les cours en français », donne-t-il comme exemple.

François Charbonneau de l’Université d’Ottawa Crédit image : TFO

Pour ce dernier, l’institution franco-ontarienne a perdu de son lustre francophone.

« Il y a quarante ans, quand tu étais un étudiant francophone à l’université, tu te sentais comme un égal avec les anglophones dans cette institution-là, tandis qu’aujourd’hui, on est au rang de minorité à gérer. C’est ça le problème. »