32 recommandations pour régler la crise du postsecondaire
OTTAWA – Le fédéral doit tenir sa promesse de doubler et rendre permanent le financement pour les établissements postsecondaires de la francophonie canadienne, demande des institutions postsecondaires et organismes francophones dans un rapport rendu public ce jeudi.
Ce rapport, qui contient 32 recommandations, fait suite à des États généraux qu’ont tenus au cours de la dernière année des établissements et organismes de la francophonie canadienne impliquant 1 400 participants. Il fait suite aux nombreux événements ayant touché les institutions postsecondaires, comme la restructuration de l’Université Laurentienne à Sudbury, les déboires du Campus Saint-Jean avec le gouvernement albertain et les difficultés financières de l’Université Moncton.
Ces événements avaient poussé Ottawa, lors du budget de 2021, à créer une enveloppe de 40 millions de dollars par année sur trois ans destinée aux établissements francophones. Ce montant a par la suite été doublé et rendu permanent lors de la campagne électorale l’an dernier, mais le Parti libéral n’a toujours pas respecté sa promesse de le faire passer à 80 millions de dollars ni de le continuer. De plus, les premiers dollars qui devaient tomber dans les poches des établissements dès 2021-2022 sont arrivés un an plus tard et Ottawa n’a pas fourni d’explication, ni précisé si le montant était annulé ou simplement repoussé pour une année.
La ministre des Langues officielles affirme que « bonifier cette enveloppe-là est important ». Elle refuse toutefois de dire quand cette promesse libérale sera exécutée, notamment lors de la prochaine mise à jour économique de Chrystia Freeland qui risque d’être déposé, comme à son habitude, durant le mois de novembre.
« Nous avons été clairs dans notre plateforme électorale que la bonification de cette enveloppe-là était importante », répète Ginette Petitpas Taylor.
Elle dit avoir entendu au cours de ses consultations durant l’été pour le prochain Plan d’action sur les langues officielles l’importance du postsecondaire.
« On veut s’assurer que nos jeunes vont avoir accès à des institutions postsecondaires dans la langue minoritaire en français, donc on veut s’assurer que les investissements soient faits », souligne-t-elle.
Un nouveau mécanisme et du financement bonifié
Effectué conjointement par l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) et la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, le rapport demande aussi au fédéral un financement pour la création d’un nouveau mécanisme. Ce mécanisme aurait pour but « d’augmenter la capacité de collaboration entre les établissements et documenter les enjeux qui s’y rapportent », peut-on lire.
Ce nouvel outil, qui serait géré par l’ACUFC permettrait par exemple d’augmenter la collaboration entre universités ou collèges pour la création de projets comme des programmes et baccalauréats conjoints.
La présidente de l’ACUFC Lynne Brouillette note qu’augmenter les partenariats est une des façons de régler la crise dans le milieu universitaire et collégial.
« Par exemple, il y a différents projets comme les programmes de 2+2, soit deux années universitaires et deux années collégiales pour un programme entre les établissements. C’est ce genre de modèles qu’on veut amener à la table. Notre travail consisterait à les appuyer et organiser toute la logistique autour du travail de partenariat. »
Ce plus grand dialogue voulu entre les établissements et les communautés francophones augmentera le nombre d’étudiants francophones hors Québec dans les établissements et réduira le déclin démographique des francophones, estime le rapport. Selon le document, seulement 2 % de la population étudiante effectuait des études en français à l’extérieur du Québec, ce qui serait notamment dû aux manques de programmes et d’opportunités d’étudier en français dans les institutions hors Québec.
« La gamme restreinte et les enjeux d’accès à des programmes de formation offerts en français ont une incidence sur la pénurie de personnel qui travaille en français… Plus largement, appuyer la communauté francophone bénéficie aux entreprises et aux industries de la région, qu’elles soient francophones ou non », est-il écrit.
Il existerait trop de barrières linguistiques pour les étudiants notamment l’obligation de suivre certains cours en anglais et le manque de cours offerts en français dans certains programmes.
« Ces exigences en anglais peuvent parfois être justifiées, mais, dans certaines circonstances, sont déraisonnables. »
Le recteur de l’Université d’Ottawa Jacques Frémont y voit d’un bon oeil ce nouveau rapport.
« Nous adhérons intégralement au principe de la collaboration interinstitutionnelle … et travaillerons avec toutes les parties prenantes pour veiller à la mise en place des changements systémiques requis afin de permettre aux établissements d’enseignement postsecondaires francophones partout au pays de s’épanouir de façon viable, au service de leurs communautés », a-t-il indiqué.
Quelques-unes des 32 recommandations
- Augmenter la taille des populations étudiantes en faisant mieux connaître les avantages d’étudier en français
- Innover et augmenter les collaborations avec le milieu professionnel pour l’excellence des programmes de formation
- Faire de la recherche en français dans un environnement axé sur l’anglais
- Que le gouvernement du Canada finance la création du Service d’aide à la recherche en français au Canada (SARF)
- Créer une collaboration entre Immigration Canada et les établissements pour élaborer une stratégie de recrutement, d’accueil et de rétention de la population étudiante internationale
- Que le fédéral reconnaît et appuie la recherche effectuée en français et celle faite dans l’intérêt des communautés francophones dans le prochain Plan d’action sur les langues officielles.