Recul francophone : Vanier un exemple parmi d’autres

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[ANALYSE]

OTTAWA – Ce samedi, les résidents d’Ottawa-Vanier sauront qui de Nathalie DesRosiers ou Lucille Collard représentera le Parti libéral pour  la prochaine élection partielle au niveau provincial. Une donnée d’ores et déjà certaine : le prochain député de la circonscription parlera français, puisque les deux autres candidats André Marin (PC de l’Ontario) et Claude Bisson (Nouveau Parti démocratique) sont aussi francophones.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Une habitude certes, mais qui pourrait devenir une chance dans quelques années. La population francophone de la circonscription continue de fondre comme neige au soleil. Ils sont désormais moins de 30% de résidents de langue maternelle française à vivre dans ce comté.

L’appellation « bastion francophone » n’a désormais plus beaucoup de sens. En témoigne il y a quelques années, le projet avorté de désigner officiellement le quartier comme francophone. Mais Vanier n’est pas un exemple isolé dans l’Ontario français, plutôt le symbole d’une perte de vitesse généralisée dans toute la province.

Les francophones représentaient 8% des Ontariens en 1900. Cette proportion est aujourd’hui quasiment divisée par deux. Dans le Nord de l’Ontario, les jeunes francophones quittent la région… pour aller travailler en anglais. Toronto, souvent vu comme l’eldorado en matière d’immigration francophone, demeure trop souvent une terre d’assimilation.

Bien sûr, il reste encore des bastions francophones, particulièrement dans l’Est ontarien à Hawkesbury ou encore Casselman. Cette région, trait d’union entre Ottawa et le Québec, n’échappe pas au rouleau compresseur de l’assimilation. En 2011, le Rapport Bisson avait démontré, chiffres à l’appui, que l’immigration francophone y demeurait cinq fois moins élevée que l’immigration anglophone. Les solutions? On ne les connait toujours pas.

Depuis les années 60, les francophones ont obtenu leurs écoles puis gagné la gestion. Ces dernières années, les drapeaux franco-ontariens et Monuments de la francophonie fleurissent. Ça ne suffit pas à empêcher le recul du poids démographique dans la majorité des municipalités de l’Ontario. À Ottawa, les francophones de langue maternelle représentaient presque 20% des résidents en 1981, contre 15% en 2011.

Les conséquences sont bien entendu politiques. Moins de francophones, c’est le risque de se retrouver tout simplement avec moins d’élus francophones… ou aucun tout simplement.

Dans les deux plus grandes villes de l’Ontario, on parle souvent de la francophilie des deux maires (un terme aujourd’hui galvaudée désignant plus quelqu’un capable de s’exprimer en français qu’un amoureux de la culture francophone). C’est oublier qu’à Toronto, aux côté du maire John Tory élu en 2014, il n’y a quasiment personne parmi les 44 conseillers capables de parler français. À Ottawa, avant l’élection de Jim Watson en 2010, les élus Michel Bellemare, Jacques Legendre et Georges Bédard constituaient un « caucus » solide. Aujourd’hui, Mathieu Fleury semble souvent seul lorsqu’il faut défendre les francophones.

Parmi les conseillers des « quartiers plus francophones » de l’Est d’Ottawa, Jody Mitic (Innes) partage plus souvent ses photos personnelles que des messages en français sur son fil Twitter, Tim Tierney (Beacon Hill-Cyrville) peine à aligner plusieurs phrases. Consolations : Bob Monette (Orléans) le parle convenablement, et Stephen Blais (Cumberland) a démontré un intérêt et une progression.

Les municipalités font-elles assez la promotion du français? Le débat sur la désignation bilingue d’Ottawa montre que les Villes et la province se renvoient trop souvent la balle. L’Ontario s’est bien dotée l’année dernière d’une cible de 5% d’immigration francophone, mais la nouvelle ministre déléguée aux Affaires francophones reste silencieuse sur les moyens d’atteindre cet objectif.

Marie-France Lalonde, tout comme le futur député d’Ottawa-Vanier, seront en poste au moins jusqu’en 2018. Rien n’indique que leurs successeurs seront à coup sûr francophones. Faudrait-il une telle alerte rouge pour prendre conscience de la fragilité du fait francophone? Les francophones ont encore leur destin en main.

Cette analyse est aussi publiée dans le journal Le Droit du 15 octobre