Règlement XVII : des excuses sans fondement
[CHRONIQUE]
Le député provincial de Sudbury, Glenn Thibeault, membre du gouvernement libéral de Kathleen Wynne, a indiqué souhaiter obtenir des excuses officielles de la part du gouvernement de l’Ontario pour le tort fait aux Franco-Ontariens avec le Règlement XVII. La déclaration a semblé satisfaire les représentants de la communauté, mais elle m’a profondément troublé. Des excuses de la province ne sont pas nécessaires tant pour des raisons historiques que pour des raisons politiques.
SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville
Des excuses officielles sont généralement faites lorsqu’elles traitent d’événements tragiques qui ont mis à mal les droits de la personne. Elles sont le fruit d’une mobilisation populaire afin de que soient reconnues les atteintes aux droits humains portées par certains politiques.
De nombreuses communautés ont dû attendre des décennies pour obtenir la reconnaissance officielle du tort de leur gouvernement. Ici, la demande est artificielle, car il n’y avait aucun mouvement de la part de la société civile franco-ontarienne en faveur de ce geste.
Au Canada, de telles excuses ont été formulées auprès de la population canadienne d’origine japonaise qui fut dépossédée de ses meubles et immeubles et éparpillée dans des camps de concentration durant la Deuxième Guerre mondiale. Également, des excuses ont été présentées auprès de la communauté ukrainienne pour l’internement de ses membres à titre de ressortissants de pays ennemis durant la Première Guerre mondiale.
Chacune des décisions mises en cause était clairement raciste. Si la citoyenneté canadienne n’existait pas à l’époque (elle a été créée en 1947), les membres des communautés en questions demeuraient des sujets britanniques aux yeux de la loi.
Une autre excuse officielle a été faite au sujet des pensionnats autochtones, ces fameuses écoles résidentielles, qualifiées aujourd’hui de projet de génocide culturel contre les Premières nations. La stratégie était d’arracher les enfants de leur famille, d’éliminer leur culture autochtone et d’en faire des blancs. Là encore, le caractère raciste de la stratégie était clair et précis, il n’y a aucun doute.
En 2003, la gouverneure générale Adrienne Clarkson a également reconnu le drame humain lié à la déportation des Acadiens sans, toutefois, offrir des excuses officielles. Des milliers d’hommes et de femmes ont été forcés d’exiler, éparpillés un peu partout en Amérique et en Europe, en raison de leur « race », du fait qu’ils étaient Français et catholiques. Certains souhaiteraient d’ailleurs que la monarchie britannique reconnaisse cet événement et formule des excuses officielles…
Toujours est-il que ces événements sont bien différents qui ont touché la communauté franco-ontarienne avec le Règlement XVII.
Querelle de clergés
En 2015, M. Thibeault demande des excuses officielles pour une politique qui s’appliquait fort mal dans l’Est ontarien. Ce règlement n’éliminait pas le français, mais limitait son utilisation dans les écoles, tout comme il limitait l’allemand dans des régions comme Waterloo où une forte minorité germanophone habitait.
À l’époque l’apprentissage du français était assuré par de pauvres âmes avec une piètre éducation, mal payés et n’ayant pas de brevets d’enseignement. L’éducation franco-ontarienne faisait piètre figure et avait de sérieux problèmes. Et c’est pourquoi l’Université d’Ottawa a ouvert son école normale en 1927, dans le but d’améliorer la qualité des enseignants et dans l’espoir de renverser les arguments en faveur du Règlement XVII.
Le Règlement XVII est également une querelle entre les clergés francophone et irlandais catholiques.
Mais c’est aussi une politique qui a pu être contrecarrée et qui n’avait rien d’un projet de génocide culturel ou de dépossession à la même échelle qu’ont pu le vivre les Acadiens, les nations autochtones, les Canadiens d’origines japonaise ou ukrainienne. Le Règlement XVII ne portait pas non plus atteinte aux droits de la personne. Pourtant, voilà le sens d’excuses officielles quand elles sont proférées.
Il est bizarre qu’un membre du gouvernement dans le contexte actuel de politique franco-ontarienne se lève pour exiger des excuses de la part de sa première ministre pour un événement qui demeure un mythe important dans l’imaginaire canadien-français.
Est-ce une stratégie de diversion? Une tentative de se faire du capital politique?
Pire encore, ce projet d’excuses n’a rien de concret. Pourtant, il existe de nombreux projets qui pourraient avoir un véritable sens pour la communauté franco-ontarienne. Le député Thibeault devrait plutôt exiger de l’Ontario une reconnaissance constitutionnelle du bilinguisme de la province, au même titre que le Nouveau-Brunswick. Voilà un projet substantiel!
Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.
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